Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Le Sporting Bastia, vilain petit canard du football français

Des supporteurs et des stadiers du club corse ont agressé les joueurs de l’Olympique lyonnais dimanche. Une enquête est ouverte.

Par 

Publié le 17 avril 2017 à 06h00, modifié le 17 avril 2017 à 10h01

Temps de Lecture 4 min.

Anthony Lopes s’est emporté dimanche 16 avril après une brève discussion avec le responsable de la sécurité du club bastiais, Anthony Agostini.

A la veille de la réception de l’Olympique lyonnais, dimanche 16 avril, pour la 33e journée de Ligue 1, l’entraîneur de Bastia, Rui Almeida, avait eu ces mots prémonitoires : « Les supporteurs du Sporting sont très importants pour demain. C’est le douzième joueur. » Les supporteurs bastiais furent, de fait, très importants : leurs deux incursions sur la pelouse, durant l’échauffement et à la mi-temps, et les échauffourées qui ont éclaté, ont provoqué l’arrêt définitif de la rencontre. La commission de discipline de la Ligue de football professionnel (LFP) décidera jeudi 20 avril du sort de la rencontre et, surtout, de celui du Sporting Club de Bastia.

Le club corse, déjà sous la menace d’un retrait d’un point pour le comportement passé de certains supporteurs, pourrait être lourdement sanctionné : le football français n’a jamais été habitué aux images vues dimanche au stade Armand-Cesari. Celles de supporteurs donnant des coups de pied aux joueurs adverses, contraints de courir se réfugier dans le tunnel menant aux vestiaires. A la mi-temps, des supporteurs et certains stadiers bastiais ont attaqué le gardien lyonnais Anthony Lopes et ses coéquipiers. Lopes, volontiers provocateur, venait de repousser des mains le directeur de la sécurité de Bastia, Anthony Agostini, après une brève discussion.

« Il va falloir être intransigeant », a dit à l’AFP la présidente de la LFP, Nathalie Boy de la Tour, anticipant la réunion de la commission de discipline. « Nous déplorons que le SC Bastia donne une image horrible de notre football. Cela nuit à l’image du football professionnel, qui ne mérite pas cela. »

A Bastia, dirigeants et supporteurs font corps

Le choix des mots est important : la patronne du football professionnel français vise directement le club corse, et non simplement ses supporteurs. Le SC Bastia est régulièrement dans le viseur des instances pour les dérapages de ses ultras, de ses dirigeants ou de ses joueurs, qui collectionnent les cartons rouges − 13 expulsions cette saison, près du record détenu par Montpellier (14 en 2013-2014).

Le football n’est pas rien en Corse, considéré comme partie du patrimoine au même titre que les polyphonies. Deux clubs d’Ajaccio évoluent en Ligue 2 et le Cercle Athlétique Bastiais joue en National, la troisième division. Le Sporting est son représentant le plus populaire et le plus visible. « Je suis dégoûté. Notre football corse vient de prendre un sacré coup », a d’ailleurs réagi l’entraîneur du CA Bastia, Stéphane Rossi, dimanche.

Dans l’institution qu’est le Sporting, les dirigeants et les supporteurs font toujours corps publiquement, sans s’empêcher de laver leur linge sale en famille, comme c’est le cas ces dernières semaines. Lorsqu’un membre de la tribune Est, d’où sont partis les incidents de dimanche, a frappé un joueur du Paris-Saint-Germain lors du premier match de la saison, le club a dénoncé une simulation du Parisien Lucas. Lorsque des cris racistes ont visé le Niçois Mario Balotelli, toujours depuis cette tribune Est, le club a d’abord dit n’avoir rien entendu.

Le Sporting Bastia a quelque chose d’anachronique : les dirigeants ne sont pas des hommes d’affaires dotés d’une fortune personnelle et soutiennent leur club avec la même passion que les supporteurs. Elle peut être aveuglante ou les mener aux pires écarts de langage.

Comme lorsque, après le match aller à Lyon, l’entraîneur bastiais François Cicollini avait lancé en conférence de presse, bravache et en forçant un peu son accent : « Il va falloir venir chez nous. (…) Parce que ça va se régler comme d’habitude, comme des hommes ; comme des Corses. » François Cicollini contestait l’expulsion de deux de ses joueurs. Le club avait renchéri dans un communiqué, accusant l’arbitre de « s’être payé Bastia ».

Sentiment de persécution

Le sentiment de persécution est l’un des moteurs du SC Bastia. Il remonte à la catastrophe de Furiani, lorsque l’effondrement d’une tribune provisoire provoqua la mort de 18 personnes le 5 mai 1992. La promesse alors faite par le président François Mitterrand (ne plus jamais disputer un match le 5 mai) ne fut tenue que vingt-trois ans plus tard.

Les relations entre la Ligue et le club étaient particulièrement tendues sous la présidence de Frédéric Thiriez (2002-2016), qui avait hérissé les Bastiais en ne descendant pas saluer les joueurs lors d’une finale de la Coupe de la Ligue ou en ne se déplaçant pas en Corse pour remettre le trophée de champion de Ligue 2, en 2012, vingt ans après le drame de Furiani.

En 2011 et 2012, la commission de discipline avait pris, après une succession d’incidents, la décision de délocaliser des rencontres du SCB, qui l’accusa en retour de « vouloir détruire le club ». En 2004, à la suite d’une affaire d’insultes racistes visant un joueur bastiais, Pascal Chimbonda, le groupe impliqué avait annoncé sa dissolution et dénoncé une instrumentalisation de « l’appareil d’Etat, les instances footballistiques et, au-delà, tous les médias et anticorses traditionnels ». Le fondateur de ce groupe de supporteurs, Testa Mora, Anthony Agostini, est devenu neuf ans plus tard directeur de la sécurité du SC Bastia, défaillante dimanche.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.