Clermont-Ferrand : la justice va-t-elle indemniser un chien pour ses souffrances ?

Une femelle épagneul breton avait été victime d'une saillie non-désirée, à la suite de laquelle elle a dû être opérée. Son propriétaire réclame une indemnisation à celui de l'autre chien. 

 ARCHIVES. La Palais de justice de Clermont-Ferrand. 
 ARCHIVES. La Palais de justice de Clermont-Ferrand.  THIERRY ZOCCOLAN / AFP

    Le tribunal d'instance de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) doit rendre une décision très attendue ce mardi. Il est appelé à statuer sur le dossier Eden, du nom de cette femelle épagneul breton victime en 2014 d'une saillie non-désirée par le chien d'un proche voisin, accouplement qui s'est soldé selon le maître par l'ablation de l'utérus de la chienne. Or, l'avocat du propriétaire d'Eden, Me Jean-Hubert Portejoie, a réclamé, à l'audience du 31 janvier dernier, réparation des souffrances directement endurées par la chienne, en se basant sur le nouveau statut juridique des animaux qui en fait, depuis 2015, des «êtres vivants doués de sensibilité». Si le président du tribunal lui donne raison sur ce point, cela constituerait une première.

    Cette histoire clochemerlesque -mais qui pourrait faire jurisprudence- s'était jouée le 24 février 2014 à Messeix, localité de moyenne montagne à 60 km au sud-ouest de Clermont-Ferrand. Selon son maître, Eden, alors en chaleur, était attachée dans sa cour privée. Précaution qui n'a pas empêché le chien du voisin de «couvrir» la femelle épagneul, laquelle donnera naissance à une portée de sept chiots noir et blanc. «Cette saillie n'était en rien programmée. Eden n'a rien demandé, moi non plus ! Depuis cette affaire, elle ne peut plus avoir de petits», se désole toujours son propriétaire, Armand, agriculteur et éleveur bovin à la retraite.

    Des soutiens, «et pas seulement de militants de la cause animale»

    Devant le tribunal, Me Jean-Hubert Portejoie a demandé à la partie adverse le remboursement des frais vétérinaires et de déplacements de son client, ainsi que 2 000 € de dommages et intérêts au motif qu'Eden ne peut plus se reproduire, et 2 000 € découlant des souffrances endurées par la chienne. De son côté, Me Clémence Marcelot, avocate du voisin incriminé, soutenait dès le 31 janvier dans nos colonnes que «sur le fond la responsabilité de son client n'était pas engagée». A l'audience, elle a douté du lien de causalité entre la saillie du 24 février 2004 et l'opération qu'a dû subir Eden. Enfin, Me Marcelot a estimé que le propriétaire d'Eden n'a pas pris toutes les précautions indispensables alors que son animal était en chaleur.

    «Eden ne divaguait pas, elle était attachée dans ma cour, que pouvais-je faire de plus ?» nous confiait dimanche Armand. Malgré les moqueries de «quelques uns qui se sont défoulés», l'ancien agriculteur ne regrette pas d'avoir porté l'affaire en justice. «J'ai aussi reçu pas mal d'encouragements, et pas uniquement de militants de la cause animale», indique encore Armand, qui promet en cas de succès de reverser une partie de l'argent à des associations de défense des animaux.

    La balle est désormais dans le camp du président du tribunal d'instance de Clermont-Ferrand. Ce magistrat, «réputé pour intellectualiser ses décisions et les motiver de façon pertinente», a prorogé une première fois son jugement. Pour se donner un délai de réflexion maximum ?