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Présidentielle 2017
Analyse

Le pacte de Dupont-Aignan avec Le Pen : les dessous d'un "accord de gouvernement"

Très courtisé par le Front National, le fondateur de « Debout la France », qui a engrangé 4,7% des votes au premier tour, a tranché: il se range aux côtés du Front National. Son parti y voit l’intérêt de négocier des sièges aux législatives… et de renflouer ses caisses.

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Nicolas Dupont-Aignan

Personnellement, il a peu à gagner et beaucoup à perdre dans cette alliance.

JOEL SAGET / AFP

Marine Le Pen a réussi son opération séduction pour rallier Nicolas Dupont-Aignan. Au JT de France2, ce soir, il a lâché sa bombe et annoncé avoir passé avec elle un: "accord de gouvernement". Pour le FN, c'est un excellent coup: symboliquement, le ralliement de cet-ex UMP qui chasse sur les terres de la droite conservatrice déçue de François Fillon contribue au succès de la stratégie de dédiabolisation menée par la fille de Jean-Marie Le Pen; politiquement, le fondateur de « Debout la France » apporte sa belle «cagnotte» de  4,7% des voix rassemblées au premier tour et sa stature de député-maire de Yerres (Essonne), avec une expérience de vingt ans en politique. L'affaire est d'autant plus belle qu'elle était loin d'être gagnée.

Calinothérapie des frontistes

Toute la semaine, le camp frontiste avait fait assaut de flatteries et appels du pied pour l'attirer dans ses rets. Dès lundi, au 20h de France 2,  Le Pen louait le projet  du Dupont-Aignan «extrêmement proche du nôtre». «Il faut le dire, il a les mêmes convictions. Il y a beaucoup de choses qui font qu’on pourrait au moins engager des discussions. Je le souhaite.» Mardi sur France Info, Florian Philippot  entonnait le même refrain : «Nous avons pratiquement les mêmes idées sur tous les sujets», assurant que NDA a «laissé la porte grande ouverte». Mercredi sur Franceinfo, David Rachline en remettait une couche : «C'est un véritable patriote, il a défendu des idées courageuses et sans doute ses électeurs sont-ils plus proches des positions de Marine». Yeux doux ce matin, de Nicolas Bay sur Europe 1 et Wallerand de Saint-Just sur Sud Radio, jugeant «probable» que Dupont-Aignan se voie proposer un poste de ministre en cas de victoire... ce qui fait effectivement partie du deal

Pour autant, NDA a fait durer le suspense. Alors qu’il avait promis de se déclarer «en début de semaine» en vue du second tour, il est resté silencieux. Lundi, rien n’a filtré d’une première réunion de son conseil national (une centaine de cadres du parti) pour «prendre la température». Jeudi, une conférence de presse prévue a même été annulée. Ce vendredi matin, le conseil national a été reconvoqué et a fait apparaitre de fortes dissensions. Cet après-midi, la rumeur indiquait que leur accord serait scellé devant les photographes en fin d'après-midi mais on attendait toujours, et les négociations ont été laborieuses.

Choix déchirants

C'est que le leader de «Debout la France» était confronté à un dilemme douloureux. Personnellement, il a moins à gagner qu'à perdre dans cette alliance. Il sait bien qu’une fois passée la ligne rouge, il n’y a pas de retour en arrière possible et qu’il va saborder  le positionnement qu’il s’est construit, celui d’un souverainiste certes, mais se revendiquant de De Gaulle et Séguin, et farouchement indépendant. Il risque même son fief de Yerres, où Marine Le Pen n'a fait qu'un petit 10,72%, tandis qu'il remportait 28,62% des voix. Comment ses électeurs vont-ils comprendre que, lui qui a passé sa campagne à expliquer qu’il ne fallait en aucun cas le rapprocher et encore moins le confondre avec le FN, serait finalement celui qui fait sauter le verrou avec l’extrême droite ? Alors qu'il récusait encore il y a deux semaines, en meeting le 19 avril, toute velleité d'accord avec le Front en affichant sa différence «nous n'avons jamais été xénophobes, mon patriotisme à moi est humaniste» !

Et ceci pour quel plan de carrière ? Premier ministre d’une Marine Le Pen qui a très peu de chances d’être élue. Vassal d’un FN qui qui n’est pas réputé pour tolérer les voix dissidentes et les têtes qui dépassent… Le pari est risqué alors que Dupont-Aignan pouvait aussi prétendre, dans un contexte très chahuté chez Les Républicains, incarner le courant souverainiste dans une droite recomposée. La décision a d'ailleurs semé la zizanie chez "Debout la France". Le vice-président Dominique Jamet, cofondateur en 2012 du site Boulevard Voltaire avec Robert Ménard, a démissionné illico.

Une affaire de gros sous

Mais derrière, Dupont-Aignan devait aussi gérer des problèmes plus triviaux. Certains dirigeants de son parti poussaient au contraire à s’allier au FN avec les élections législatives en ligne de mire : ils y voient l’ultime chance d’être élus députés, de constituer même peut-être un groupe à l’Assemblée, alors que la progression du FN promet d'être spectaculaire. NDA jure qu'il n'y a pas d'accord d'appareil de ce genre mais c'est bien peu crédible. D'autant que le calcul n’est pas que politique, mais aussi financier. En ratant de peu les 5% au premier tour, NDA n’obtiendra pas le remboursement de ses frais de campagne par l’Etat. Il ne peut compter que sur les 800.000 euros attribués aux candidats qui ont obtenu les 500 parrainages… ce qui lui laisse près de 800.000 euros supplémentaires d’ardoise à payer. Or l’Etat finance les partis selon leur nombre de parlementaires : un accord aux législatives permettrait donc à « Debout la France » de se renflouer. De nouveau, Dupont-Aignan nie que cet aspect ait compté mais c'est bien difficile à croire...

Reste que ses électeurs sont très divisés : selon l'institut OpinionWay qui est le seul à mesurer les reports de voix du vote Dupont-Aignan, moins d'une moitié d'entre eux semblaient tentés par Marine Le Pen, contre un quart pour Emmanuel Macron et le reste s'abstenant.

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