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    Cette ingénieure dit que Pôle emploi lui a proposé d'être femme de ménage à cause de son voile

    «Le plus triste, c'est que je pense que ce conseiller pensait bien faire», commente-t-elle. «Nous allons faire remonter au niveau de la direction pour expliquer qu’il y a eu cette situation», a répondu la communication de Pôle emploi.

    Le 11 avril, cet internaute a tweeté ce message dans lequel il dit qu'une amie ingénieure en neurosciences «vient de se faire proposer un poste de femme de ménage par le Pôle emploi à cause de son voile».

    Une amie ingénieur en neurosciences vient de se faire proposer un poste de femme de ménage par le pôle emploi à cause de son voile... #WTF

    Il a également posté une capture écran d'un échange avec celle-ci dans laquelle on peut lire: «Il (le conseiller, ndlr) m'a sérieusement conseillé de faire femme de ménage ou auxiliaire de vie, que c'est ce qui pourrait le mieux correspondre à mes attentes.»

    Son tweet initial a été partagé plus de 3.000 fois.

    «Je suis inscrite à Pôle emploi depuis août 2016», indique la jeune femme en question, que BuzzFeed News a pu contacter. Elle souhaite que son anonymat soit préservé «pour ne pas avoir d’ennuis» avec Pôle emploi.

    Cette femme de 27 ans explique avoir un master en neurosciences, et trois ans d’expérience en tant qu’«électrophysiologiste dans une entreprise qui faisait des essais cliniques sur les rongeurs pour des boîtes de pharma et de biotechnologies». Elle dit que c’était son deuxième entretien à Pôle emploi, et c'était la première fois qu’elle voyait ce conseiller.

    «Lors de ce rendez-vous du 11 avril, je lui ai parlé de mon projet de reprendre mes études mais dans une branche plus médicale. Je lui ai dit que mon dossier a été déposé et qu'il fallait attendre une réponse pour savoir si j'étais sélectionnée ou non.»

    La jeune femme dit qu’ils ont ensuite discuté d’un plan B, dans le cas où son dossier serait rejeté et que le conseiller lui a demandé si la branche dans laquelle elle était l’'intéressait toujours.

    «Je lui ai répondu que oui, mais que, dans la région, seule mon ancienne boite est dans mon domaine, qui est très spécifique. Et que du coup j'étais ouverte à des formations, soit pour étayer mes compétences, soit pour songer à une reconversion professionnelle. J’ai précisé que je ne comptais pas enlever mon voile pour travailler et que jusque maintenant ça n'avait jamais posé de problème.

    Il m'a dit que c'était compliqué, que c’était un frein que je me mettais, que ce serait bien plus facile de trouver du travail en l'enlevant. Je lui ai dit que, peut être, dans l'informatique il y aurait matière à travailler avec mon voile sans que cela pose de problème car c'est le cas de ma cousine qui est ingénieure en informatique. Il m'a répondu que par rapport à mon profil et aux offres d'emplois actuels, je pourrais songer à faire femme de ménage ou auxiliaire de vie. Que c'était ce que la plupart des femmes qui portent le voile et qui passent par Pôle emploi faisaient. Ou à la limite essayer de chercher en tant que téléopératrice.»

    Devant le refus de la jeune femme, le conseiller lui aurait alors recommandé «de voir avec des associations musulmanes, du bouche à oreille, de me faire des contacts et essayer de trouver un travail de cette façon».

    «Il a ensuite ouvert mon CV et m'a dit que c'était dommage que je n'étais pas mobile car à l'étranger mon CV aurait eu du succès.»

    «Le plus triste, c'est que je pense que ce conseiller pensait bien faire», commente-t-elle.

    «Je ne pense pas que ce conseiller était raciste, même si je ne peux juger de ses intentions, mais il avait l'air bienveillant. Je pense que la "barrière" qu'il m'a mis, elle était déjà dans sa tête. Pour lui ce n'est pas choquant, c'est juste évident: “les métiers de l'aide à la personne sont ceux qui recrutent le plus en ce moment dans la région, ils prennent les femmes voilées, j'en ai une devant moi, donc je lui propose”».

    La chercheuse d’emploi raconte que, sur le coup, la situation l’a amusée «car juste avant, pour plaisanter, je disais justement à un ami que j'allais à Pôle emploi et qu'on allait sûrement me proposer un travail de femme de ménage.»

    «Mais après, en sortant, je me suis sentie mal, poursuit-elle. Si je ne portais pas le voile, je pense qu'il n'aurait jamais osé me proposer ces postes. J’étais vraiment choquée.»

    «J’avais l'impression d'être dans une parodie tellement c'est "énorme". Je vais à Pôle emploi avec un master en neurosciences, trois ans d'expérience et on me propose "femme de ménage" et "auxiliaire de vie". On n’aurait jamais proposé ça à un homme avec le même CV.»

    Elle précise que son voile n’a jamais posé de problème lors de son précédent poste:

    «Ils m'ont pris avec et la raison de mon licenciement n'a rien à voir avec ça. Lors de l'entretien, le directeur avait été clair sur le fait que ça ne le dérangeait pas et que, si quelqu'un me dérangeait avec ça, il se chargerait lui-même de régler le problème.

    Et il n'y a jamais eu de problème avec les collègues non plus. Au contraire, la plupart ne connaissaient pas de femmes voilées et ils ont pu poser toutes les questions que l'on ne peut pas poser à des inconnues dans la rue. On faisait même du sport ensemble.»

    «Mon voile c’est un signe religieux mais c’est aussi une partie de moi-même et je pense que j’ai le droit de me vêtir de la façon que je veux, tout simplement», appuie-t-elle.

    Pôle emploi a tenté de contacter la jeune femme en répondant à @physicien007.

    @physicien007 @physicien007 Bonjour, nous avons vu votre message et nous souhaiterions en savoir plus. Pouvez-vous… https://t.co/AyBTs99g4X

    «Nous sommes étonnés mais on ne peut qu’écouter quand on voit ce genre de remontées sur Twitter», a indiqué Pôle emploi à BuzzFeed News. Et la responsable de communication de détailler :

    «On a pu lui dire qu’on était désolés de cette expérience. On ne peut pas aller plus loin dans l’enquête car on ne sait pas de quelle agence il s’agit mais on comprend qu’elle ne veuille pas lever son anonymat. Nous allons faire remonter au niveau de la direction pour expliquer qu’il y a eu cette situation.»

    Elle dit n'avoir «jamais été confrontée à cette situation» auparavant.

    «C’est la première fois que je vois ce type de remontées via les réseaux sociaux. À Pôle emploi, on condamne toutes les formes de discriminations. Nos agents sont sensibilisés à la question de la discrimination. On a vraiment une démarche pour favoriser l'accès à l’emploi à tous.

    Par exemple, on travaille sur des méthodes de recrutements par simulation avec les entreprises qui sont ouvertes à tous et qui sont uniquement basées sur les compétences.»