Une association alerte face à «l'épidémie» de têtes plates chez les nourrissons

Coucher les nourrissons sur le dos peut provoquer des déformations du crâne. Une association saisit ce mardi la Haute Autorité de santé sur ce problème de plus en plus fréquent.

20% des bébés seraient concernés par la plagiocéphalie, le fait d'avoir la tête plate
20% des bébés seraient concernés par la plagiocéphalie, le fait d'avoir la tête plate LP/ Jean-Baptiste Quentin

    Prôner une position exclusivement sur le dos pour le coucher de bébé est-il «un sujet de maltraitance qui ne dit pas son nom»? Oui, affirme le Lien, une importante association de défense des patients qui saisit la Haute Autorité de santé (HAS) le jour de la Journée mondiale contre les déformations crâniennes. Son but, nous annonce-t-elle : alerter face à la recrudescence des plagiocéphalies — les têtes plates des nourrissons. En clair, il s'agit d'un aplatissement de tout ou partie de l'arrière du crâne du nouveau-né à cause d'un appui trop permanent, notamment contre le matelas.

    Au bas mot, 20 % des bébés seraient concernés, particulièrement les petits garçons. Mais selon une étude canadienne, un petit bout sur deux aurait la tête plate. «Les consultations explosent, les parents s'inquiètent, mais rien ne bouge. C'est donc à nous, usagers, de nous emparer du sujet. Les conséquences en termes de santé publique sont graves», lance Claude Rambaud, vice-présidente du Lien et coprésidente du Ciss (Collectif interassociatif sur la santé), regroupant 43 associations d'usagers de la santé.

    Graves ? «Evidemment ! répond le docteur Thierry Marck*. Nous ne sommes pas juste dans le domaine esthétique.» Depuis trois ans, ce pédiatre du sud de Paris s'est spécialisé en plagiocéphalie. «Une épidémie, tranche-t-il, fort de ses 3 000 consultations. Le crâne d'un nouveau-né est très malléable. Une installation unique sur le dos va faire pression, le lui déformer, modifier les équilibres. On retrouve des enfants avec des problèmes vertébraux, de scoliose, de déformation de la mâchoire.» «Les problèmes de mâchoire entraînent des problèmes de succion, de dentition, d'alimentation. On note aussi des retards dans l'apprentissage de la marche, de la parole», renchérit l'ostéopathe Frédéric Zenouda.

    «On a transformé les bébés en scarabées les pattes en l'air»

    Mais alors, comment positionner son bébé? Depuis 1994 et l'immense campagne nationale pour lutter contre la mort subite du nourrisson, le faire dormir sur le ventre est banni. Cela, personne ne le remet en cause. «Le couac est qu'on a dit : tout le monde sur le dos! On a transformé les bébés en scarabées les pattes en l'air, incapables de développer leur sens moteur», décrit Anaïs de Tinguy-Simon. Cette chercheuse en sophrologie, militante «antiposition dorsale» depuis la fin des années 1990, vient de prendre sa retraite mais continue à donner de la voix : «Ça me fait trop de peine de voir les conséquences. En le changeant de position régulièrement, en le mettant sur le côté, on s'évite tout cela.»

    «Si l'on fait cela de la naissance au premier mois, il n'y aura pas de problème», appuie Thierry Marck. L'autre phénomène «aggravant», insiste ce dernier, ce sont ces objets à la mode vendus aux parents, comme les accessoires qu'il faut ab-so-lu-ment à bébé. «Les matelas cocoonant, les cales-bébé dorsaux, les cales-tête... sont à proscrire. Ils font l'inverse de ce qu'ils prônent en causant des têtes plates.»

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    En attendant la réponse de la HAS à qui elle demande la mise en place d'une évaluation médicale, Claude Rambaud espère «une meilleure information des parents à la maternité. Qu'on leur explique les différentes positions, à travers un petit film par exemple».


    «Mon bébé n'aura pas la tête plate», de Bernadette de Gasquet et Thierry Marck, Albin Michel (2015), 20 €.