Mohammad Turki installe une parabole sur le toit d'une maison à Mossoul-Est, le 15 avril 2017

Mohammad Turki installe une parabole sur le toit d'une maison à Mossoul-Est, le 15 avril 2017

afp.com/CHRISTOPHE SIMON

L'installateur de paraboles est soulagé. Il peut de nouveau travailler depuis que les forces irakiennes ont repris en janvier le contrôle de la partie orientale de la deuxième ville du pays, devenue en 2014 le bastion irakien du groupe État islamique (EI).

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"Il y a une très forte demande", se félicite Mohamed Turki, qui fixe en moyenne cinq antennes par jour.

Coupés du monde et même de leur propre pays pendant plus de deux ans, les Mossouliotes veulent dorénavant sinon rattraper le temps perdu, du moins renouer avec l'extérieur.

"Nous étions isolés du monde. Et nous ne savions même pas ce qui se passait près de chez nous", confie Mohamed Turki.

"Quand Daech (acronyme de l'EI en arabe) était là, on installait secrètement les paraboles sur les balcons et on les recouvrait d'une bâche. Mais si les jihadistes le découvraient, ils te fouettaient", se remémore Sarmad Raad, un habitant du quartier de Chiqaq al-Khadra âgé de 26 ans.

Les commerçants de paraboles ont été les premiers à avoir souffert de la chape de plomb imposée par les anciens maîtres de la ville.

"Ils nous forçaient à fermer boutique", raconte Alaa, l'un d'eux. "Ils fouillaient les magasins pour s'assurer qu'aucune parabole ne soit vendue. Ils fouettaient ou emprisonnaient" les habitants qui en avaient.

Le but premier de l'EI était d'isoler les Mossouliotes. Le mouvement ultraradical sunnite veillait à ce qu'ils reçoivent le moins d'informations possibles de l'extérieur. A Mossoul-Est, ils avaient notamment envahi et mis le feu au bâtiment d'une chaîne de télévision locale.

Les bords de certains axes routiers de Mossoul-Est restent jonchés de paraboles rouillées arrachées des toits par les jihadistes.

- 10% du business -

Mais en l'espace de deux ans, l'EI a perdu l'essentiel des territoires qu'il avait conquis en Irak, et est en passe de perdre Mossoul, dont il défend acharnement la partie occidentale, dont la vieille ville. Il ne contrôlerait plus que 6,8% du pays, selon un responsable irakien, contre 40% à la fin de l'été 2014.

De nouveau reliés aux chaînes locales et satellitaires, les habitants de Mossoul-Est peuvent suivre les avancées des forces irakiennes sur la rive occidentale du Tigre, qui coupe la cité en deux.

Les bulletins d'infos "nous tiennent informés des quartiers libérés et nous rassurent sur le sort de nos proches là-bas", confie un membre de la famille de Sarmad.

Dalal, la soeur de Sarmad, préfère regarder les divertissements, surtout les programmes comiques, mais elle déplore les nombreuses coupures d'électricité qui limitent le plaisir des téléspectateurs.

M. Turki s'attèle aujourd'hui à fixer une parabole sur le toit de la maison d'une famille récemment rentrée après avoir fui la ville en 2014. "En notre absence, les jihadistes sont entrés et ont tout pillé, jusqu'à la télévision", raconte le fils, Mohamed, âgé de 17 ans.

L'installation d'une parabole coûte environ 10.000 dinars irakiens (8 dollars), selon M. Turki.

Si les ventes ont repris, elles n'ont pas encore atteint leur apogée, tempère Alaa. "Bien que le commerce soit en plein essor, il ne représente que 10% de l'activité que nous avions avant l'EI. Pour les gens, la situation économique reste désastreuse".

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