Les indécis, vote clé du premier tour

A quelques jours du scrutin, un grand nombre d'électeurs se disent encore indécis ©AFP - Laurent Ferrière Hans Lucas
A quelques jours du scrutin, un grand nombre d'électeurs se disent encore indécis ©AFP - Laurent Ferrière Hans Lucas
A quelques jours du scrutin, un grand nombre d'électeurs se disent encore indécis ©AFP - Laurent Ferrière Hans Lucas
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Vote utile, vote de coeur, ou bien vote par défaut ? Près d'un quart des citoyens n'avait pas encore arrêté son choix avant l'attentat de ce jeudi soir. Qu'est-ce qui travaille les indécis ? Témoignages recueillis par Sophie Delpont et le service politique de France Culture.

Avec
  • Anne Muxel Sociologue et politologue, directrice de recherche au Cevipof, spécialiste du rapport des jeunes à la politique

"Pour qui voter ?" Plus l'échéance approche et plus la question devient prégnante... Alors que les intentions de vote ne sont pas encore cristallisées, les écarts entre les candidats ouvrent tous les possibles au premier tour.

L'attentat des Champs-Elysées de ce jeudi soir va-t-il changer la donne? Avec quatre candidats dans une fourchette de quatre points, entre 19% et 23% des intentions de vote au premier tour, Emmanuel Macron (23%), Marine Le Pen (22,5%), devant François Fillon (19,5%) et Jean-Luc Mélenchon (19%), l'indécision n'a jamais été aussi forte pour une élection présidentielle. C'est ce qui ressort de l'enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po, (Cevipof) réalisée entre les 17 et 18 avril par Ipsos Stéria auprès d'un panel de 11601 personnes. Les électeurs sont plongés dans une incertitude sans précédent, comme le montre aussi cette étude de la Fondation Jean Jaurès. Nous avons recueillis vos témoignages juste avant l'attaque d'hier soir, trois jours avant le vote du premier tour.

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Le "vote utile", casse-tête à gauche

La progression de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages ces dernières semaines et l'effondrement de Benoît Hamon rebat les cartes et distille le doute autour du "vote utile" pour qualifier la gauche au second tour. Les soutiens du candidat socialiste seraient les plus indécis au fil des enquêtes d'opinion. C'est le cas d'Océane, 27 ans. Elle travaille dans une entreprise chargée d'appliquer les normes environnementales et elle n'arrive pas encore à trancher. Stéphane Robert a recueilli son témoignage à Lille.

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J’hésite entre Mélenchon et Hamon. Il y a cinq ans, j’avais le sentiment qu’on savait déjà qui passerait au premier tour et j’avais fait un vote de conviction, EELV (...) Alors que là, je me dis que mon vote a de l’importance et c’est peut-être cela qui me fait hésiter. Je me dis que c’est un enjeu car il y a un quatuor de tête serré. (...) Habituellement je fais plutôt un vote de conviction (...) Après, quel sera le poids de ce message ? C’est ça qui me fait peur ; qu’il tombe un peu dans les abîmes. Donc, il faut que je continue à réfléchir à la question.

Fabien, 31 ans, hésite entre deux "votes utiles"

Fabien est consultant dans le management à Paris. Entouré lui-même d'indécis, il hésite entre Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron.

Autour de moi, tout le monde est indécis. Sauf ceux qui sont déjà dans des partis. Je vois les posts de mes amis sur Facebook : “pour qui voter ?”, “pour défendre quel message ?”. C’est compliqué et cela n’aide pas soi-même à se faire une idée.

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C’est une campagne très troublante : les partis traditionnels sont assez décomposés. Je suis plus du côté Hamon pour les idées, mais à gauche, il y a le traumatisme de 2002. Surtout que Fillon n’est pas la même chose que Chirac. (...) Le vote utile de gauche sur cette élection est représenté par Mélenchon. C’est lui qui a su le mieux défendre les idées avant-gardistes de gauche et les grands programmes de relance qui ont un aspect social et écologique. Mais en même temps, le deuxième vote utile c’est aussi Macron. Parce que c’est la personne la moins en rupture avec notre société telle qu’elle est actuellement (...) Et le pire serait d’avoir l’extrême droite au pouvoir.

Sur la page Facebook de France Culture, l'incertitude face aux extrêmes
Sur la page Facebook de France Culture, l'incertitude face aux extrêmes

La peur du "vote perdu" et l'influence des sondages

Au centre aussi, les électeurs ne sont pas prêts tous prêts à suivre le choix de François Bayrou et à voter pour Emmanuel Macron sans réfléchir. Narith est moniteur d'auto-école à Villiers-le-Bel, en banlieue parisienne, ayant des conviction de centre-droit, il aurait voté Nicolas Dupont-Aignan si le candidat de Debout la France avait une chance d'atteindre le second tour de l'élection.

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Dans cette campagne, on parle de casseroles, on ne s’intéresse pas vraiment au fond. Et quand on parle du fond, pour mener à bien un programme, il faut déjà avoir confiance en l’homme. (...) Je pourrais voter Dupont-Aignan, mais aujourd'hui, voter pour des petits partis cela va favoriser soit Fillon soit Macron, et ce serait un vote perdu. Malheureusement, par dépit, soit je vais voter.. je ne sais pas… C’est dans l’isoloir que je verrai. Je veux vraiment mettre fin à l'alternance. Donc si vraiment je sens que M. Mélenchon peut passer au deuxième tour mon vote ira à Mélenchon, j'attends de voir les sondages.

Comment faire son choix ?

Au delà des médias traditionnels, pour tenter de se décider, les citoyens vont de plus en plus sur les réseaux sociaux pour échanger, et sur les sites des candidats au-delà des médias traditionnels. Certains utilisent aussi les "tests" proposés en ligne pour faire avancer leur réflexion.

Les débats sur le "vote utile" sont très présents parmi les internautes.

L'indécision à droite : l'impact des affaires autour de François Fillon

Pierre a 64 ans, il est retraité de l'industrie automobile et il a toujours voté à droite depuis 1974 . Déçu par François Fillon, il hésite à voter pour Emmanuel Macron. Il a confié ses doutes à Christine Moncla.

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"Même si je suis très attaché à la présomption d’innocence, j’avoue que ça m’a marqué … les défenses de Fillon, ses ripostes m’ont choqué. Voilà pourquoi (...) je me pose la question de savoir si je vote François Fillon qui correspond à ma famille politique, à mes idées, soit pour Emmanuel Macron, parce que j’ai peur d’un deuxième tour entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. C’est pour éviter cela que je me pose la question du vote utile. C’est vrai que la remontée de Mélenchon m’inquiète énormément. (...)

Au second tour (...) En cas de duel Le Pen – Mélenchon, je m’abstiens. Je ne peux pas voter pour un homme que je considère d’extrême gauche, ni pour une femme que je considère d’extrême droite.

La tentation du vote sanction

Dominique a 62 ans et est gérante d'un hôtel, à Dijon. Pour la première fois, elle ne sait pas pour qui voter... Elle hésite entre les quatre candidats les mieux placés dans les sondages. Alors qu'elle comptait voter à droite comme à son habitude, cette fois, elle est plongée dans l’incertitude et hésite à voter Marine Le Pen comme vote sanction.

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Je ne sais pas du tout pour qui je vais voter. D’habitude, j’ai toujours une idée bien précise à l’avance, et là pas du tout. Je suis plutôt à droite, mais là, l’affaire Fillon m’a bien déstabilisée. Moi, j’aime les gens honnêtes (...) et je ne sais pas du tout vers qui reporter mon vote. C’est la première fois que ça m’arrive. Si jamais je votais Le Pen, ce serait un vote de sanction. Car je ne suis pas du tout d’accord avec tout ce qu’elle propose. Quand elle dit "tous les immigrés" dehors, ce n’est pas possible en 2017. (...) L’idéal ce serait de prendre un peu de chacun…

L'indécision, résultat d'une crise de la représentativité politique

Pour la chercheuse Anne Muxel, directrice de recherches CNRS en science politique au Cevipof, Centre de recherches politiques de Sciences Po, les citoyens sont face à de multiples tentations.

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Selon l'enquête de Ipsos - Cévipof, l'abstention serait en recul de 6 points. Aujourd'hui, la proportion de personnes interrogées se disant sûres d'aller voter est passée de 66% à 72% en 15 jours. La sûreté du choix a bondi, elle aussi, de 8 points sur la même période, atteignant aujourd'hui 72% des personnes interrogées.

"Le vote utile mine l’utilité même du vote"

C'est la thèse défendue par le politologue Rémi Lefebvre dans une tribune au journal Le Monde, le 3 avril dernier. Il estime qu'en fatalisant le probable par les enquêtes d’opinion, le débat d'idées échoue en second plan et pourrait même décourager les électeurs d'aller voter.

Pour permettre aux indécis de montrer leur désaccord et peser sur le scrutin, l'association pour la reconnaissance du vote blanc réclame que cette expression citoyenne soit "utilisé comme variante du "dégagisme", cette "volonté de sortir les sortants" qui a déjà fait de nombreuses victimes et alimente les extrêmes", peut-on lire sur son site internet.

A Nice, Isabelle, 42 ans, à la recherche d'un emploi et rencontrée via les réseaux sociaux, hésite entre voter blanc et ne pas aller voter pour la première fois, car aucun des 11 candidats ne correspond à ses attentes. Jusqu'ici, elle avait pourtant "voté utile" à toutes les élections présidentielles.

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J'étais partie sur un vote blanc au premier tour... Mais là j'en viens à me demander si je vais me déplacer dimanche (...) Pour moi, l'exemple le plus frappant est François Hollande, quand il avait dit "mon ennemi c'est la finance" et "je vais renégocier les traités" (...) Cinq ans plus tard, le résultat est assez décevant.

Reportage réalisé par Sophie Delpont, Christine Moncla, Stéphane Robert et Catherine Petillon.

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