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La politique, ce grand corps perçu comme malade

Depuis cinq mois, les électeurs ont systématiquement rayé les figures du passé et démenti les scénarios écrits d'avance.

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Par Cécile Cornudet

Publié le 28 mars 2017 à 01:01

Voilà une habitude qui dit beaucoup de nous. On n'admire et n'écoute les hommes politiques qu'au moment où ils quittent la scène. Lundi 6 mars, Alain Juppé renonce « une bonne fois pour toutes » à être le plan B à droite avec un testament qu'il livre pour frapper : « Notre pays est malade, rétif aux réformes qu'il sait nécessaires, en colère contre ses élites politiques, mais sensible aux promesses démagogiques. »

Cruel constat que la campagne permet de prolonger. Pour bien des Français, le vrai malade n'est pas le corps du pays mais sa tête, la politique. Malade de s'être éloignée d'eux, malade de fonctionner en vase clos et de ne pas s'appliquer à elle ce qu'elle professe aux autres. Et comme la période est propice aux règlements de comptes, la tête est large. On y inclut les médias, les sondages, les corps intermédiaires, bref, le « système ». Imagine-t-on d'ailleurs campagne présidentielle avec davantage de candidats « anti-système » que celle de 2017 ? Non. Les onze candidats ont compris que le premier argument électoral était de tourner le dos à la politique du passé.

On peut suivre l'évolution du mouvement à celle des mots. La « défiance » des électeurs pour la politique est devenue « colère », puis « rejet », puis « dégoût ». Deux quinquennats vécus comme impuissants face au chômage et à l'insécurité, des affaires à répétition, un monde politique fonctionnant en « classe », ont fini de sceller le divorce. Les Français ne se sentent plus « représentés » par leurs « représentants ». Trahis, ils veulent reprendre le pouvoir. Sans intermédiaire. La révolution flotte dans l'air. Tous les scénarios écrits d'avance sont démentis. Les figures du passé sont balayées. Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Manuel Valls sont rayés de la carte par le biais des primaires. Le « dégagisme » fait florès. Le président de la République est pour la première fois dans la Ve République empêché de se représenter. Les deux partis de gouvernement, LR et PS, colonne vertébrale de la Ve République, sont sous assistance respiratoire, menacés d'être éliminés au premier tour de l'élection présidentielle. Depuis cinq mois, les Français ont systématiquement entrepris de renverser la table politique. « Ecoutez-nous ! » semblent-ils hurler.

L'écho est arrivé aux candidats. Les sujets habituels sont passés au second plan, seul s'impose celui-ci : comment répondre à la crise politique ? Preuve de leur écoute, les candidats ont eux-mêmes pris une pique. « Révolution », dit Emmanuel Macron en titre de son livre, « Au nom du peuple », brandit Marine Le Pen tandis que Jean-Luc Mélenchon parle à la « France des insoumis ». Ils entendent, mais comment guérir ce grand corps malade ? Pas un remède ne se ressemble. Il faut réinventer le « futur désirable » de la gauche, dit Benoît Hamon; remettre le pays sur les rails économiques, dit François Fillon; oublier le clivage gauche droite et imposer des têtes nouvelles, poursuit Emmanuel Macron; tenter la seule chose qui n'ait pas été tentée, sortir de l'Europe, dit Marine Le Pen; réformer les institutions et redonner le pouvoir aux citoyens, plaide Jean-Luc Mélenchon.

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L'un d'eux a-t-il la bonne potion ? Même pas sûr. Alors les Français courent les meetings, se pressent devant les émissions, lisent les journaux tout en se « réinformant » sur Facebook. Ils doutent, hésitent, se détachent puis reviennent, et repartent, ne pas voter, voter, pour qui, empêtrés dans une relation d'amour-haine avec cette grande passion qu'est pour eux la politique.

Cécile Cornudet

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