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Pollution de l'air: Paris, Londres et Séoul lancent un système «inédit» de notation des véhicules

Les maires des trois capitales ont annoncé la création d'un système fondé sur les émissions réelles de particules polluantes. Pour informer les consommateurs et encourager les constructeurs à produire plus propre.
par Coralie Schaub
publié le 29 mars 2017 à 19h20

C'est l'une des phrases favorites de la maire de Paris, Anne Hidalgo: «Je n'ai pas un problème avec les voitures, mais j'ai un problème avec la pollution.» Elle l'a répétée mercredi, à l'Hôtel de ville de Paris, avec, à ses côtés, ses homologues Sadiq Khan, maire de Londres, et Won-soon Park, maire de Séoul. Et elle l'a assortie de l'annonce d'une petite bombe: un système «inédit et innovant» de notation des véhicules, «fondé sur leurs émissions réelles de particules polluantes». La pollution de l'air, a-t-elle rappelé, tue prématurément trois millions de personnes par an dans le monde, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Juste avant l'annonce, les maires avaient rencontré les constructeurs, dans une réunion qu'Anne Hidalgo a estimée marquée par le «dialogue» et la «coproduction». Les grandes firmes, qui sortent à peine des dégâts du dieselgate, seraient prêtes à faire des efforts. Il va leur en falloir, en communication en tout cas. Car cette initiative, baptisée «Air'volution», vise en effet à permettre aux citoyens de «connaître enfin le véritable impact environnemental des véhicules qu'ils achètent et qu'ils conduisent». Il s'agit de limiter «les abus constatés chez certains constructeurs qui profitent des lacunes de la labellisation actuelle», selon le communiqué de la mairie de Paris.

Capteurs

Concrètement, chaque modèle de véhicule se verra attribuer une note, calculée «en fonction de l'ensemble des polluants qu'il émet en situation réelle, c'est-à-dire lorsqu'il circule». A l'inverse de ce qui se pratique aujourd'hui dans l'Union européenne, où le système de notation n'évalue que certains polluants et se fonde sur des tests en laboratoire. «Les émissions réelles des véhicules en circulation s'avèrent être jusqu'à 15 fois plus importantes que celles constatées lors de ces tests», déplore la mairie de Paris.

Pour établir cette nouvelle notation, des capteurs mobiles seront installés dans les prochaines semaines dans les rues de Paris, d'autres étant placés sur les différentes marques de véhicules. L'information, «fiable et transparente», sera fournie par l'entreprise spécialisée Emission analytics et l'ONG ICCT (The international council on clean transportation, Conseil pour des transports propres), celle-là même qui a permis de dévoiler le scandale Volkswagen.

Ces notes pourront être consultées par les citoyens sur des sites internet dédiés, que Paris et Londres prévoient de mettre en ligne dès la fin 2017. «Les consommateurs auront ainsi une connaissance complète et précise du niveau de pollution émis par le véhicule qu'ils projettent d'acheter ou qu'ils possèdent», estime la maire de Paris.

«Dans nos villes, la principale source de pollution est le trafic routier, donc en tant que maires de grandes villes, nous devons agir», a expliqué Hidalgo. Par ailleurs, les «récents scandales du dieselgate ont entamé la confiance des citoyens et des clients. […] C'est pour cela que nous nous sommes engagés pour qu'il y ait davantage de transparence, de clarté».

Il «devient impératif d'agir», a aussi insisté le maire de Londres, rappelant que dans sa ville, plus de 9 000 personnes meurent prématurément à cause de la pollution - contre 2500 à Paris. Dans la capitale britannique, les voitures les plus polluantes devront payer à partir d'octobre une taxe supplémentaire pour accéder au centre-ville et il est prévu que la ville devienne d'ici à 2020 une zone de circulation à «ultra-basses émissions».

Mais pour pouvoir vraiment lutter contre la pollution de l'air, Sadiq Khan a lui aussi estimé nécessaire «d'améliorer la transparence pour les consommateurs». Selon lui, le système dévoilé mercredi «mettra un terme aux miroirs aux alouettes qui ont parfois été utilisés lors des évaluations officielles menées par certains constructeurs. Il va permettre aux Londoniens d'accéder à des données honnêtes, exactes et indépendantes. […] et encourager les constructeurs automobiles à concevoir plus rapidement des véhicules propres ».

Changement culturel

La réunion des trois maires avec les représentants des constructeurs automobiles était destinée à «aborder les solutions à activer ensemble pour accélérer la transition vers des véhicules à faibles émissions et les véhicules électriques». Hidalgo s'est «réjoui» qu'elle ait eu lieu. Les constructeurs automobiles seraient selon elle d'accord pour réellement faire des efforts, «car ils savent que nous sommes prescripteurs, nous les maires des grandes villes».

Mais au-delà d'un dispositif technique, «il nous faut surtout un changement culturel», a insisté Anne Hidalgo, appelant de ses vœux que chacun «partage la vision de villes où la voiture a sa place, mais une voiture propre, et si possible en autopartage».

Et de rappeler le poids que représente le Cities Climate Leadership Group (C40), le plus grand réseau d'agglomérations mondial, qu'elle préside pour trois ans : près de 90 villes, regroupant quelque 650 millions d'habitants. De quoi mettre quelque peu la pression sur les industriels. D'autant que d'autres villes membres du C40, «parmi lesquelles Madrid, Mexico, Milan, Oslo et Tokyo, se sont jointes au projet pour créer ce système de notation mondial précis et accessible à tous». De l'importance de faire masse. Le Comité des constructeurs français d'automobiles a publié mercredi un communiqué pour affirmer son «soutien à l'initiative du C40».

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