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Affaire Copé : ce qu'on sait, ce qu'on savait, ce qu'on ignore encore

Décryptage. Selon « Libération », l'UMP a payé 12,7 millions à une agence de communication proche de Copé, pour 55 mystérieuses conventions.

Par , et

Publié le 27 février 2014 à 11h04, modifié le 26 mai 2014 à 18h14

Temps de Lecture 8 min.

Jean-François Copé, président de l'UMP, le 26 février 2014.

 L’UMP est accusé d’avoir surfacturé l’organisation de meetings de campagne de Nicolas Sarkozy et de mystérieuses conventions thématiques à la société de communication Bygmalion. Des prestations souvent fictives dont le montant total s’élève à près de 20 millions d’euros. Jean-François Copé est mis en cause pour ses liens avec la société Bygmalion et ses dirigeants. Une affaire embarrassante pour le parti et son président, mais dont de nombreux éléments sont déjà connus. Retour sur le contexte.

 1. De quoi est accusé Copé ?

2. Que savait-on sur les finances de l'UMP ?

3. Que sait-on de Bygmalion ?

4. Quel passé a Bygmalion ?

5. Qui est Bastien Millot ? 

6. Les questions en suspens

7. L'autre affaire Bygmalion 

1. De quoi est accusé Jean-François Copé, déjà ?

Selon Libération, l’UMP a versé près de 20 millions d’euros, en 2012, à Event & Cie, la filiale de Bygmalion chargée de l’événementiel. Une somme énorme, d'autant plus que le parti, très endetté, a dû en 2013 demander 11 millions d'euros à ses sympathisants pour se renflouer.

Jérôme Lavrilleux, le directeur de cabinet de Jean-François Copé, a confirmé au quotidien l’existence de 80 événements et a validé la somme de 19 millions d’euros versés par l’UMP à Bygmalion cette année-là.

Le quotidien parle de meetings de campagne, de 55 réunions thématiques, et de diverses opérations de communication. La société de communication a notamment organisé pendant la campagne présidentielle, 55 conventions pour près de 13 millions d’euros, entre janvier et juin 2012. Des prestations pour la plupart fictives, selon le journal. Seules les moins chères de ces réunions thématiques ont laissé des traces sur le site de l’UMP. De ces 55 meetings, les cadres du parti n’ont peu, voire aucun souvenir. Constat curieux alors qu’au moins un secrétaire national du parti est censé intervenir à ces conventions payées très cher.

La société Bygmalion a longtemps été dirigée par Bastien Millot, très proche de M. Copé – elle est aujourd'hui dirigée par Guy Alves, chef de cabinet de Jean-François Copé alors ministre du budget (2005-2007), qui lui a confié l'intégralité de la communication du parti à partir du moment où il en a pris la tête, en 2012. D’après Libération, le taux de marge de la société Bygmalion s’élève à 25%.

 Guy Alvès est par ailleurs le contact identifié au Journal officiel de l'association Génération France, le microparti de Jean-François Copé. Selon Le Point, il en a été un temps le trésorier.

Lire : Article réservé à nos abonnés « Spin doctors », les politiques sous influence

Surtout, Bygmalion aurait fait, selon Le Point qui avait publié une enquête sur le sujet en février dernier, un montage financier complexe avec une société luxembourgeoise, Centuria Capital. Une société dirigée par le holding d'Emmanuel Limido, gestionnaire de fonds, sis au Qatar. Un homme qui avait servi d'intermédiaire pour la vente de biens immobiliers de l'Etat aux Qataris lorsque M. Copé était ministre du budget.

Emmanuel Limido, président directeur général de Centuria Capital.

2/ Que savait-on déjà sur les finances de l'UMP ?

 En février dernier, Le Point avait affirmé que la société Bygmalion, ou plus précisément sa filiale Event & Cie, avait empoché de l'UMP 8 millions d'euros pour l'organisation des meetings de campagne du parti en 2012.

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Le rôle important de Bygmalion au sein de l'UMP est connu depuis longtemps. Bastien Millot est à la fois proche conseiller de M. Copé, jouant souvent les intermédiaires auprès de la presse, et chargé, par l'intermédiaire de sa société, de la communication du parti, mais aussi de la formation d'élus. Pour la campagne 2012, la société dit avoir assuré la logistique de quarante-trois meetings de l'UMP ou de Nicolas Sarkozy.

En 2012 déjà, Le Canard enchaîné avait relevé les importants contrats consentis à Bygmalion, qui faisaient grincer des dents vu l'endettement de l'UMP. En pleine compétition entre eux, à l'été 2013, François Fillon avait ainsi demandé à M. Copé de la « transparence »  quant à la gestion du parti, visant – sans la nommer – la fameuse société.

Les partisans de M. Fillon avaient d'ailleurs pointé du doigt les prestations extérieures versées à une filiale de Bygmalion pour la formation d'élus, par l'intermédiaire de l'Association nationale pour la démocratie locale (ANDL). Des accusations que Bygmalion a catégoriquement niées.

3. Qu'est-ce que la société Bygmalion ?

Bygmalion SAS existe depuis 2008. Elle a un capital de 500 000 euros. Elle est possédée par deux holdings, AMM Participations, société de l'actuel PDG de Bygmalion, Guy Alves ; et RG management, société de l'actuel directeur général de Bygmalion, Richard Gibeaud. En 2009 (derniers chiffres disponibles), Bygmalion réalisait un chiffre d'affaires de 2,79 millions d'euros, et 1,2 million de valeur ajoutée.

La société possède plusieurs filiales : Event & Cie, la filiale événementielle, Bygmalion TV, créée en 2009 pour la production de spots et de programmes,  Ideepole, société spécialisée en formation continue, plus précisément d'élus (elle est agréée par le ministère), qui existe depuis 2008, ou Doxeo, également tournée autour de la formation des élus.

Ideepole ne fait pas que de la formation. En cherchant un peu, on découvre que la société a pu gérer des événements, par exemple les « Journées des jobs d'été », ou organiser une rencontre d'eurodéputés.

4. Que sait-on du passé de la société Bygmalion ?

La première affaire connue remonte à février 2003, époque où Bastien Millot officie comme premier adjoint de la mairie de Beauvais. Egalement chef de cabinet du porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, M. Millot aurait autorisé un chauffeur municipal à déclarer près de quinze cents heures supplémentaires fictives, payées par le contribuable. Il sera condamné en 2004 à 8 000 euros d'amende pour détournement de fonds publics et faux en écriture, et renoncera à faire appel de la décision un an plus tard.

En 2013, une autre affaire éclate : Le Canard enchaîné révèle que Bastien Millot a profité de son poste de directeur délégué de France Télévisions pour lancer sa nouvelle société de communication, Bygmalion. Le jour de son départ, il aurait signé avec le tampon de l'entreprise publique plusieurs contrats avec sa nouvelle société, créée trois jours plus tôt. 143 902 euros au total pour la « surveillance de la réputation de France Télévisions et de ses principaux dirigeants sur Internet », la « rédaction de mails aux téléspectateurs », la « réalisation de maquettes de sites intranet » ou encore le « conseil stratégique sur la communication sensible ».

Ces missions se seraient poursuivies ainsi pendant six ans, le plus souvent « sans la moindre mise en concurrence », permettant à Bygmalion d'empocher 1,2 million d'euros pour diverses prestations, allant de « la rédaction d'une lettre aux parlementaires » (5 980 euros) à la préparation du discours des vœux du PDG Patrick de Carolis aux salariés (7 000 euros). Des faits qui ont conduit le juge Renaud Van Ruymbeke à enquêter sur des « délit de favoritisme, prise illégale d'intérêts et complicité de prise illégale d'intérêts ». Interrogé en 2012 sur les relations entre Bygmalion et France Télévisions, Bastien Millot avait assuré à L'Express : « Tout est clair et limpide [...] Je me suis naturellement plié, en toute transparence, à toutes les procédures. »

5. Qui est Bastien Millot ?

Bastien Millot. Capture d'écran BFM-TV

Agé de 41 ans, Bastien Millot a commencé sa carrière politique en 1995, comme directeur de cabinet de Jean-François Copé, maire de Meaux. Sans lâcher son mentor, il a participé en 2001 à la conquête de la mairie de Beauvais par l'UMP Caroline Cayeux, dont il devient le premier adjoint. Deux ans plus tard, quand « l'affaire du chauffeur » éclate (voir plus haut), cette dernière le prive de ses délégations et l'attaque en justice, avant de l'évincer de l'équipe municipale après sa condamnation.

Toujours proche de Jean-François Copé, le Picard rebondit dans les médias en 2005, en devenant directeur délégué de France Télévisions, dirigé à l'époque par Patrick de Carolis. En 2008, il quitte le groupe audiovisuel public pour devenir conseiller régional UMP de Picardie, tout en créant Bygmalion, sa propre société de conseil en communication. Un an plus tard, il devient chroniqueur médias sur Europe 1 et annonce son « congé » de l'UMP.

Une situation qui lui permet d'assumer plus facilement son amitié avec la première adjointe à la mairie de Paris, Anne Hidalgo, qu'il soutient contre Nathalie Kosciusko-Morizet, sans pour autant intervenir dans sa campagne.

Lire (édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés L'amitié du copéiste Bastien Millot avec Anne Hidalgo fait grincer des dents

Bastien Millot est également proche de Guillaume Peltier, vice-président de l'UMP et fondateur de La Droite forte. Tous deux font l'objet d'une plainte de l'association Anticor pour des soupçons de « favoritisme » à Menton.

Depuis le 31 août 2013, Bastien Millot, toujours propriétaire de 23,7% de Bygmalion, cherche à revendre ses parts. L’ex-directeur de cabinet de Jean-François Copé n’a (toujours) pas trouvé d’acheteur. Mis en examen en avril pour favoritisme dans une autre affaire (voir ci-dessous), il a délaissé ses activités de chroniqueurs pour devenir avocat. Bastien Millot vient d’ouvrir son propre cabinet à Marseille. 

6. Les questions en suspens

Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire le 5 mars dernier sur les finances de l'UMP. En soi, le fait que Bygmalion ait bénéficié de l'essentiel des marchés de communication et de formation de l'UMP n'est pas illégal s'agissant d'un parti politique. La surfacturation, elle, pourrait l'être, si elle est établie.

Les révélations du Point ont mis en avant le montage financier entre Bygmalion et Centuria Capital, et les relations entre M. Copé et son dirigeant, Emmanuel Limido, qui fut un intermédiaire entre l'Etat français et la monarchie qatarie lorsque le président de l'UMP était ministre du budget et Guy Alves son chef de cabinet.

Pourquoi le premier parti de droite a t-il déboursé près de 20 millions d’euros en 2012 pour des événements parfois fictifs ? Pourtant en 2012, l’UMP avait enregistré un déficit de 96 millions d’euros. En tout cas, l’enquête de Libération confirme la présence de prestations surfacturées et la tenue de plusieurs de ces événements reste à prouver.

7. L’autre affaire Bygmalion

Bastien Millot et son ancien patron de France Télévisions, Patrick de Carolis, ont été mis en examen pour « recel de favoritisme » fin avril. Une enquête sur des contrats passés par le groupe audiovisuel public à la société Bygmalion a été ouverte l'an dernier suite une plainte d’un syndicat pour prise illégale d’intérêts. La société de M. Millot a fourni des missions de communication à France Télévisions dès 2008 alors que ce dernier n’a quitté définitivement le groupe audiovisuel qu’en 2010. Une première enquête avait été classée sans suite par le parquet de Paris.

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