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Liberté d'expression

Aux Maldives, un blogueur progressiste sauvagement assassiné

Yameen Rasheed, réputé pour sa critique incisive du pouvoir en place, a été poignardé dans sa cage d'escalier la nuit dernière.
«Rilwan et moi» : photo publiée sur son blog par Yameen Rasheed (à gauche), prise en compagnie du journaliste Ahmed Rilwan, depuis porté disparu. (Photo DR)
publié le 23 avril 2017 à 17h12

«Ecrivain désobéissant», dit son profil Twitter. Avec ses 12 300 followers, Yameen Rasheed était un influent blogueur dans le petit Etat des Maldives, dans l'océan Indien. Avec humour, ce programmeur informatique défendait la liberté d'expression dans un pays en pleine tourmente politique. Son blog «The Daily Panic» pourfend les dérives autocratiques dans l'archipel de 400 000 habitants et ne craint pas d'attaquer «la propagande religieuse du gouvernement maldivien qui cultive la vision d'un monde paranoïaque, simpliste et xénophobe». Il a été réduit au silence samedi soir dans sa cage d'escalier, dans l'île-capitale de Malé, tué de seize coups de couteau.

Contacté par Libération, le chef de la coalition d'opposition, l'ex-président Mohamed Nasheed, affirme qu'«il y a probablement une motivation politique derrière le meurtre de Yameen Rasheed». A un an de la présidentielle, la tension ne cesse de monter dans le pays. Mohamed Nasheed, sous le coup d'une condamnation à treize ans de prison pour «terrorisme», dirige une large coalition antigouvernementale depuis l'étranger.

Menaces incessantes

Après l'arrestation du chef du parti Jumhoree, vendredi, tous les leaders de la coalition sont désormais emprisonnés ou en exil et la presse fait l'objet de menaces incessantes. Il y a trois semaines, le régime n'a pas hésité à faire appel à l'armée pour faire expulser du Parlement des députés pour empêcher le vote d'une motion de défiance contre le président Abdulla Yameen Abdul Gayoom. En septembre, une enquête des journalistes d'Al-Jazeera dénonçait des pratiques «de vol, corruption et blanchiment d'argent à hauteur de 1,5 milliard de dollars au sommet du gouvernement des Maldives», et accusait le président Yameen de recevoir directement des valises de billets. Dans un communiqué, la présidence de la République maldivienne a néanmoins condamné ce matin «dans les termes les plus forts» «le meurtre d'une voix jeune, énergique, pleine de potentiel qui a contribué de manière importante et responsable au discours social et politique de notre pays».

De son côté, Mohamed Nasheed réclame que l'enquête soit menée avec la «participation de services étrangers», «la police maldivienne ne possèdant pas la capacité, la crédibilité ni l'impartialité politique pour mener une enquête aussi approfondie». La représentation des Nations unies dans l'archipel demande également sur Twitter que «l'impunité prenne fin via une enquête immédiate et transparente». Il faut dire que les auteurs du meurtre d'un autre blogueur, Hilath Rasheed, égorgé en 2012, n'ont jamais été retrouvés, alors que la capitale ne mesure que 4,5 km2. La police a fait montre d'une similaire inefficacité dans la disparition du jeune journaliste indépendant Ahmed Rilwan, enlevé en 2014. Yameen Rasheed se battait sans relâche aux côtés de la famille de Rilwan pour réclamer la vérité. Il avait 29 ans.

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