Enfant de la rue à 13 ans, aujourd'hui entrepreneur

REBONDIR. En France depuis ses 13 ans, cet ancien enfant de la rue a appris le français puis le métier de menuisier. Il vient de recruter les deux premiers salariés de la société qu'il a créée.

Garancières (Yvelines). Dans son atelier, Onkar Singh, 24 ans, travaille jusqu’à douze heures par jour.
Garancières (Yvelines). Dans son atelier, Onkar Singh, 24 ans, travaille jusqu’à douze heures par jour. LP/ Philippe Lavieille.

    «Je ne sais pas ce que c'est d'être enfant. Parfois, devant la glace, je pleure de joie parce que j'ai réussi. » Onkar Singh, entrepreneur de 24 ans, vient de loin. A 7 ans, son père violent et sa mère le font travailler dans les champs de blé et de riz. Il en garde une cicatrice de morsure de serpent à la main droite. A 13 ans, il « quitte la misère » du Pendjab, province du nord de l'Inde, pour « une vie meilleure ». A son arrivée à Paris, l'adolescent se débrouille sans parler français. Le matin, il fait les marchés. La nuit, décharge des camions. Et gagne en moyenne 60 € par jour, ce qui lui permet de commencer à rembourser ses parents, qui ont payé 13 000 € un passeur.

    Après six mois de galère, coup de chance, si on peut dire : Onkar se fait « attraper dans le train par les contrôleurs », qui le remettent à la police. Sans papiers, le mineur isolé est placé dans un foyer, avant que la fondation Apprentis d'Auteuil le prenne sous son aile. Ce qui ne l'empêche pas de multiplier les petits boulots, en cachette, pour terminer de payer sa dette...

    L'apprentissage comme tremplin

    Outre les cours de français, on l'oriente vers l'apprentissage. A 18 ans, il obtient deux diplômes : un CAP menuisier fabricant et un CAP menuisier installateur. Puis signe un CDI dans l'entreprise qui l'a formé, une TPE spécialisée dans l'aménagement de véhicules utilitaires. Sa mission principale ? Monter des étagères pour ranger des outils.

    Quatre ans plus tard, le grand gaillard, 1m90 pour 100 kg, décide de devenir son propre patron en misant sur cette niche. « J'ai vu que ça marchait très bien, assure-t-il. En plus, il y a moins de concurrence par rapport à la plomberie ou bien l'électricité. »

    Avant de se lancer, l'ex-agriculteur apprend les bases de la comptabilité, lors d'un stage d'une semaine à 280 €, organisé par la Chambre de métiers et de l'artisanat de Versailles (Yvelines). Dans la foulée, il crée son entreprise, qu'il baptise Onkar. Il la dote d'un capital de 5 000 € et lâche près de 10 000 € en achat de matériel. « J'ai économisé en travaillant jour et nuit », insiste-t-il.

    Depuis près d'un an, le jeune homme aux avant-bras tatoués travaille jusqu'à douze heures par jour, dans un atelier à Garancières (Yvelines). « On ne fait pas attention à l'heure quand on est à son compte », observe-t-il. Grâce au bouche-à-oreille, les clients sont de plus en nombreux. Parmi eux : des artisans, des particuliers et des concessionnaires, Peugeot et Renault, avec qui il a signé plusieurs contrats. Conséquence : Onkar vient d'embaucher ses deux premiers salariés, dont un ami d'enfance du Pendjab.