Le témoignage glaçant d'un moine syrien, ancien prisonnier de l'EI

Membre de la communauté fondée par Paolo Dall'Oglio, le père Jacques Mourad a été détenu pendant cinq mois par l'État islamique, en 2015.

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Jacques Mourad a été enlevé en mai 2015 par l'État islamique.
Jacques Mourad a été enlevé en mai 2015 par l'État islamique. © DR

Temps de lecture : 3 min

La barbarie de Daech, le prêtre Jacques Mourad l'a vécue dans sa chair. Né à Alep en 1968, ce moine chrétien a accompagné pendant plusieurs décennies le père jésuite italien Paolo Dall'Oglio, personnage hors du commun qui s'est livré en 2013 à l'État islamique à Raqqa en échange d'un groupe de personnes détenues, en particulier des Kurdes. Depuis, Jacques Mourad – qui l'avait rejoint au sein de la communauté que celui-ci avait fondée au monastère syrien de Mar Moussa – est sans nouvelles de « ce grand esprit, (son) frère et fondateur »… Mais, glisse-t-il dans un sourire, « il est toujours avec nous ».

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Les geôles de l'EI, le frère Jacques Mourad les a connues lui aussi, comme il nous l'a raconté il y a quelques jours, à l'occasion de sa venue en France pour La Nuit des témoins, organisée par Aide à l'Église en détresse. Cet après-midi du 21 mai 2015, évidemment, restera à jamais gravé dans sa mémoire. Le père était au monastère de Mar Elian, en plein désert, sur la route de Palmyre. L'édifice datant du Ve siècle faisait partie de la paroisse de Qaryatayn, dont il était responsable depuis quinze ans. Jacques Mourad y procédait à des fouilles archéologiques et travaillait « pour l'harmonie et la convivialité avec les musulmans », dit-il aujourd'hui. Quand tout a volé en éclats.

Le silence

« Il était deux heures et quart de l'après-midi, se souvient-il. Un groupe de djihadistes est entré dans le monastère. Ils sont venus dans ma chambre, ils m'ont pris, ils m'ont mis dans une voiture les yeux bandés et ils m'ont conduit jusqu'à Raqqa. » Le piège se referme. Le moine catholique se retrouve confiné dans une salle de bains. Prisonnier, pendant trois mois. « Tous les jours, raconte Jacques Mourad, des djihadistes de différentes nationalités entraient dans la pièce pour m'humilier ou m'interroger sur ma foi, sur les dogmes chrétiens. Le plus souvent je ne répondais pas. Pour moi, le silence était la meilleure réponse à ce que m'infligeaient mes geôliers, comme le Christ devant Pilate. »

« L'émigration ou la mort »

Le père Mourad a choisi de résister par le mutisme à la barbarie, et à la peur. « Ils me lançaient : Si tu ne te convertis pas à l'islam, on va te couper la tête, confie-t-il. Un jour, un homme cagoulé est même entré avec un poignard. J'ai senti la lame contre ma gorge, mais il m'a finalement laissé la vie sauve. Ils voulaient provoquer chez moi une crise de peur. Le silence m'a beaucoup aidé à trouver ma paix intérieure et à me protéger. Ils cherchent toujours des raisons pour justifier leurs crimes, et avec moi ils n'ont pas trouvé. Je m'étais positionné contre la violence, et le bien que j'avais fait pour les musulmans leur était arrivé aux oreilles. »

Après trois mois à Raqqa, le 11 août, le prêtre est transféré en compagnie de 250 otages chrétiens à Palmyre. Il parvient à s'échapper le 10 octobre 2015, grâce à ses amis musulmans, en s'enfuyant à l'arrière d'un scooter. Il retrouvera le monastère qu'il s'était échiné à sauvegarder en ruines. Daech a rasé l'édifice du Ve siècle à coups de bulldozer, ne laissant qu'une inscription sur un mur, un tag : « Les lions du califat sont venus vous dévorer. » Qaryatayn a été dévastée, les chrétiens ont été assassinés. Ou ont fui vers la banlieue de Homs. Depuis mai 2016, le frère Mourad vit à Souleymanaiye, dans le nord-est du Kurdistan irakien, où il a reconstitué une petite communauté avec deux frères. « Dans le contexte actuel, nous n'avons guère de choix que l'émigration ou la mort », a coutume de dire le père Jacques Mourad, ajoutant : « Mais je n'ai pas peur de revenir vivre en Syrie, je suis dans la main de Dieu. »

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Commentaires (14)

  • Jeannelouise

    Tous les français devraient lire ce témoignage, avant de décider leur vote, et bien réfléchir.
    Nous avons besoin d'une personne solide, expérimentée pour faire face aux menaces qui se profilent à l'horizon, qui garde son calme sans faire des promesses qui ne seront pas tenues, qui choisira l'intérêt de la France, sans faire passer en premier son ego surdimensionné, nous devons choisir un responsable pour défendre le pays et pas une vedette qui fait le spectacle, l'heure devient grave, arrêtons le jeu de massacre, prenons conscience de notre responsabilité.
    Seul un homme semble répondre aux critères indispensables. Fillon.

  • sylla95

    La paix dans notre pays suppose la mise au pas de l'islam. Ce n'est pas la politique du gouvernement actuel.

  • Poppy0344

    Père Jacques et Père Paolo, ceux qui ont eu le bonheur de vous connaître se souviennent. Votre lumière continue de briller dans les cœurs.