Ce dimanche 23 avril 2017, aura lieu le premier tour des élections présidentielles. C’est l’occasion parfaite de se replonger dans les films qui traitent frontalement ou de manière plus indirecte les suffrages universels. Alors que onze candidats se présentent ce dimanche, voici donc onze films qui traitent des élections. Et si vous avez déjà du mal à vous décider pour dimanche, rassurez-vous, ici on ne vous demande pas de choisir parmi la liste.
1 – Le président (1961) de Henri Verneuil
Troisième adaptation par Henri Verneuil d’un roman de Georges Simenon, Le président est directement inspiré des graves conflits politiques de la Quatrième République de 1946 à 1958. L’intrigue suit Emile Beaufort (Jean Gabin) un ancien président du conseil des ministres retiré des affaires politiques. Alors que le pays connaît une crise gouvernementale, le député Philippe Chalamont (Bertrand Blier) est annoncé à la présidence du Conseil. Or quinze ans plus tôt, ce dernier avait été à l’origine d’un scandale financier dont Beaufort dispose encore d’une lettre prouvant son implication. Il hésite alors à l’utiliser pour saborder la candidature de Chalamont. Film sur l’éthique en politique, Le Président est porté par le personnage de Jean Gabin qui évoque la vision pacifiste d’hommes d’État de la Troisième République comme George Clemenceau ou Aristide Briand.
2 – Votez McKay (1972) de Michael Ritchie
Alors que les élections semblent déjà jouées, le partie démocrate se tourne vers l’idéaliste et inexpérimenté Bill McKay (Robert Redford) et le laisse faire campagne librement, pour simplement subir une défaite honorable. Après des débuts difficiles, la campagne novateur du candidat le fait remonter dans les sondages et le fait finalement remporter l’élection. Le film de Michael Ritchie montre l’opposition de deux conceptions de la politique l’une ancrée dans le cynisme et l’autre dans l’idéalisme. Votez McKay décrit l’organisation d’une campagne électorale américaine en soulignant l’importance et même la domination de la communication sur le débat d’idées. Neuf ans après son assassinat, le spectre du président Kennedy est fortement présent dans le personnage de McKay.
3 – 1974, une partie de campagne (1974) de Raymond Depardon
En 1974, Valéry Giscard d’Estaing rencontre le jeune documentariste Raymond Depardon et lui demande de faire un film sur sa future campagne présidentielle. Depardon accepte car il souhaite faire une œuvre qui s’inspire du cinéma direct mis en place dans Primary le film documentaire de Robert Drew sur les élections primaires du parti démocrate en 1960 opposant John F. Kennedy à Hubert Humphrey. Le documentariste travaille le réel et privilégie ainsi la continuité en ne coupant pas dans les scènes devant un VGE qui lui laisse à peu près tout filmer de son quotidien : le cinéaste est même la seule personne présente dans les bureaux du Louvre lorsque le futur président découvre, imperturbable, les résultats du second tour devant son téléviseur. Il est bien sûr évident que le candidat du RI joue de son image et manipule le spectateur avec une aisance toute particulière, pourtant, le regard du documentariste arrive à capter de lui des moments moins contrôlés. Une séquence absolument surréaliste clôturera le documentaire: après son élection, le tout juste président est au volant de sa DS, et tente de se frayer un passage parmi la foule épaisse qui l’encercle. Des visages pénètrent facilement à travers la fenêtre du véhicule et encouragent, serrent la main ou remercient directement le président sans aucune réelle intervention du service d’ordre. Une image impossible à imaginer aujourd’hui. Mécontent de l’image que le documentaire renvoyait de lui, Valéry Giscard d’Estaing interdira la diffusion des images jusqu’à ce qu’il revienne sur son choix en 2002. Une mesure abusive et immotivée à la vue du film.
4 – Primary Colors (1998) de Mike Nichols
Henry Burton, un jeune idéaliste politique est recruté pour participer à la campagne de Jack Stanton, le charismatique gouverneur en lice pour être le président des États-Unis. Quatre ans après sa renaissance dans Pulp Fiction, John Travolta incarne un candidat à la Maison-Blanche, démocrate, coureur de jupons tout droit inspiré de Bill Clinton et de l’affaire Gennifer Flowers lors de sa campagne électorale de 1992. Malgré un sujet controversé, le film de Mike Nichols sera un échec commercial qui lui vaudra toutefois deux nominations aux Oscars (meilleure adaptation et meilleure actrice dans un second rôle pour Kathy Bates).
5 – The West Wing (1999) de Aaron Sorkin
Monument du paysage télévisuel, The West Wing (A la Maison-Blanche en français) met en scène, pendant sept saisons de 1999 à 2006, la vie quotidienne de Bartlet, le président démocrate des États-Unis et de son équipe de collaborateurs installés dans l’aile Ouest de la Maison-Blanche. Marquant l’une des premières incursions de la télévision dans le monde politique, la série propose, grâce à une documentation exceptionnelle et à l’intelligence d’écriture d’ Aaron Sorkin, une vision passionnante et extrêmement riche de cet univers. Devant cet objet exigeant, les audiences américaines frôleront pourtant les 16 millions de spectateurs en moyenne, et la série deviendra au fil des années un objet télévisuel culte tenant une place particulière dans le patrimoine culturel américain.
6 – Pater (2011) d’Alain Cavalier
Un jour, le cinéaste Alain Cavalier reçoit Vincent Lindon chez lui. Comme deux gamins dans une cour de récré, les deux hommes décident de jouer au président de la République et au Premier ministre. Le premier nomme le second pour qu’il puisse faire passer une loi visant à fixer un salaire maximum à l’échelle nationale. Mais, très vite, le projet rencontre une forte opposition au sein de la majorité. Vincent Lindon décide alors de se présenter contre Alain Cavalier aux élections présidentielles. Ovationné au festival de Cannes en 2011, Pater est un objet filmique unique et vertigineux qui se montre à nous en même temps qu’il s’écrit, où la frontière entre la fiction et le réel devient de plus en plus poreuse jusqu’à totalement disparaître. Entre rapport de force et amitié, la relation Cavalier/Lindon devient le théâtre d’une réflexion sur le cinéma, le pouvoir, la paternité et la transmission.
https://www.youtube.com/watch?v=zdl5h4lIr_M
7 – Les Marches du Pouvoir (2011) de George Clooney
Les Marches du Pouvoir met en scène le récit initiatique de Stephen Meyers (Ryan Gosling), un jeune et idéaliste conseiller de campagne du gouverneur Mike Morris (George Clooney) candidat démocrate à la présidence américaine. Mais alors que les élections approchent, les révélations et manipulations se multiplient et le comportement de Meyers doit évoluer s’il veut survivre. La quatrième réalisation de George Clooney est un thriller efficace transcendé par l’écriture élégante déjà au scalpel de Beau Willemon deux ans avant la série House of Cards et servi de prestigieux seconds rôles interprétés par Philip Seymour Hoffman et Paul Giamatti.
8 – No (2012) de Pablo Larraín
Chili, 1988. Face à la pression internationale, le dictateur Augusto Pinochet accepte d’organiser un référendum au sujet de son maintien au pouvoir. Les dirigeants de l’opposition engagent alors René Saavedra (Gael García Bernal) un jeune et brillant publicitaire pour organiser une campagne en faveur du « non » afin libérer le pays de l’oppression. No pose une réflexion sur le rôle de la publicité dans le domaine politique et reconstitue avec une précision remarquable le référendum qui marqua les débuts de la chute de Pinochet en combinant habilement les images d’archives et les images de la fiction tournées avec des caméras de l’époque. On retrouvera ce procédé dans Jackie avec Nathalie Portman, film du même cinéaste sorti cette année qui suit Jacqueline Bouvier les quelques jours après l’assassinat du président JFK.
https://www.youtube.com/watch?v=ApJUk_6hN-s
9 – Moi, député (2012) de Jay Roach
Après le téléfilm Recount en 2008 où Jay Roach s’inspirait directement de l’élection présidentielle de 2000 opposant Al Gore à George W. Bush, le réalisateur réunit en 2012 le détonnant duo Will Ferrell/ Zach Galifianakis pour interpréter deux politiciens candidats à une place au sénat des Etats-Unis. Alors que la campagne débute, Moi, député devient le lieu d’un combat impitoyable de ces deux candidats où les coups bas ne trouveront aucune limite. Quelque part entre le pamphlet virulent et la comédie loufoque, le film de Jay Roach nous emmène dans les coulisses d’une campagne électorale américaine et révèle avec une certaine férocité la disparition de toute éthique au sein du système politique moderne.
10 – La bataille de Solférino (2013) de Justine Triet
Premier long-métrage de Justine Triet, La bataille de Solférino est un film d’antithèse, sur l’entrechoquement et la réunification de deux mondes: la France de gauche et de droite, le documentaire et la fiction, l’intime et l’universel. 6 mai 2012, les images du second tour des élections présidentielles de la foule suspendue à l’annonce du verdict du duel Sarkozy/Hollande se mêlent aux déambulations hystériques d’un couple incarné par Lætitia Dosch et Vincent Macaigne. Leur destin s’écrit en simultané à celui de l’histoire politique française. La bataille de Solférino est un film inclassable et hybride, débordant sans cesse de son cadre, un film sur l’amour et la politique dont la vision des images de l’élection de François Hollande et des espoirs affichés sur les visages de la foule rue de Solférino prennent aujourd’hui une amertume toute particulière…
11 – House of Cards (2013) de Beau Willimon
Créée en 2013 par Beau Willimon sur Netflix, House of Cards s’impose dès la diffusion des premiers épisodes comme l’un des objets télévisuels les plus brillants de ces dernières années. La série décrit avec minutie la trajectoire du démocrate Frank Underwood (Kevin Spacey) de son poste d’élu à la chambre des représentants à son accession au poste suprême de la Maison-Blanche. Ce qui est marquant dans House of Cards, au-delà de l’intelligence de son récit, c’est la froideur clinique avec laquelle la caméra dépeint ce monde politique et la fascination qui émane du personnage de Kevin Spacey – n’hésitant pas à plusieurs reprises à s’adresser, en aparté, au spectateur, brisant avec désinvolture le quatrième mur – et qui, plus encore que dans ses rôles de super-vilain de The Usual Suspects ou Se7en (1995) pousse à son paroxysme les curseurs du machiavélisme.