Fenêtre sur cour dans les prisons israéliennes

Eclairage Claire Bastier, Correspondante à Jérusalem
Israeli right-wing activists barbecue outside the Israeli-run Ofer military prison, north of Jerusalem, in the occupied West Bank, on April 20, 2017, where a number of Palestinian prisoners are on a hunger strike. Some 1,500 Palestinian prisoners have joined the hunger strike that began earlier this week, according to Issa Qaraqe, head of detainees' affairs for the Palestinian Authority. / AFP PHOTO / MENAHEM KAHANA
Israeli right-wing activists barbecue outside the Israeli-run Ofer military prison, north of Jerusalem, in the occupied West Bank, on April 20, 2017, where a number of Palestinian prisoners are on a hunger strike. Some 1,500 Palestinian prisoners have joined the hunger strike that began earlier this week, according to Issa Qaraqe, head of detainees' affairs for the Palestinian Authority. / AFP PHOTO / MENAHEM KAHANA ©AFP

Mille prisonniers palestiniens font la grève de la faim pour dénoncer leurs conditions de détention. L'administration pénitentiaire ne veut pas répondre à leurs demandes. La lecture de leur situation dépend du point de vue adopté. Confrontation.

Jour six. Plus d’un millier de prisonniers palestiniens en Israël sont en grève de la faim depuis lundi dernier. Ils entendent ainsi dénoncer leurs conditions d’incarcération ainsi que le régime de détention administrative (sans inculpation ni jugement) auquel l’Etat hébreu a recours. La grève a été lancée par Marouane Barghouti, dirigeant charismatique du Fatah - la principale composante de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) - et condamné à cinq peines de prison à perpétuité pour meurtre et soutien au terrorisme.

"Ayant passé les quinze dernières années dans une prison israélienne, je suis à la fois témoin et victime du système illégal [mis en place par] Israël, avec des arrestations arbitraires et le mauvais traitement des prisonniers palestiniens", écrit Marouane Barghouti, depuis sa prison de Hadarim en Israël, dans une lettre ouverte publiée par le "New York Times" pour l’occasion. Après six mois de négociations vaines avec les autorités carcérales, celui qui se présente comme "leader et parlementaire palestinien" a alors appelé les prisonniers du Fatah à une grève de la faim, en espérant que ceux d’autres factions se rallieront.

Fenêtre sur cour dans les prisons israéliennes
©IPM Graphics

Des revendications sociales

Selon Qadura Fares, le directeur du Club des prisonniers palestiniens, la grève de la faim est "une arme" utilisée par les détenus palestiniens (6 500 aujourd’hui en Israël) pour faire valoir leurs droits, chèrement acquis depuis les accords d’Oslo (1993) mais progressivement réduits après l’enlèvement et la détention du soldat israélien Gilad Shalit (de 2006 à 2011) par le Hamas - le Mouvement de la résistance islamique au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007.

Parmi les demandes des prisonniers, la reprise d’une deuxième visite mensuelle pour la famille proche. En mai 2016, la Croix-Rouge, en charge de la coordination des visites familiales, avait réduit leur fréquence à une seule par mois. Le retour aux études, la mise à disposition de téléphone public ou encore de meilleurs soins médicaux font aussi partie des revendications.

Le premier jour de la grève a coïncidé avec la Journée des prisonniers palestiniens : la rue palestinienne s’est mobilisée dans les grandes villes de Cisjordanie et de Gaza pour demander leur libération. En effet, chaque famille palestinienne est concernée par le sujet, notamment après les arrestations massives de la première Intifada (1987-1993) puis de la seconde Intifada (2000-2004). Le même jour, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a appelé le gouvernement israélien à répondre positivement pour "la liberté et la dignité des prisonniers".

Une grève contraire au règlement

Mais l’administration pénitentiaire a annoncé qu’elle ne leur donnerait pas gain de cause. "L’appel à la grève de la faim est contraire au règlement" de la prison, a affirmé le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, avant de qualifier les détenus "de terroristes et d’assassins qui reçoivent ce qu’ils méritent". " Nous n’avons pas de raisons de négocier avec eux", en concluait-il.

En effet, ces "prisonniers de la liberté" sont aux yeux du Service israélien des prisons (le Shabas) des "prisonniers de sécurité", explique Gershon Baskin, fondateur d’un mouvement israélo-palestinien pour la paix. "Héros" d’un côté, ils sont des "terroristes" de l’autre, parce que beaucoup ont orchestré ou été impliqués dans des attaques visant des civils israéliens. "C’est une réalité qu’on retrouve dans chaque conflit national", rappelle Gershon Baskin.

Fenêtre ouverte sur un monde complexe

La polémique suscitée en Israël par la diffusion à la télévision de la série documentaire "Meggido", en mars dernier, l’a d’ailleurs illustrée. Pendant un an et demi, son réalisateur, Itzik Lerner, a suivi les 1 000 prisonniers palestiniens de la prison de Meggido et leurs 300 gardiens israéliens. Fenêtre ouverte sur un univers complexe dont une partie du public israélien se serait bien passée, peut-être parce qu’elle suggère que "même les criminels les plus odieux sont des êtres humains", selon le quotidien "Haaretz". Avant sa diffusion, la ministre de la Culture, Miri Regev, demandait d’ailleurs à vérifier le processus d’approbation du film et les financements publics qu’il avait reçus.

A ce jour, 1 500 prisonniers sont engagés dans la grève, selon Qudera Fares, mais l’administration pénitentiaire israélienne parle de 1 100 grévistes. L’ambassadeur palestinien à l’Onu, Riyad Mansour, a appelé jeudi 21 avril le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à intervenir pour aider à mettre fin à la grève et éviter "les dangereuses conséquences d’une détérioration de cette situation".

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