Ados radicalisés. Quelle réponse ?

Par Philippe Créhange

Face à l'incompréhensible, des spécialistes de la psychiatrie et de la psychopathologie étudient les phénomènes de radicalisation, en particulier chez les jeunes.

« Il peut y avoir des malades mentaux mais il y a des déterminations psychiques qui ne sont pas de l'ordre du trouble mental », estime le professeur Jacques Dayan, enseignant en pédopsychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à Rennes 1.
« Il peut y avoir des malades mentaux mais il y a des déterminations psychiques qui ne sont pas de l'ordre du trouble mental », estime le professeur Jacques Dayan, enseignant en pédopsychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à Rennes 1. (Photo P.C.)

La radicalisation et l'emprise idéologique chez les adolescents. Voilà un sujet sensible qui a été abordé, ce jeudi et ce vendredi, à Rennes, dans le cadre des enseignements d'un diplôme dispensé par les universités de Brest, Nantes et Angers. Sensible compte tenu du contexte français, et des risques d'attentats. Mais aussi parce que le thème est forcément sujet à récupération en période de forte actualité politique.

Tout part de New York


Les conférenciers présents se sont toutefois bien gardés d'aller sur ce terrain. À travers plusieurs prises de parole, les spécialistes ont surtout tenté de lister et analyser les mécanismes qui poussent un jeune à se radicaliser. Avec une vraie difficulté : le manque de recul. C'est seulement « depuis les attentats de New York (en 2001, NDLR), où l'on a pu interroger des prisonniers d'Al-Qaïda et des terroristes, que se sont développées les recherches universitaires aux États-Unis », souligne Jacques Dayan, professeur de pédopsychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université de Rennes 1. Un homme qui n'aime pas particulièrement la terminologie et le mot « radicalisation », rappelant que dans les pays anglo-saxons, on parle d'extrémisme violent.

Les terroristes sont-ils fous ?


Question centrale dans le débat autour de la radicalisation : les individus sont-ils fous ? Pour Jacques Dayan, il s'agit d'un fantasme. « La dimension psychopathologique est marginalisée dans le chemin qui mène des jeunes ou des adultes vers la radicalisation. Ces jeunes relèveraient de la psychiatrie et celle-ci arriverait à déradicaliser ? Il peut y avoir un certain nombre de malades mentaux, mais la plupart n'ont pas de troubles mentaux. Il y a des déterminations psychiques qui ne sont pas de l'ordre du trouble mental. » 

L'environnement familial, scolaire ou encore amical joue un rôle essentiel pour des jeunes dont le manque affectif - avec la figure centrale du père - est alors compensé par d'autres éléments. « Si vous regardez les crimes qui sont commis, il faut bien voir la relation avec l'identité nationale », analyse Jacques Dayan. Les personnes radicalisées se créent une identité, à travers une nation, « réelle ou idéalisée, comme le fait Daesh. C'est la fonction paternelle de l'État », analyse le professeur. « Tant qu'il n'est pas rattaché à un État, il lui manque une puissance. » 

Si certains spécialistes estiment que, de tout temps, les adolescents ont cherché à avoir des modèles d'idéaux et que cet âge relève d'un processus banal, d'autres ont établi une seconde théorie qui s'appuie sur l'influence de l'autorité, qu'elle quelle soit. Jacques Dayan prend exemple sur le génocide rwandais. « Les adolescents participaient à des massacres avec jouissance, entraînés par les adultes. » 

En France, « on a l'impression qu'il y a un mouvement spontané des adolescents car on ne voit pas les parents au départ, poursuit l'enseignant rennais. Mais ils sont présents directement ou indirectement. » À travers d'autres membres de la famille mais aussi des personnes extérieures, à qui les parents dédient une autorité, comme les enseignants. « C'est le rôle du facteur invisible de l'adulte, du tuteur, qui est assez peu étudié. » Tout en soulignant que la « maturation sociale » du cerveau d'un jeune ne s'arrête non pas vers 15-16 ans, comme on l'imagine bien souvent, mais plutôt entre 23 et 25 ans.

« Possible de déradicaliser »


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On le voit, la radicalisation ouvre un champ d'études immense aux chercheurs. « Si on veut comprendre ce qu'il se passe, il faut approfondir. Et ne pas faire de la psychiatrie, mais de la psychopathologie », explique Jacques Dayan. Et de conclure sur une note d'optimisme : « Il est possible que certains engagements radicalisés puissent être déradicalisés s'ils sont travaillés dès l'adolescence ».

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