Sarajoan Hamou (Mulon Associés): «Frexit, la galère du divorce… côté couple»
Dimanche, les Français votent. Selon les derniers sondages, les candidats partisans d’une forme de Frexit – la sortie de la France de l’Union européenne – représenteraient près de 50 % des voix. Cette séparation institutionnelle, perspective inimaginable il y a peu, a pris au cours des semaines, une place grandissante dans le débat public.
Au-delà des aspects institutionnels, économiques et politiques, ce divorce potentiel entre la France et l’Europe pourrait avoir un impact sur les aspects les plus intimes de la vie des Français, notamment leur vie familiale et leur vie de couple. En tant que citoyens européens, nous oublions parfois qu’un certain nombre de droits et de libertés individuelles sont assurés par nos institutions et instruments européens.
Un cas pratique : le divorce ! Imaginons un couple européen, Xavier et Gabi. Il est Français, elle est Allemande. Ils se sont rencontrés lors d’un échange universitaire à Dublin et ont fini par se marier. Ils font partie des 14 % de mariages mixtes célébrés chaque année en France. Dix ans et deux enfants plus tard, Xavier et Gabi décident de divorcer. A l’heure actuelle, grâce aux règlements européens permettant aux couples dont l’un est de nationalité étrangère ou né à l’étranger, le jugement de divorce pourrait circuler et être exécuté relativement simplement à l’intérieur de l’UE.
Exequatur. En cas de Frexit, la situation se corserait pour notre couple Erasmus. Nous reviendrions à la procédure actuellement en vigueur avec la plupart des Etats tiers à l’UE où une procédure particulière (dite d’exequatur) doit être introduite dans le pays où l’on souhaite voir reconnu son jugement de divorce. Cela signifierait un retour en arrière, très peu favorable à Xavier et Gabi, déjà épuisés par une longue procédure et ne souhaitant pas en entamer une nouvelle dans un autre pays.
Entre alors un nouveau twist dans notre scénario européen. Depuis janvier 2017, la France a introduit le nouveau divorce par consentement mutuel afin de faciliter la procédure de divorce : plus de passage obligé devant le juge, il se fait par le biais d’un acte d’avocat. Or, ce nouveau divorce est inadapté aux couples internationaux tels que Xavier et Gabi précisément parce qu’il n’est ni un jugement (plus de juge) ni un acte authentique (rédigé par un officier public habilité par la loi). Il se trouve que la plupart des instruments européens qui prévoient la reconnaissance et l’exécution de l’acte de divorce visent le plus souvent des décisions judiciaires ou des actes authentiques. Leur applicabilité à notre nouveau divorce par consentement mutuel est donc incertaine.
De même, de nombreux pays à travers le monde ne reconnaissent le divorce que prononcé par un juge et refuseront de reconnaître un acte de divorce qui n’émanerait pas d’une autorité judiciaire. Si ce problème n’est donc pas restreint à l’UE, c’est cependant bien là que pourrait se trouver une solution. Consciente de cette difficulté, l’UE travaille en effet sur un projet de refonte des règlements européens et a prévu de remplacer le terme « juridiction » par « autorité compétente », tentant ainsi de s’adapter au droit français.
En enclenchant le Frexit, notre futur(e) Président(e) prendrait une décision qui aurait un impact sur la vie quotidienne des citoyens français.
Sarajoan Hamou est associée du cabinet Mulon Associés.
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