Vêtus de blanc et en silence, plusieurs milliers d'opposants au président socialiste Nicolas Maduro défilaient samedi au Venezuela pour exprimer leur colère et rendre hommage aux 20 morts des trois semaines de manifestations en faveur d'élections anticipées.

Contrastant avec les affrontements violents entre manifestants et forces de l'ordre lors des précédents défilés, les mobilisations se déroulaient globalement dans le calme, dans la capitale mais aussi dans d'autres villes du pays comme Maracaibo, Barquisimeto et San Cristobal.

Seuls quelques heurts ont brièvement eu lieu dans l'est de Caracas, quand la police a repoussé des manifestants avec des grenades de gaz lacrymogène.

Pour la première fois depuis le début de la vague de manifestations, le 1er avril, les adversaires de Maduro ont pu traverser la capitale dont plusieurs bastions chavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013), jusqu'à parvenir au siège de la conférence épiscopale dans l'ouest de la ville, sans être bloqués par la police.«Le Venezuela veut la paix!» criaient un groupe de manifestants, dont beaucoup étaient vêtus de t-shirts blancs avec le mot «paix» en lettres noires, de casquettes aux couleurs du drapeau.

Certains portaient des fleurs blanches. D'autres s'étaient carrément bâillonné la bouche avec un foulard rouge.

Le silence était parfois interrompu par l'hymne vénézuélien, quelqu'un récitant un chapelet ou des applaudissements en hommage aux «tombés» pendant ces 21 jours de protestations.

Le visage triste, une femme s'était peinte sur le visage des larmes aux couleurs nationales (jaune, bleu et rouge).

Spirale de violence

«Ce que nous arrivons à faire aujourd'hui c'est un exemple de ce que l'on va réussir à faire au Venezuela, surmonter les obstacles en paix, pour parvenir à ce que tous les Vénézuéliens votent et que l'on obtienne le changement», a confié Julio Borges, président du Parlement, l'unique institution contrôlée par l'opposition depuis fin 2015.

L'étincelle ayant déclenché la vague de manifestations, quasi-quotidiennes depuis le 1er avril, est la décision de la Cour suprême de s'arroger les pouvoirs des députés: l'opposition a dénoncé une tentative de «coup d'État» et l'indignation diplomatique a forcé l'autorité judiciaire à faire marche arrière 48 heures plus tard.

Ces mobilisations ont souvent dégénéré en heurts, pillages, échanges de gaz lacrymogènes et cocktails Molotov entre manifestants et forces de l'ordre.

Dans la nuit de vendredi à samedi, des troubles ont encore éclaté dans plusieurs quartiers de Caracas et selon plusieurs témoins, des hommes armés à moto ont parcouru les rues de la capitale, causant la panique au sein de la population.

Gouvernement et opposition s'accusent mutuellement de cette spirale de violence qui a fait 20 morts et des centaines de blessés en trois semaines. Plus de 600 personnes ont été arrêtées, selon l'ONG Foro Penal.

«Je marche sans peur»

Mais cela ne décourage pas les antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013), qui prévoient lundi un «blocage national» des routes.

«Je marche sans peur», confiait samedi l'une de ces protestataires, Jessica Muchacho, 33 ans. «Nous n'avons rien à perdre, le gouvernement nous a tout pris, toute possibilité d'avoir une vie digne», a-t-elle ajouté à l'AFP.

Dans ce pays pétrolier qui a sombré économiquement avec la chute des cours du brut, la majorité des aliments et médicaments manquent. Lassés, sept Vénézuéliens sur dix souhaitent le départ de Nicolas Maduro, selon un sondage Venebarometro.

«Le pays n'a plus un seul os en bonne santé. Les gens vont continuer à manifester» malgré la répression, prédit le sociologue Francisco Coello.

Dans cette bataille, l'opposition a retrouvé une image d'unité, un soutien populaire et des alliés à l'international exerçant une pression sur Caracas.

Onze pays latino-américains et les États-Unis ont plaidé pour le respect du droit à manifester de manière pacifique et pour des élections permettant de sortir de la crise.

Jeudi, l'Union européenne a condamné la violence et vendredi le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro, a critiqué la «lâcheté» du gouvernement socialiste.

Nicolas Maduro, qui dénonce un «coup d'État terroriste» fomenté par les États-Unis - une accusation rejetée par Washington - a renforcé la présence policière et de l'armée qui lui a apporté son soutien «inconditionnel».

La précédente vague de manifestations ayant secoué le pays en 2014 avait fait 43 morts, selon le bilan officiel.