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Yes She Khan

Derrière la photo virale de Birmingham

En marge d'une manifestation d'extrême droite, la confrontation entre un militant xénophobe énervé et une calme habitante de Birmingham a donné lieu à une photographie devenue virale.
par Alexandre Hervaud
publié le 11 avril 2017 à 15h35

Une manifestation de la English Defence League (EDL), groupuscule d'extrême droite anti-musulman, s'est tenue samedi à Birmingham. Cette marche dans la deuxième ville d'Angleterre après Londres, n'a mobilisé qu'une cinquantaine de personnes, selon The Independent, mais elle a toutefois marqué les esprits grâce à une photo devenue instantanément virale : on y voit un manifestant de l'EDL, visiblement énervé, face à une jeune femme calme et souriante, les mains dans les poches.

Certes simpliste, la dichotomie entre le gaillard blanc tatoué vociférant (en réalité Ian Crossland, le leader du mouvement) et la paisible contre-manifestante à la peau mate piercée a inspiré à la députée travailliste locale Jess Philipps le commentaire mordant qui suit : «Qui a l'air d'avoir le pouvoir ici, la vraie Brummy [surnom des habitants de Birmingham] à gauche ou l'EDL qui a migré pour la journée dans notre ville sans réussir à s'assimiler ?».

A l'image d'autres photographies de manifestations, comme le cliché iconique de l'été 2016 à Baton Rouge pendant un rassemblement Black Lives Matter, la photo a été massivement partagée sur les réseaux sociaux - on espère par contre qu'elle n'inspirera pas de nouvelle publicité affligeante à Pepsi. Depuis, on en sait plus sur le contexte de la prise de vue : la jeune femme en question, Saffiyah Khan, vit à Birmingham et s'était rendue à la marche de l'EDL par crainte de voir les manifestants s'en prendre à des musulmans. Et c'est justement en voyant une femme portant un hijab encerclée par des membres de l'EDL menaçants qu'elle s'est approchée de Crossland, permettant au photographe Joe Giddens de la Press Association d'immortaliser ce face-à-face.

Depuis, The Guardian a réuni Khan et la jeune femme qu'elle entendait défendre, Saira Zafar. Dans la vidéo ci-dessous filmée lundi soir, Khan et Zafar échangent pour la première fois depuis la manifestation. Zafar, 24 ans, s'y était rendue pour contre-manifester, arborant une pancarte anti-islamophobie. Rapidement, des manifestants de l'EDL se sont approchés d'elle, criant des insultes et l'invitant à rentrer dans «son pays». Khan s'est approchée en constatant que la police n'intervenait pas, même si la photo montre bien, au final, l'intervention d'un officier.

Tandis que Khan estime que la photo est «embarrassante» pour l'EDL, Zafar fait l'éloge de Birmingham, ville «diverse» et «incroyable»: «elle n'a rien à voir avec l'espèce de message que l'EDL voulait faire passer ici», à savoir attiser la haine au nom d'une prétendue islamisation rampante de la cité d'origine de groupes comme Led Zeppelin ou Black Sabbath. D'ailleurs, quitte à conclure en musique, The Guardian nous apprend que Saffiyah Khan, entre deux interviews, a reçu en cadeau des places pour aller voir en concert les vétérans ska-punk de The Specials en mai prochain : elle portait en effet un t-shirt à leur effigie le jour de la manifestation.

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