Quand Londres courtise Ankara
Contrairement aux Européens, Londres fait preuve de compréhension vis-à-vis d’Ankara. Le Brexit n’y est pas pour rien.
Le Royaume-Uni a beau être encore membre de l’Union européenne, il cultive déjà, en matière diplomatique, une stratégie de différenciation qui se manifeste très clairement à l’égard de la Turquie. Alors que l’Union européenne et la plupart de ses Etats-membres sont dans une phase de crispation à l’égard du régime de Recep Tayyip Erdogan, Londres s’emploie, au contraire, à renforcer la relation avec Ankara.
Visites britanniques à haut niveau
Cela s’est manifesté, d’abord, pa r la visite de Theresa May à Ankara, fin janvier . La Première ministre britannique ne s’était pas appesantie sur la question des Droits de l’Homme, préférant signer un contrat militaire pour plus de 100 millions de Livres et louer une relation bilatérale vieille, selon elle, de 400 ans. Plus récemment, avant une visite du ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, en Turquie , le Parlement britannique a publié un rapport qui abonde dans le même sens. Les parlementaires reconnaissent que le Brexit n’est pas pour rien dans leur attitude bienveillante, celui-ci constituant à la fois « une opportunité et une incitation » au rapprochement.
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D’une part, les parlementaires jugent que les sommes d’argent promises par l’Union européenne à Ankara pour qu’elle garde sur son sol des millions de migrants en provenance de Syrie s ont été « trop faibles » et surtout qu’elles ont été « déboursées trop lentement ». Même s’ils reconnaissent que la Turquie n’a pas non plus rempli toutes ses obligations relatives à cet accord, ils estiment que « c’est le non versement de ressources promises par l’UE pour soulager la souffrance réelle des réfugiés qui renforce le discours anti-UE du gouvernement turc ».
Il n’y a pas eu assez de compréhension, parmi les membres de l’Union européenne, concernant les difficultés que la Turquie a affrontées »
D’autre part, le rapport cite Sir Alan Duncan, le ministre d’Etat aux Affaires étrangères, selon lequel « il n’y a pas eu assez de compréhension, en particulier parmi les membres de l’Union européenne, concernant les difficultés que la Turquie a affrontées » dans la foulée du coup d’Etat manqué de l’été 2016. Il juge qu’il aurait fallu « comprendre d’abord, avant de critiquer » et se félicite du fait que son pays « soutienne la défense que la Turquie met en place contre les menaces futures de coups d’Etat et de terrorisme ».
Musique douce pour les oreilles de Recep Tayyip Erdogan
Dernier point qui ravira le président turc, Alan Duncan apporte implicitement une forme de soutien discret à l’idée selon laquelle , aurait pu jouer un rôle dans la tentative d’attentat : « il nous est impossible de confirmer que toutes les activités (des Gülenistes) sont strictement philanthropiques ». Une musique douce pour les oreilles de Recep Tayyip Erdogan qui a déclaré, fin mars, que son pays n’oublierait « jamais le soutien et la solidarité » britanniques après le coup d’Etat avorté avant de souligner le « modèle exceptionnel » que représente, selon lui, le pays du fait de sa capacité à adopter une position « non biaisée ».
Gabriel Grésillon