Le mythe étrange d'une France ultralibérale
C'était une petite musique. C'est aujourd'hui un refrain qui séduit des millions de Français, comme le prouvent les scores de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon. Avant que cela ne devienne le tube de l'année, il est plus que temps de démonter cette fausse information, cette « fake news ». Elle se résume en quelques mots : la France est devenue un pays ultralibéral, où tout est de plus en plus dérégulé.
Soyons sérieux. Un pays ultralibéral serait un pays doté d'un Etat au poids quasi nul à la fois dans l'activité économique et dans l'établissement des règles du jeu, et où régnerait une concurrence implacable entre des entreprises écrasant les salariés. Si ce pays existait, il serait aux antipodes de ce qu'est la France aujourd'hui. Elle a désormais les dépenses publiques les plus élevées de l'Union européenne, dépassant même la Finlande -56,2 % de la richesse nationale, selon les derniers chiffres publiés par Eurostat, l'organisme européen des statistiques. Elle affiche l'un des déficits publics les plus élevés du continent. L'Etat y est omniprésent dans la vie des entreprises. Il protège des dizaines d'activités par des quotas, des verrous, des licences. Il possède des centaines de firmes. Il étend les conventions collectives signées par les partenaires sociaux de certaines entreprises à l'ensemble du secteur concerné, avec toutes leurs règles sociales. Il opère les prélèvements parmi les plus élevés au monde. Il fixe un revenu minimum également parmi les plus élevés au monde (en particulier ramené au revenu médian). Il pratique une redistribution massive qui en fait l'un des pays développés les moins inégalitaires. Il a créé des centaines de milliers de normes, y compris en transposant les directives européennes avec une rigueur souvent très supérieure à celle de ses voisins. Dans le classement de l'OCDE sur la liberté des marchés de biens et services comme dans le classement sur le marché du travail figurant dans le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, la France figure parmi les pays avancés les plus corsetés. Si les mots ont encore un sens, la France n'a rien d'un pays ultralibéral.
Il est vrai que François Hollande a desserré quelques contraintes lors de son quinquennat, comme l'avait fait avant lui Nicolas Sarkozy. Il est vrai, aussi, que le candidat Emmanuel Macron a inscrit plusieurs mesures de respiration dans son programme, tout en prévoyant aussi de nouvelles protections. Il est vrai, enfin, qu'il existe des lieux en France où l'Etat pourrait être plus efficace face à un marché délétère. Mais il est faux d'affirmer que la France est menacée d'ultralibéralisme ou de déréglementations massives. Madame Le Pen, monsieur Mélenchon, ouvrez les yeux sur la vraie vie.