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Non, sauver Whirlpool n'est pas dans le programme de Marine Le Pen
Marine Le Pen a tapé l'incruste mecredi sur le parking de l‘usine Whirlpool à Amiens

Non, sauver Whirlpool n'est pas dans le programme de Marine Le Pen

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Marine Le Pen assure qu’elle présidente, elle réussirait à empêcher l’usine d’Amiens (290 emplois) de fermer. Un coup d’œil sur son programme et le doute s’installe…

Mardi 25 avril - date si chère aux amis du Portugal -, Marine Le Pen réussissait son coup médiatique en allant « taper l’incruste » sur le parking de l‘usine Whirlpool à Amiens, comme font les adolescentes furieuses de ne pas être invitées à la boum du quartier. Après avoir écrasé leur clope sur le tapis, elle repartent presque aussi sec, en envoyant un SMS du genre : « T’as vu comme on leur a pourri leur teuf ? ». Marine Le Pen, elle, a tweeté « avec moi leur usine ne fermerait pas », ce qui effectivement gâchait un peu le discours bien raisonnable d’Emanuel Macron expliquant laborieusement aux ouvriers que lui, il allait leur trouver (peut-être) un repreneur (qu’en fait Whirlpool cherche déjà) et sinon qu’ils auraient le droit de se former pour trimballer des colis chez Amazon, qui ouvrira bientôt un centre de tri logistique dans leur ville.

Mais quelle crédibilité peut-on attribuer à la promesse par voie numérique de la candidate du Front national ? Pour l’évaluer, il suffit de se rapporter à son programme. Parmi les 144 engagements, on repère assez vite les points 34 à 51. On voit bien l’obligation d’un label « fabriqué en France » (point 36) ou l’obligation de respecter des normes françaises (ce qui fait une belle jambe aux multinationales comme Whirlpool). Mais nulle part on ne lit : « Empêcher la fermeture des usines délocalisées ». Tout juste s’agit-il de protéger les « secteurs stratégiques et porteurs », avec l’aide d’un fonds souverain sous la tutelle de la Caisse des dépôts. Si l’on suit le programme de Marine Le Pen, on se dit qu’à moins d’élever la fabrication des sèche-linges au même rang stratégique que celle de l’armement nucléaire ou de l’aéronautique, le sort des ouvriers d’Amiens sous une présidence MLP ne serait pas si éloigné que sous une magistrature Macron…

On s’aperçoit au passage que Marine Le Pen est elle aussi capable de vendre du produit déjà utilisé puisque ce « fonds souverain » sous l’égide de la Caisse des dépôts existe déjà : il s’appelle la Banque publique d’investissement (BPI), créée sous Nicolas Sarkozy, avec la même mission…

Le protectionnisme, cela ne marche que s'il est intelligent

Reste à considérer que le programme protectionniste du FN (dévaluation compétitive, taxe sur les importations, politique anti-syndicale sur laquelle personne ne se penche, etc) ouvrirait des perspectives plus positives pour Whirlpool en France. Dans ce cas concret, on peut en douter. D’abord le temps économique, qui s’écoule plus vite que le calendrier politique (fermeture en juin prochain, alors que le Parlement ne sera pas encore élu). Ensuite les industriels, en particulier, ont déjà donné un aperçu de leurs attitudes en cas de sortie de l’Union européenne, en exigeant du gouvernement britannique qu’il compense en bon argent les inconvénients que pourraient provoquer les futures différences de réglementations dont l’apparition de droits de douanes sur la Manche pour la circulations de leurs produits.

Comment un groupe comme Whirlpool considérerait-il la contribution sociale de 3% sur les importations, et la dévaluation du franc ? Sans doute pas comme une incitation à produire en France mais comme un coût supplémentaire sur les composants importés et assemblés à Amiens. D’ailleurs les responsables du FN conviennent eux-mêmes de la complexité de la mesure qu’ils préconisent. Marine Le Pen déclare : « Cela ne fait aucun sens de taxer indifféremment tous les produits provenant de tous les pays [...] Nous taxerons surtout les pays qui font du dumping fiscal et social ». On peut même ajouter que les entreprises demanderont que les taxes à l’importation soient supprimées pour les produits qu’elles exportent, de façon à éviter des mesures de rétorsion sur leurs marchés extérieurs. Donc pour garder Whirlpool à Amiens, le gouvernement de Marine Le Pen devrait proposer une loi établissant une taxe à l‘entrée en France sur une série de produits, dont le beurre de cacao (le climat ignore les frontières), mais pas les composants de sèche-linges, si ce n’est le sèche-linge lui-même !

Conclusion : le protectionnisme, cela ne marche que s'il est intelligent, comme l'expliquait Arnaud Montebourg. Et il vaut mieux chercher à renforcer la coopération entre les peuples qu'à accenteur l'affrontement, comme le prépare Marine Le Pen. Avec laquelle on risque de sauver peu d'emplois ouvriers mais d'embaucher beaucoup de douaniers !

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne