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Récit

Près de 150 médecins mettent en garde contre la Fondation Lejeune

Dans une tribune au «Monde», ils dénoncent les prises de position de l'institution anti-avortement, notamment en matière de recherche sur l'embryon.
par Virginie Ballet
publié le 30 mars 2017 à 13h18

Accusée de faire barrage à la recherche scientifique ou encore de ternir le débat éthique : la très conservatrice Fondation Jérôme Lejeune est pointée du doigt par près de 150 médecins et chercheurs. Dans une tribune au quotidien le Monde publiée ce jeudi, ces scientifiques mettent en garde contre cette institution, qu'ils accusent d'entraver leurs travaux, notamment en matière de recherches sur l'embryon. Parmi les signataires figurent notamment le professeur René Frydman, père scientifique du premier bébé-éprouvette français, ou encore le spécialiste de l'infertilité François Olivennes.

Créée en 1994 et baptisée du nom du scientifique français Jérôme Lejeune, l'un des découvreurs de la trisomie 21, mort en 1994, celle-ci définit ainsi sa mission : «Chercher, soigner et défendre» les personnes atteintes d'une anomalie génétique affectant leur intelligence. Pourtant, «depuis quelques années», écrivent les médecins signataires, la Fondation Lejeune, proche de la Manif pour tous, déborde de cette seule mission et cherche à «bloquer les recherches sur l'embryon et les cellules-souches embryonnaires» en multipliant les actions judiciaires à l'encontre des autorisations délivrées par l'Agence de biomédecine en la matière, «alors même que ces recherches présentent un intérêt scientifique et médical indéniable pour la société».

Les signataires s'indignent aussi des multiples prises de position de l'institution, «pas seulement les domaines médicaux ou scientifiques, mais aussi, de plus en plus souvent, dans les champs sociaux et politiques.» La Fondation Lejeune est en effet très active dans la lutte contre l'avortement et multiplie les prises de parole et actions sur le sujet : distribution de livrets anti-IVG dans des établissements scolaires, dénonciation tous azimuts du récent projet de loi d'extension du délit d'entrave à l'IVG, soutien aux «marches pour la vie» destinées à dénoncer l'interruption volontaire de grossesse, etc. Par ailleurs, la Fondation a aussi mis son grain de sel lors de la primaire de la droite, en attribuant bons et mauvais points aux candidats en matière de bioéthique et ne manque jamais de donner son point de vue sur les questions liées à la gestation pour autrui ou la fin de vie. Or, les signataires de la tribune, quoique reconnaissant aux membres de la Fondation le droit d'exprimer leurs opinions, déplorent des prises de position «caricaturales».

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Résultat, pour les médecins s'exprimant dans le Monde : il est temps que l'Etat, qui a reconnu la Fondation Lejeune d'utilité publique en 1996, revoie sa copie et «reconsidère» ce statut, qui lui permet notamment de recevoir des donations et des legs. Les signataires appellent également les institutions et médecins qui pourraient collaborer avec la Fondation à bien considérer le champ des actions de celles-ci, et met en garde les donateurs sur l'utilisation des fonds, pas uniquement dédiés à l'amélioration des conditions de vie des personnes trisomiques 21.

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