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Macroniste mineur

Emmanuel Toula : «Je veux être un militant comme les autres»

L'adolescent qui avait sauvé une enfant dans une voiture en feu s'est engagé dans la campagne de Macron et reste lucide.
par Ramsès Kefi
publié le 16 avril 2017 à 10h07

En février, on avait laissé Emmanuel Toula au pied de son immeuble, à Clichy-la-Garenne. Son papa lui ordonnait de remonter, car il faisait nuit. Juste avant, l'ado nous avait raconté son sauvetage d'une gamine à Bobigny, coincée dans une voiture qui menaçait de cramer, après une mobilisation contre les violences policières. On l'a retrouvé au même endroit, pour lui demander des nouvelles de la présidentielle : depuis mars, il est VIP chez Emmanuel Macron, assis à côté de Laurence Haïm lors du premier débat entre candidats et présent deux à trois fois par semaine au QG d'En Marche.

Ce qui change des petites choses au quotidien. Les courses, par exemple : «L'autre fois, à Casino, une vieille dame m'a reconnu. Elle m'a demandé de lui expliquer le programme de Macron. Je l'ai un peu rassurée sur la CSG [Contribution sociale généralisée] et voilà.»

Les cours : «On avait fini notre chapitre en management. Il restait un peu de temps, on a débattu sur le revenu universel avec mon prof. Il est pour, moi contre. Je suis jeune. Je n'ai pas envie d'un pays endetté pour mes potes et moi. C'était tendu, mais j'étais là….j'ai répondu présent (rires). Il m'a dit "je vous aime bien Emmanuel, mais nous serons jamais d'accord".»

 «J’apprends la politique»

On a recroisé «Manu», le garçon qui fait oublier ses 16 ans, jusqu'à ce qu'il dise «le Monsieur» , «l'adulte» ou «merci», même quand ça ne s'impose pas. Qui répond par mail et au téléphone au QG de Macron, lorsque des anonymes s'épanchent en ligne. Ils insultent Emmanuel Macron ou le félicitent, racontent leurs galères de sous ou de santé, demandent une précision sur les mesures à venir : «J'ai réussi à convaincre deux, trois personnes de voter pour nous. A chaque fois, c'est le programme économique qui a fait la différence. On écoute ces gens et on leur demande ce qu'ils attendent d'En Marche. Il y a des gens plus expérimentés à côté de moi. J'apprends la politique, l'engagement.»

La dette, les emplois francs, les 32 heures, l’Allemagne : il a tout révisé. Il ne peut même pas voter et se retrouve dans l’un des cercles d’un favori pour l’Elysée. Dingue. A dire vrai, on aimerait trouver un moyen de voir où ce garçon sera dans dix ans.

«Mes parents contrôlent»

Du côté de En Marche de Clichy-la-Garenne, on nous rappelle que «Manu» n'est jamais mis en avant pour faire parler du comité. Que même s'il est présent sur la ville, «ses responsabilités» sont à Paris. En décembre, il avait rempli un formulaire sur le web pour rejoindre le mouvement. Le filou nous l'avait caché au moment du portrait. «Je ne voulais pas qu'on croit que je profite de Bobigny. Je veux être un militant comme les autres. Bientôt, je vais faire plus de terrain. Cet épisode m'a juste convaincu de m'engager.»

En février, il nous avait glissé qu'il se sentait proche du discours de Macron. La recherche du consensus, le côté «quand on veut, on peut», la trajectoire - «Manu» veut travailler dans l'audit. Entre-temps, il est devenu héros et dans la foulée, invité à la télé pour débattre des banlieues avec Macron. A la fin, ils échangent dans les coulisses. Parlent de violences policières et de football. Quelques jours plus tard, le voilà au QG : «Je n'ai pas été récupéré car au départ, la démarche vient de moi. Après, je sais qu'il y a toujours un intérêt en politique, mais c'est la règle. Au QG, je suis couvé. Je discute avec des gens qui ont fait HEC, qui fréquentent d'autres milieux que je n'aurais pas pu approcher aussi tôt.»

Ado malin, qui raconte avoir exprimé son scepticisme à Macron sur son idée de service militaire. Qui a aussi son anecdote aux frontières de l'ésotérisme, comme plusieurs macronistes - adultes - qui ont croisé Emmanuel Macron en chair et en os : «Une fois, il est passé sans dire bonjour à personne au QG, je ne sais pas pourquoi. Mais il m'a serré la main. Peut-être parce que je suis le plus jeune». Ado «pas fanatique non plus» : «Je suis derrière Emmanuel Macron, mais je peux dire que Mélenchon, lors du premier débat, a été très fort. Au niveau du charisme, il faut le dire : c'est quelque chose.»

Et qui ne sait pas trop quoi répondre quand on lui parle de la sortie de Macron sur le multiculturalisme dans Causeur. En fait, c'est un ado tout court, à qui on cause comme à un député et qui a obtenu un 9 à son dernier bac blanc de français : «Si ma famille voit qu'on m'utilise à des fins étranges, on arrêtera tout. Pour l'instant, ils voient que le gars est sérieux. La priorité, c'est l'école. Mes parents contrôlent.»

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