Election présidentielle : "L'abstention inavouée peut faire gagner Marine Le Pen"

Marine le Pen lors d'un meeting à Déols ©AFP - ALAIN JOCARD
Marine le Pen lors d'un meeting à Déols ©AFP - ALAIN JOCARD
Marine le Pen lors d'un meeting à Déols ©AFP - ALAIN JOCARD
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Avec le Brexit et Donald Trump, les sondages ont montré leur vulnérabilité. Malgré tout, tous pointent le risque accru de voir Marine Le Pen au second tour. Volatilité des électeurs, niveau d’abstention, des facteurs qui pourraient permettre au Front National d’accéder à l’Elysée.

Avec
  • Serge Galam Physicien, chercheur au CNRS, membre du CEVIPOF de Sciences-Po.

Le "plafond de verre" qui empêche Marine Le Pen d'accéder à l'Elysée serait-il de plus en plus fragile ? Il se serait même fissuré. Telle est l'hypothèse du physicien Serge Galam. Ce spécialiste des systèmes désordonnés, qui a rejoint le Cevipof (centre de recherches politiques de Sciences Po), avait prédit, dès l'été 2016, la victoire de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.

Comment la physique peut-elle nous éclairer sur ce point ?

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Un sondage donne l'image à un moment de l'opinion. Simplement, la question est de savoir comment lorsque l'on passe d'une image à une autre, jour après jour, quels sont les mécanismes qui permettent de passer d'une image, à celle de demain, puis celle d'après-demain puis à celle dans une semaine, dans un mois... Ca, on peut l'obtenir soit par des extrapolations, des analyses du passé, soit par une compréhension des mécaniques qui font que des individus lors d'une campagne vont changer éventuellement d'opinion. Ce que je développe, moi et d'autres physiciens à travers le monde dans le cadre de la socio-physique, c'est d'essayer d'appréhender ces mécanismes en identifiant des mécanismes d'interaction entre individus, qui font qu'à un moment donné certains vont changer d'opinion.

Grâce à cette méthode vous étiez arrivé à la conclusion que l'élection de Marine le Pen était passée d'impossible à improbable. Désormais il y a une proportion non nulle pour que la candidate soit élue à la Présidence de la République. Comment êtes-vous arrivé à ces deux conclusions ?

Le premier stade se fonde sur cette dynamique d'opinion. Lorsqu'on l'étudie avec les hypothèses qu'on utilise, on obtient ce fameux plafond de verre qui aujourd'hui est beaucoup moins fort qu'il y a dix ou quinze ans, mais qui est toujours actif. L'élément nouveau c'est que jusqu'à maintenant, nous avons avions le vote honteux pour le Front national.
Mon hypothèse c'est que nous allons avoir une "abstention inavouée". Pour Macron ou Fillon, ce sont les deux cas que je considère, c'est de dire que pour l'un et l'autre, certains électeurs disent encore aujourd'hui vouloir s'opposer au FN. Mais ont une répulsion très forte à voter pour l'un ou pour l'autre. Le jour du vote, c'est tellement pénible, comme un médicament indigeste à devoir prendre avec aversion, que lorsque l'occasion de ne pas l'utiliser se présente, et bien vous allez oublier. Ce n'est pas quelque chose que je prouve, mais par un calcul, on peut voir l'impact que cela aura en fonction de l'amplitude de ce phénomène. Donc si l'abstention inavouée est plus ou moins forte, nous allons avoir une abstention différenciée entre les deux candidats parce que les gens qui veulent voter pour Marine le Pen, veulent voter pour elle. Concernant Fillon ou Macron, une partie voudra voter pour ces candidats, quand une autre souhaitera voter contre le Pen. Mais il y a un coût : une partie oubliera de le faire. Ce qui fait qu'avec moins de 50 % d’intentions de vote, Marine le Pen peut se retrouver avec plus de 50% de votes exprimés. Il y a une faille de taille dans le plafond de verre.

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