Entre Donald Trump et Fox News, une indéfectible histoire d’amour

Le président américain est un fervent téléspectateur de la chaîne d’info conservatrice Fox News. Une histoire d’amour réciproque. Dernièrement, Trump a soutenu publiquement l’un de ses présentateurs, empêtré dans une affaire de harcèlement sexuel.

Par Jérémie Maire

Publié le 08 avril 2017 à 07h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 04h04

Président de la première puissance mondiale, Donald Trump a pourtant tout du téléspectateur lambda – normal pour une star de la téléréalité, finalement. Devant son poste, et surtout devant Fox News, il tweete, il commente, il s’offusque de ce qu’il a devant les yeux. Et découvre même les horreurs du monde qui l’entoure, comme le massacre de Khan Cheikhoun en Syrie. Dans une interview donnée au New York Times mercredi 5 avril, le président a confessé avoir vu les images… « à la télévision ». Pas dans les briefings de la Maison Blanche, mais vraisemblablement sur Fox News, sa chaîne préférée. La vision de ces enfants morts l’a, dit-il, poussé à ordonner une frappe aérienne contre le régime de  Bachar el-Assad. La télé capable de déclencher un conflit : un pouvoir qu’elle n’avait pas encore eu jusqu’à présent…

Dans la routine quotidienne de Donald Trump, en tout cas, la télé a une place à part, surtout quand elle est branchée sur Fox News. Au milieu d’annonces officielles concernant la politique économique ou internationale du pays, une bonne partie des tweets du compte @realDonaldTrump font allusion à la chaîne d’info conservatrice en des termes qu’un fanzouze ne renierait pas pour parler d’une émission de Cyril Hanouna. Depuis son investiture, le 20 janvier dernier, ce sont au moins trente-trois mentions de Fox News qui reviennent sur son compte, dans des retweets ou des messages qui vantent à la fois des « reportages formidables », des « infos énormes » (dans un message agrémenté d’un « Wow ») ou des remerciements et félicitations lancées à la chaîne de Rupert Murdoch.

A vrai dire, dans sa guerre contre la presse qu’il accuse de véhiculer des informations fallacieuses, Donald Trump n’a de considération que pour Fox News : « Les médias remplis de fake news deviennent fous avec leur théories du complot et leur haine aveugle. MSNBC et CNN sont irregardables. Mais Fox and Friends, c’est génial ! » a-t-il partagé en février dernier.

En fait, Donald Trump garde toujours un œil sur Fox News, qu’il soit à la Maison Blanche ou à bord d’Air Force One, comme le montrait John Oliver dans une séquence capturée lors d’un vol à bord de l’avion présidentiel.

 

 

Que le Commander in Chief soit téléphage, c'est son problème, après tout. Mais ce qui coince, c’est que les informations de la chaîne d'infos apparaissent comme les premières sources de Trump. Il a été démontré que de nombreuses déclarations lancées à l’emporte-pièce par le président était, souvent mot pour mot, des choses qu’il avait vues ou entendues quelques minutes avant sur la chaîne. Chelsea Manning, qualifiée de « traître ingrate » ? Le titre d’un édito de Fox News. L’attentat supposé en Suède ? Une affirmation d’un intervenant sur la chaîne. Les rumeurs infondées d’un Barack Obama aidé par le Royaume-Uni pour l’espionner dans sa Trump Tower ? C’est dans la bouche d’Andrew Napolitano, expert régulièrement invité sur Fox et depuis persona non grata, qu’il l’avait entendu. Une addiction telle que certains opposants ont même pensé à acheter des encarts pub au milieu de ses émissions favorites pour le toucher directement, sûrs qu’il serait devant sa télé.

Un média d’Etat ?

Et si le président prend pour argent comptant les informations lâchées par une chaîne connue pour être très orientée, celle-ci ne se gène pas non plus pour renvoyer l’ascenseur à Trump. Au point parfois, comme l’a souligné l’animateur Seth Meyers, de transformer Fox News en télé d’Etat.

 

 

Ses éditorialistes soutiennent, dans la plupart des cas, les positions du président. Récemment, on voyait l’un des animateurs de l'émission Fox and Friends comparer les très mauvais chiffres du chômage à l’arrivée de Barack Obama, à ceux, meilleurs, au moment de l’entrée en fonction de Trump… qui n'y était donc pour rien. La comparaison était tellement de mauvaise foi qu’elle a suscité quelques sarcasmes de la part des autres journalistes présents sur le plateau. Parfois, les nuances sont même totalement absentes, comme lorsque l’équipe de Fox and Friends a été invitée à visiter la Maison Blanche, et a constamment gardé un air émerveillé. Ou cet autre moment, fin mars, où l’éditorialiste Jeanine Pirro a appelé le président de la Chambre, Paul Ryan, à démissionner après l’échec de la réforme de la couverture de santé. Un édito qui semblait commandé directement par la Maison Blanche au vu du tweet lancé par @realDonaldTrump le matin même, qui conseillait, de manière sibylline, de regarder l’émission de cette ancienne juge.

La sympathie de Trump pour Fox News n’est pas neuve et elle est surtout totalement logique, au vu de la ligne de la chaîne et celle du président. Car le network, lancé par Rupert Murdoch en 1996 comme le pendant conservateur à CNN et MSNBC, s’est toujours rangé du côté des présidents issus du Parti républicain. C’est d’ailleurs dans ses rangs qu’il pioche régulièrement ses chroniqueurs, de Sarah Palin (candidate à la vice-présidence en 2008) à Karl Rove (l’ancienne éminence grise de George W. Bush). Son ancien PDG,  Richard Ailes, est aussi l’ancien conseiller en image de Richard Nixon, Ronald Reagan et George Bush. Il avait dû démissionner en 2016 après une série d’accusations de harcèlement sexuel provenant de plusieurs employées – il a ensuite rejoint l’équipe de conseillers de la campagne de… Donald Trump.

Récemment, c’est la star de la chaîne, Bill O’Reilly, qui est au cœur d’un scandale sexuel similaire. Certes, les plaintes des cinq victimes présumées ont été retirées, mais uniquement parce que le très conservateur animateur leur a versé 13 millions de dollars. Ce qui n'a pas empêché les annonceurs de fuir en masse son émission… Mais Trump, bon client du O’Reilly Factor, a soutenu le journaliste, disant ne pas donner foi aux accusations tant O’Reilly lui semblait être « une bonne personne ». Encore une controverse, donc, qui vient alimenter une liste longue comme le bras de polémiques où la chaîne a été mise en cause. Jusqu'ici, cela n'a pas empêché Donald Trump de rester l'un de ses téléspectateurs les plus fervents.

« “Le président Trump défend O’Reilly : ‘Je ne crois pas que Bill ait fait quoi que ce soit de mal.’” Tu m’étonnes, il les attrape par la chatte. »

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