Attentats

La Suède face aux défaillances de ses lois antiterroristes

Des médias et spécialistes du pays pointent du doigt l'insuffisance de prévention et de législation pour lutter contre le terrorisme.
par Lou Marillier, Correspondance à Stockholm
publié le 9 avril 2017 à 15h53

Quelques heures après l'attaque au camion-bélier à Stockholm vendredi, la police suédoise a placé en garde à vue le principal suspect, un homme de 39 ans de nationalité ouzbèque, présumé sympathisant de l'Etat islamique. Très peu d'autres précisions ont pour l'instant filtré, et la prudence est donc de mise. De nombreux médias suédois ont cependant émis des critiques, déjà formulées lors d'attaques dans d'autres pays européens, à propos des moyens de prévention insuffisants contre le terrorisme en Suède. «Maintenant, la Suède fait le deuil de ses morts. Mais il faut faire face au terrorisme, non pas avec de la complaisance ou de la division – mais avec de la détermination politique», exhorte par exemple le tabloid Expressen.

La Suède, exportatrice de terroristes ?

«Nous n'en faisons pas assez pour arrêter nos propres extrémistes, souligne Peder Hyllengren, chercheur spécialisé dans le terrorisme. Ce qui peut conduire à des attaques terroristes en Suède ou dans d'autres pays européens, comme c'est arrivé deux fois ces dernières années.» En effet, l'un des coordinateurs de l'attaque du 13 Novembre à Paris, Mohamed Belkaid, s'est installé en Suède dans les années 2000, où il a été condamné plusieurs fois pour de courtes peines. Un Suédois, Osama Krayem, est également inculpé dans les attentats de Paris et de Bruxelles. Tous deux ont échappé aux mailles des services secrets du royaume, et sont ensuite passés par la Syrie avant de revenir en Europe. Quelque 300 citoyens suédois sont ainsi partis pour la Syrie et l'Irak ces dernières années, dont environ 150 sont revenus sans être, pour la plupart, inquiétés. «C'est à peu près comme s'ils rentraient de vacances sur les îles Canaries», déplore Peder Hyllengren. Parmi eux, seuls deux hommes ont été condamnés à la prison à perpétuité. Des vidéos les montraient participer à une tuerie en Syrie.

Législation insuffisante

«Ils n'ont pas tous la gentillesse de rapporter des vidéos avec eux», ironise Peder Hyllengren. Sans preuve tangible d'un crime spécifique, la législation suédoise rend très difficile l'inculpation de ceux qui ont rejoint l'Etat islamique et en sont revenus. «La Suède a une des législations les plus laxistes à ce propos», déplore Peder Hyllengren. La loi a pourtant été renforcée au printemps 2016, pour interdire aux Suédois de voyager dans le but de commettre ou de préparer des actes terroristes. Mais ce changement n'a pas permis d'inculper un jeune homme suédois de 25 ans, pourtant retrouvé à la frontière de la Syrie, par manque de preuves quant à ses intentions. «Un puissant coup d'épée dans l'eau politique», a commenté Lasse Wierup, journaliste pour le journal DN, à propos de la loi. La Suède, contrairement à de nombreux pays européens comme ses voisins norvégiens, n'interdit toujours pas de rejoindre un groupe terroriste. La procureure suédoise contre le terrorisme, Agnetha Hilding Qvarnström, expliquait notamment dans une interview à DN, qu'elle considérait la Norvège comme un exemple à suivre dans le but de «mettre fin à tout ça».

La presse suédoise et les Stockholmois venus se recueillir dans le centre-ville ce week-end ont cependant loué la discrétion et l'efficacité de la police après les attaques. «C'est le seul aspect positif de cet horrible incident», assure Peder Hyllengren. Des passants ont recouvert de fleurs une voiture de police, et se sont succédé pour offrir roses, bouteilles d'eau et pâtisseries aux policiers derrière les cordons de sécurités.

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