Pression populaire

Au Bénin, le Parlement met un coup d’arrêt à la réforme constitutionnelle

Après des semaines de contestation, les députés béninois ont rejeté mardi le projet de révision de la loi fondamentale du pays voulu par le président Patrice Talon.
par Joris Bolomey
publié le 6 avril 2017 à 10h31

La pression de la rue l’a finalement emporté sur la volonté présidentielle. Massés devant l’esplanade de l’Assemblé nationale à Porto-Novo, la capitale, des centaines de Béninois ont réussi à faire achopper la réforme de la Constitution du 11 décembre 1990. Dans l’hémicycle, le 4 avril, le projet a été rejeté de justesse, par 60 voix contre 22 et une abstention, soit deux voix seulement de plus que les trois quarts requis par la loi fondamentale. Les députés avaient déjà rejeté à l’unanimité le 31 mars la procédure d’urgence voulue par le président Patrice Talon pour l’examen du projet de la révision de la Constitution.

Parmi les quelques mesures distillées par le gouvernement, le texte prévoyait un mandat unique de six ans pour le président, le financement public des partis, la création d’une Cour des comptes, mais aussi l’interdiction de détention et de garde à vue pour les membres du gouvernement en fonction ainsi que pour le chef de l’Etat. Une opacité qui n’a entraîné que davantage de mécontentements

Crispations et promesses reniées

«C'est la pression populaire qui a fait échouer la réforme. On a défié les forces de l'ordre et les députés ne pouvaient pas sortir du Parlement», se réjouit Léonce Houngbadji, président d'un des principaux mouvements d'opposition, le Parti pour la libération du peuple (PLP). Une situation explosive à Porto-Novo et qui aurait pu, en fonction du vote, facilement dégénérer.

Du côté du gouvernement, on tient cependant à mesurer le camouflet. Pour son porte-parole et ministre de la Justice, Joseph Djogbénou, «le débat est suspendu mais le résultat n'est pas négatif. L'idée de la révision de la Constitution a conquis du terrain. C'est la première fois qu'une initiative gouvernementale est allée à ce niveau de débat à l'Assemblée nationale».

Si toute la société béninoise s’accorde sur la nécessité de mettre à jour la Constitution de ce pays d’Afrique de l’Ouest, les méthodes employées ont suscité crispations sur crispations. Alors candidat à la magistrature suprême, Patrice Talon s’était engagé devant les électeurs à soumettre au vote populaire un projet de réforme de la Constitution. Mais depuis son élection en avril 2016, il est revenu sur cette promesse en annonçant vouloir faire approuver le texte seulement par le Parlement, où il dispose d’un fort soutien. Au Bénin, toute modification de la Constitution doit être approuvée soit par référendum, soit par un vote des quatre cinquièmes du Parlement.

Vers une grève générale ?

La contestation s'est notamment organisée autour d'une nouvelle entité créée le 22 mars, le Front pour le sursaut patriotique (FSP). Cette coalition regroupe une vingtaine de mouvements d'opposition et syndicats béninois derrière un même slogan : «Non à la révision de la Constitution en dehors du peuple.» Depuis le 4 avril, les magistrats béninois, se sont joints à la dynamique en décrétant par la voix de l'Union nationale des magistrats du Bénin (UNAMAB) une grève illimitée.

La fronde s'est propagée jusque dans les rangs du gouvernement. Le ministre de la Défense, Candide Armand-Marie Azannai, a démissionné le 27 mars. Une décision qu'il justifie sur sa page Facebook par le contexte social et économique tendu.

«Nous venons de gagner une victoire, estime Léonce Houngbadji. Mais nous allons maintenir la mobilisation et réorienter la lutte. Notre prochain combat sera sur l'amélioration des conditions de vie et de travail des Béninois. Pour cela, nous allons lancer une opération "Bénin mort"», explique-t-il à propos d'une grève qu'il veut générale et illimitée.

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