A Hinkley Point, EDF joue son avenir à quitte ou double
"Déchiffrage", la chronique éco d'Axel de Tarlé, s'intéresse cette semaine à l'avenir d'EDF.
Chantier de l'EPR de Hinkley Point au Royaume-Uni. (Sipa)
Quelle audace! On va jouer l'avenir d'EDF sur un coup de dé, un dé qui va rouler – non pas en France – mais en Grande-Bretagne. Londres a donné son feu vert. EDF s'engage à construire d'ici à 2025 une centrale nucléaire de troisième génération, dotée de deux réacteurs EPR.
"Le plus dur est devant nous", a prévenu le patron d'EDF, Jean-Bernard Lévy. De fait, la liste des problèmes est longue comme le bras. D'abord, à ce jour, ce réacteur EPR ne fonctionne toujours pas. À Flamanville ou en Finlande, les chantiers en cours cumulent les retards et les surcoûts. Ensuite, EDF va devoir débourser 14 milliards d'euros pour construire ces deux EPR. Une somme colossale quand on sait qu'EDF vaut, en Bourse, 21,6 milliards. "Qui parierait 60 à 70 % de son patrimoine sur une technologie, dont on ne sait toujours pas si elle fonctionne?", s'est égosillé l'ex-directeur financier d'EDF après sa démission en mars dernier pour manifester son opposition au projet.
Et quand bien même l'EPR arriverait à fonctionner sans retard ni surcoût, le prix de l'électricité facturée aux Anglais est ahurissant : 108 € le MWh, trois fois plus cher que le prix actuel du marché! Comment être sûr que ces "fourbes" d'Anglais accepteront ainsi de payer, sans sourciller , un tel prix à EDF pendant les trente-cinq ans du contrat? En résumé, tout est cher et compliqué.
Après un tel réquisitoire, on se demande ce qu'EDF va faire dans cette galère. En fait, le groupe, numéro 1 mondial du nucléaire, n'a pas le choix. Renoncer à l'EPR, c'est condamner la filière nucléaire française. C'est tourner le dos à cette technologie qui assure aujourd'hui 75 % de notre électricité, une électricité qui n'émet pas de C02 et qui garantit la stabilité du réseau, à côté des énergies intermittentes que sont le solaire et l'éolien. Or, dans une dizaine d'années, il faudra commencer à renouveler notre parc de 58 réacteurs qui arriveront en fin de vie. Alors, va pour l'EPR. Les dés sont jetés!
Source: JDD papier
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