C’est une réplique du film « Gangsterdam » qui ne passe vraiment pas ce matin. « Je te parlais du viol cool. Pas du viol triste où ça chiale, ça crie, ça porte plainte… », explique Durex (Côme Levin) à son copain Ruben (Kev Adams) dans la dernière comédie française en salles depuis mercredi. « Un viol cool », vraiment ? Deux mots qui ne vont pas ensemble et qui ont choqué de nombreux internautes.
C’est banaliser le calvaire de près de 84 000 Françaises chaque année
On les comprend. C’est à pleurer. En 2017, dans un film à destination des ados, dont la popularité de la tête d’affiche, Kev Adams, appuie plus encore la « légitimité » du discours, être capable de parler de « viol cool » est dangereux. A ceux qui brandiraient l’étendard de l’humour, non, ce n’est pas drôle. C’est banaliser le calvaire de près de 84 000 Françaises chaque année. C’est tourner en dérision ce qui est pourtant un crime. Et c’est aussi légitimer ce qu’on appelle la culture du viol. « Ce concept est bien connu et documenté aux États-Unis sous le terme "rape culture". C'est la résultante d'une construction de normes sociales qui minimise la réalité du viol et qui excuse, dédramatise, voire encourage ou valorise les rapports sans consentement », nous expliquait en février Marlène Schiappa, l’auteure d’un essai justement consacré à la culture du viol*. C’est faire croire à des ados que le viol n’est pas grave. Que le viol survient forcément une nuit très tard quand on rencontre un inconnu dans une ruelle sombre. Et c’est faux, bien sûr. « Près de 80% des agresseurs sont des proches », nous rappelait Emmanuelle Piet du Collectif féministe contre le viol (CFCV) en novembre. Le viol, ça peut être dans son couple aussi. Et jamais, jamais, ce ne sera cool. D’ailleurs, si c’était cool, ça ne s’appellerait pas un viol.
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« Ta gueule, je vais te violer »
Il faut aussi rappeler que 27% d’Européens considèrent encore qu’une femme qui « ne dit pas clairement non », qui était « ivre » ou portait des vêtements « sexy » sont des arguments qui « justifient » un viol. Choquant. D’où l’urgence à briser le silence, sans relâche, et à accompagner les plus jeunes pour prévenir la violence. Ce matin encore, dans le métro, ma collègue me racontait avoir entendu dans la rue « un gamin de douze ans dire à une copine comme une blague : "Ta gueule, je vais te violer" ». Cela aussi, ça devrait nous faire rire ? Alors qu’il est nécessaire d’apprendre aux ados que la sexualité et l’amour c’est avant tout du désir, de l’envie, du respect, et que chacune est libre de dire « non » quand elle n’a pas envie, quel que soit son âge et son histoire, et que jamais, jamais, ce ne sera la faute des femmes, mais bien de celles des agresseurs. Pour toutes celles qui ne peuvent parler, culpabilisent, peinent à se reconstruire, pour qui c’est une épreuve supplémentaire d’aller déposer plainte, d’avancer au jour le jour alors que tout est fracassé en elles, je suis en colère. Et pour toutes ces raisons, je n’irai pas voir ce film.
Le numéro à retenir : Viols femmes informations, au 0 800 05 95 95.
*« Où sont les violeurs ? », éd. l'Aube