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Les dépenses militaires continuent d’augmenter dans le monde

Les tensions politiques en Asie et dans l’est de l’Europe ont soutenu les investissements de défense l’an dernier, selon le Stockholm International Peace Research Institute. Les pays producteurs de pétrole ont, eux, dû revoir leurs ambitions à la baisse sous l’effet de la baisse des cours.
par Joris Bolomey
publié le 28 avril 2017 à 9h19

Les dépenses militaires ont atteint 1 686 milliards de dollars (1 544,3 milliards d'euros) dans le monde en 2016. Soit l'équivalent du PIB du Canada ou encore de 2,2% du PIB mondial selon le dernier rapport du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri). Malgré le manque de communication de certains Etats, le Sipri publie chaque année les données les plus complètes «sur les dépenses publiques pour les forces et les activités militaires, y compris les salaires et les avantages sociaux, les frais de fonctionnement, les achats de matériel militaire et d'armes, les infrastructures militaires, la recherche et développement, l'administration centrale, le commandement et le soutien», précise l'institut dans un document.

Plus de 30% des dépenses militaires mondiales sont américaines

Les dépenses ont continué de croître principalement en Asie et en Océanie, en Europe centrale et de l’Est et en Afrique du Nord. Mais avec 611 milliards de dollars (559,6 milliards d’euros) engagés en 2016, les Etats-Unis restent sur la première marche du podium des dépenses militaires une hausse de 1,7% par rapport à 2015.

«Obama avait réduit significativement l'engagement américain en Afghanistan et en Irak, mais ce n'est pas la fin de l'engagement américain pour autant, précise Aude Fleurant, directrice du programme Armes et dépenses militaires du Sipri. Il y a eu le soutien américain à la coalition autour de l'Arabie Saoudite au Yémen et la participation en Syrie. Mais aujourd'hui, la politique menée par Trump n'est pas très claire», estime-t-elle.

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Loin derrière les Etats-Unis, la Chine a dépensé 215 milliards de dollars (196,9 milliards d'euros). Une hausse de 5,4% par rapport à 2015. «La tendance mondiale suit celle des Etats-Unis», constate la directrice de programme du Sipri. La Russie occupe, quant à elle, la troisième place, mais avec «seulement» 69,2 milliards de dollars (63,4 milliards d'euros) de dépenses militaires.

Dans la plupart des pays producteurs de pétrole, la chute des cours de l’or noir est à l’origine de la baisse des dépenses militaires en 2016. Ainsi l’Arabie Saoudite a enregistré une baisse de 30% de ces dépenses. La plus forte dégringolade revient au Venezuela. En plein marasme économique, le pays enregistre une chute de ses dépenses militaires de 56%. Suivent le Soudan du Sud (-54%), l’Azerbaïdjan (-36%) et l’Irak (-36%).

Commerce et prolifération

A l'inverse, en Asie et en Océanie, les dépenses militaires ont augmenté de 4,6% sur la même période. «Ce sont des Etats inquiets face à une Chine qui devient de plus en plus puissante et de plus en plus revendicatrice au niveau régional», précise Aude Fleurant. Selon elle, la puissance toujours accrue de la Chine «conduit certains gouvernements à se donner les moyens de pouvoir dialoguer avec elle et de riposter en cas d'agression». Ainsi, les dépenses militaires de l'Inde ont augmenté de 8,5% en 2016 à 55,9 milliards de dollars (51,2 milliards d'euros). Même constat en Europe centrale et orientale après l'intervention de la Russie en Ukraine en 2014.

La hausse des dépenses militaires produit une augmentation quasi inexorable de la production de matériel militaire dans nombre de pays développés. Résultat : des pays en guerre peu regardants envers le droit international humanitaire parviennent à se fournir en matériel militaire sans trop de difficulté. Un exemple? Le Qatar (qui fait partie de la coalition des pays arabes au Yémen), bombarde les populations et rebelles houthis yéménites avec des Mirage français. «Ne pas vendre des Mirages ou des Rafales à ces pays, c'est prendre le risque de fermer des lignes de production en France», constate Aude Fleurant à propos de l'avion de chasse des usines Dassault.

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Certes, les politiques de contrôle des exportations des armements existent dans des pays producteurs de matériel militaire. Mais celles-ci sont suffisamment floues pour permettre des ventes à des Etats qui ne respectent pas les droits humains. Au Canada, Daniel Turp, professeur de droit, a lancé l'opération Droits blindés. Avec ses étudiants de l'université de Montréal, il espère empêcher (juridiquement) la vente de quelque 900 véhicules blindés légers pour un montant de 15 milliards de dollars canadiens (10,1 milliards d'euros), à l'Arabie Saoudite. «On investit beaucoup trop d'argent public dans la production d'armes, constate Daniel Turp. Il y a une surenchère des pays qui ont un double discours sur les droits fondamentaux.» Dans cette bataille juridique, un jugement favorable de la cour d'appel fédérale est espéré par les militants au printemps 2018.

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