ARTTableau retrouvé dans un grenier toulousain: Les indices mènent au Caravage

De nouvelles expertises attribuent au Caravage le tableau retrouvé dans un grenier toulousain

ARTDe nouvelles expertises viennent conforter la thèse que le tableau retrouvé en 2014 serait un Caravage. Mais la bataille d’experts n’est pas tranchée, pour un tableau estimé à 120 millions d’euros…
Le commissaire-priseur toulousain Marc Labarbe, en avril 2016, lors de la présentation du tableau
Le commissaire-priseur toulousain Marc Labarbe, en avril 2016, lors de la présentation du tableau  - . Kovarik / AFP
Béatrice Colin

Béatrice Colin

Il y a un an, le grand public apprenait l’existence du tableau Judith et Holopherne, attribué au Caravage par son « découvreur », le commissaire-priseur toulousain Marc Labarbe, et l’un des plus grands experts français, Eric Turquin.

Depuis, les spécialistes se livrent une guerre comme ils en ont le secret pour déterminer si, effectivement, cette peinture est bien l’œuvre du maître italien du Clair-Obscur.

De nombreux détails qui ne trompent pas

En 2014, lorsque le propriétaire d’une demeure toulousaine découvre cachée dans une sous-pente de son grenier cette grande toile oubliée là depuis au moins 150 ans, il la confie à l’appréciation de Marc Labarbe. Ce dernier la soumet à son tour à Eric Turquin qui estime rapidement qu’il s’agit d’une originale du Caravage, perdue depuis 1617.

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La peinture est radiographiée, examinée sous toutes les coutures. Eric Turquin est catégorique. Pour lui, de nombreux détails ne trompent pas comme le changement dans la composition des doigts, digne d’un créateur et non d’un copiste.

Car pour d’autres spécialistes, ce tableau a été réalisé par le Flamand Ludovic Finson, contemporain du Caravage et auteur d’une copie, détenue aujourd’hui par une banque napolitaine.

Ce dernier était d’ailleurs passé vers 1613 dans la Ville rose avant de rejoindre Amsterdam. « Or l’expert de Louis Finson est venu à Milan et nous a affirmé que ça ne pouvait pas être un Finson. Et nous avons l’assurance qu’il y a eu des Caravage à Toulouse, les archives départementales l’ont prouvé », explique Marc Labarbe.

Nouveaux éléments scientifiques

Par contre, les dernières expertises viennent conforter la thèse d’un original. Durant plusieurs semaines, des spécialistes ont confronté à Milan la toile toulousaine à une autre du Caravage et à des copies.

S’ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur son auteur, la thèse d’une œuvre signée de la main du Caravage a en tout cas gagné des partisans. Marc Labarbe a expliqué mardi, lors d’une conférence donnée à Toulouse devant des experts réunis au Musée des Augustins, que de nouveaux éléments scientifiques venaient étayer les conclusions d’Eric Turquin.

Même pigments, mêmes toiles mais pas d’unanimité

Claudio Falcucci et Rossella Vodret, deux spécialistes du caravagisme, estiment dans leur rapport que « la technique de Toulouse est entièrement compatible avec celle des autres œuvres du Caravage ».

En particulier l’utilisation du pigment rouge pour esquisser quelques détails, caractéristique des œuvres du maître, ou encore la toile utilisée. Le seul détail qui les empêche d’être catégoriques est celui des rides de la vieille servante, d’une teinte différente à celle utilisée habituellement.

S’il y a de plus en plus de spécialistes convaincus de son authenticité « ce ne sera jamais une vérité scientifique établie, il n’y a que des indices. Il n’y aura jamais d’unanimité sur cette attribution », prédit Axel Hémery, le directeur des Augustins.

Valeur estimée : 120 millions d’euros

Pour ce dernier, le doute subsiste. « Il y a aussi ce léger trouble qu’éprouvent pas mal de gens lorsqu’ils voient ce tableau : c’est très fort, très impressionnant mais peut-être que dans les Caravage il y a quelque chose de supérieur », reconnaît le responsable du musée toulousain tout en reconnaissant qu’il s’agit « d’une découverte exceptionnelle ».

Les débats sont loin d’être achevés. Une nouvelle confrontation doit avoir lieu à Paris, en juin au Louvre. D’ici là le laboratoire de recherche des musées de France qui l’a expertisé aura peut-être rendu ses conclusions. Il a jusqu’à l’an prochain pour les faire connaître.

En 2018, l’arrêté du ministère de la Culture interdisant sa sortie du territoire prendra fin. Et cette œuvre majeure, estimée à 120 millions d’euros, pourrait alors quitter la France. « Les Américains eux croient que c’est un Caravage et ils sont très intéressés », relève Marc Labarbe.

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