Enquête sur ces femmes qui épousent le djihad

FAIT DU JOUR. De nombreuses Françaises, parfois mineures, s'enrôlent dans les rangs de Daech en Syrie, où elles jouent un rôle de plus en plus actif. Et d'autres qui ne partent pas ne sont pas moins dangereuses...

    Elles se prénomment Caroline, Chloé, Sarah, Inès, Salma, Estelle, Linda, Mélanie. Les plus jeunes d'entre elles sont à peine âgées de 14 ans. Elles sont originaires de toutes les régions de France et ne «rêvent» que d'une chose : partir en Syrie pour y trouver un mari et se placer sous la coupe de l'organisation Etat islamique (EI). A l'instar de ces deux ados de 15 et 16 ans originaires des Alpes-Maritimes mises en examen par un juge antiterroriste la semaine dernière.

    Ces «lionnes» de Daech, comme elles aiment à se surnommer sur les réseaux sociaux ou au fil de leurs échanges sur les messageries cryptées, «jouent un rôle croissant dans la menace que représente» cette organisation terroriste, que ce soit «sur les terres du califat» ou «sur le territoire national», comme le souligne un récent rapport de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) que nous avons pu consulter.

    De «compagnes idéologiques» pour les premiers djihadistes français ayant rejoint des zones de combats, tels l'Afghanistan au début des années 2000, elles font désormais partie intégrante du projet terroriste «global» prôné par l'EI en Irak et en Syrie. «Par principe, les cadres de l'EI s'opposent à la participation des femmes aux combats, poursuit la même note. Si ces dernières restent majoritairement cantonnées à des tâches domestiques au service des combattants, certaines d'entre elles manifestent un vif intérêt pour les activités opérationnelles et sont parfois utilisées à des fins de propagande, mais aussi, à la marge, pour des missions de police.»

    Chargées d'engendrer la nouvelle génération de djihadistes

    A l'image de celles enrôlées dans la brigade Al-Khansaa, exclusivement composée de femmes chargées d'imposer une stricte application de la charia auprès des populations sous le joug de l'EI. «Avec l'avènement de l'Etat islamique, ce sont des familles entières qui se sont exilées, rappelle le journaliste Matthieu Suc, auteur d'un livre intitulé Femmes de djihadistes (Fayard). Elles sont devenues plus actives et veulent aller au bout de leur logique de djihad.»

    «Les femmes, perçues comme les compagnes des combattants et les mères des futurs soldats du califat, sont toutefois et prioritairement chargées d'engendrer la prochaine génération de djihadistes», rappelle la même note de la DGSI. Elles ont ainsi pour mission d'éduquer leurs enfants à l'idéologie mortifère de l'EI. Certaines d'entre elles sont également «utilisées» pour convaincre d'autres jeunes filles à rejoindre la zone irako-syrienne ou louer les «mérites» de leurs époux «morts au combat».

    165 Françaises dans les rangs de l'EI

    Actuellement, près de 165 Françaises, ayant rejoint les rangs de l'EI et qui se trouvent toujours en terre de califat, font l'objet d'une enquête judiciaire. «La propagande agressive de l'EI, notamment sur les réseaux sociaux, et le renforcement des mesures d'entraves au départ [...] amènent de plus en plus de femmes à envisager, préparer, voire conduire des actions violentes sur notre sol, pointe encore la DGSI dans son rapport. Aujourd'hui, les femmes détectées par les services de police apparaissent souvent comme des frustrées, qui, empêchées de rejoindre une terre d'islam, se tournent vers l'action violente.»

    A l'image du commando de femmes qui a tenté de faire exploser une voiture chargée de bonbonnes de gaz, en septembre dernier, à proximité de la cathédrale Notre-Dame, à Paris, avant de s'en prendre aux policiers antiterroristes venus les interpeller.