Iran: interrogations autour d'Ebrahim Raissi, favori des conservateurs à la présidentielle

Iran: interrogations autour d'Ebrahim Raissi, favori des conservateurs à la présidentielle

© ATTA KENARE - AFP

Temps de lecture
Par RTBF avec AFP

Le religieux Ebrahim Raissi, candidat à la présidentielle du 19 mai en Iran, est observé de près par des analystes et diplomates qui craignent qu'une éventuelle victoire des conservateurs fragilise les efforts d'ouverture du président Rohani.

Bien placé pour représenter le camp des conservateurs, Ebrahim Raissi paraît être le principal concurrent du président modéré Hassan Rohani, qui brigue un second mandat.

Fidèle du guide suprême 

Jusqu'à présent, il a donné peu d'indications sur ses vues en matière de politique étrangère, se contentant de commentaires vagues.

S'exprimant pour la première fois vendredi sur les questions internationales, Ebrahim Raissi a voulu jouer la modération en affirmant être partisan de "l'interaction avec tous les pays (...) mais avec du respect", à l'exception d'Israël, dont l'Iran ne reconnaît pas l'existence.

Mais les analystes décrivent M. Raissi comme un fidèle du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, ce qui signifie qu'il reste suspicieux à l'égard de l'Occident.

Il paraît cependant peu probable qu'il revienne sur l'accord nucléaire historique avec les grandes puissances signé en 2015, qui avait été conclu avec l'accord du numéro un iranien.

"Il n'a pas d'expérience en politique étrangère et, au moins dans un premier temps, il devrait poursuivre la politique de soutien à l'accord nucléaire et blâmer les Etats-Unis pour tout manquement" vis-à-vis de l'accord, estime Ali Vaez, analyste iranien à l'International Crisis Group.

Pur produit conservateur

M. Raissi est un pur produit du pouvoir conservateur. Il a servi pendant des années comme procureur à travers le pays et est toujours procureur spécial du tribunal du clergé, chargé de juger les délits des religieux.

Il semble peu probable qu'il assouplisse les restrictions dans la société ou libère les personnalités qui s'étaient opposées à la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad en 2009, qui sont en résidence surveillée depuis six ans et sont qualifiées par les conservateurs de "chef de la sédition".

"Ceux qui sympathisent avec les chefs de la sédition doivent savoir que la grande nation iranienne ne pardonnera jamais cette grande injustice", avait-il dit en 2014.

Signe de sa proximité avec le numéro un iranien, il a été nommé par ce dernier en 2016 à la tête de Astan Qods Razavi, une puissante fondation basée à Machhad où se trouve le mausolée de l'imam Reza, le huitième successeur du prophète selon les musulmans chiites.

Plus de vingt millions d'Iraniens se rendent chaque année en pèlerinage à Machhad. Astan Qods Razavi est devenu un puissant conglomérat qui possède de nombreuses sociétés de construction, de service ou encore des usines, des terres agricoles et des terrains à travers le pays.

Depuis peu, les médias lui ont attribué le titre d'ayatollah, rang élevé dans la hiérarchie religieuse. Il est par ailleurs devenu membre du bureau de la présidence de l'Assemblée des experts, un organe chargé de nommer et éventuellement démettre le guide suprême. On lui prête d'ailleurs le désir d'occuper un jour cette fonction suprême.

Pourquoi se présenter ?

Les analystes se demandent cependant pourquoi il prendrait le risque de se porter candidat à la présidence s'il a l'ambition de devenir un jour le numéro un du régime.

"S'il perd, son statut en prendra un coup, c'est donc un grand risque", affirme un diplomate occidental, qui a requis l'anonymat. "Puis, tous les présidents ont subi à un moment donné des critiques de la part du guide suprême", ajoute-t-il.

Mais la présidence de la République peut fournir un bon tremplin pour la fonction suprême comme ce fut le cas en 1989 pour Ali Khamenei, âgé aujourd'hui de 78 ans.

M. Raissi a voulu se démarquer des groupes politiques notamment conservateurs en affirmant être "le candidat de tous les Iraniens", ajoutant que son gouvernement serait celui "du travail et de la dignité".

Il a mis en outre l'accent sur l'aide aux couches défavorisées, notamment en créant des emplois, au moment où le chômage touche 12,4% de la population.

"Raissi a une vie modeste et il est régulièrement avec les pauvres et les couches défavorisées alors que Rohani est plus un aristocrate", estime Hamid Reza Taraghi, membre du parti conservateur de la Coalition islamique.

Mais pour ses opposants, Ebrahim Raissi n'a pas d'expérience de gestionnaire. "Même Mahmoud Ahmadinejad avait plus d'expérience", affirme le réformateur Saïd Leylaz.

 

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous