Danielle Darrieux, éternelle "Madame de"

VIDÉO. L'actrice qui vient de mourir avait eu 100 ans le 1er mai dernier. Nous avions rencontré cette grande dame du cinéma français à la carrière exemplaire.

Par Jean-Noël Mirande

Temps de lecture : 4 min

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Cet article est paru 30 avril 2017.

Elle a tourné en France, à Hollywood, joué à Broadway. Avec 103 films à son palmarès, Danielle Darrieux incarne une certaine idée de la France. Elle fête ce lundi ses 100 ans. Elle est née sous Raymond Poincaré, a vécu deux guerres mondiales, trois Républiques, et connaîtra dans quelques jours le nom de son seizième président. Danielle Darrieux a traversé un siècle, elle a tourné avec les plus grands réalisateurs, jusqu'à il y a encore 10 ans.

C'est à cause d'une chute lorsqu'elle répétait au théâtre qu'elle dut arrêter de travailler. Danielle garde le sourire en toutes circonstances. Le médecin, qui sort de chez elle après une visite de contrôle, lui assure que tout va bien. Avoir perdu la vue l'empêche pourtant de profiter de la nature, qu'elle aime tant. Son esprit reste toujours en éveil et son caractère, primesautier pour ne pas embarrasser les autres. Avec Jacques, son compagnon, plus jeune qu'elle, elle chantonne « Le temps du muguet » puisqu'elle est née un 1er mai.

Un jeu moderne

Il y a quelques jours, recevant la visite de son partenaire de Harold et Maud Adrien de Van, elle fredonnait « Les couleurs du temps », la célèbre chanson de Guy Béart qui accompagnait cette pièce qu'ils jouèrent tous les deux il y a plus de 20 ans. La perspective lointaine des années passées ne l'encourage pas à ruminer le passé. Danielle Darrieux a toujours vécu ici et maintenant, savourant les joies de son métier, et acceptant les peines de la vie, comme à la mort de son mari et à celle de son fils, qui n'avait pas 40 ans. Son secret de jouvence, c'est cette joie de vivre qu'elle sait communiquer. Fidèle et discrète, elle ne posa jamais à la star, elle en fut pourtant une. Cette femme simple à la ville sut incarner à l'écran une gravité légère. En un battement de paupières, elle retrouve, face caméra, le naturel du quotidien. Elle ne joue pas, elle est. Sa respiration et son jeu restent modernes. Madame de est éternelle dans son amour contrarié. La détermination de Marie Octobre ou le désespoir de Bébé Donge nous bouleversent encore aujourd'hui comme si ces films en noir et blanc avaient été tournés hier.

Après une bonne nuit de sommeil, Danielle prend un petit-déjeuner qu'elle fait durer le plus longtemps possible, pour le plaisir. Le menu est immuable : roquefort, miel et confiture. « Tous les matins, j'ai la joie de me dire : je suis encore vivante. » Lorsqu'on lui dit qu'elle va avoir 100 ans, elle rit.

Elle chantonne en permanence, et naturellement entonne « Premier rendez-vous », aussi légère que lorsqu'elle tourna cette romance il y a 77 ans. Une histoire qui fut celle d'une génération dans l'orage, celle qui eut 20 ans au début des années d'occupation. À 24 ans, si elle alla à Berlin pour la première de ce film, ce fut seulement pour tenter de sauver l'homme qu'elle aimait qui était prisonnier. Qui reste-t-il de cette époque ? Son partenaire Louis Jourdan n'est plus, Danielle est l'une des dernières survivantes de cet âge d'or du cinéma français. La disparition de Michèle Morgan en décembre dernier l'a peinée. « Ce n'est pas juste, elle était ma cadette. »

Célébrée à Paris et à Bordeaux

De ces trois glorieuses, comme les appelle le journaliste Henri-Jean Servat, il n'y a plus qu'elle et Micheline Presle. Quel dommage qu'aucun réalisateur n'ait songé à réunir une dernière fois ces actrices à l'écran. Son ami Jacques lui lit son courrier, Danielle est heureuse qu'on pense toujours à elle pour son anniversaire. Qui peut croire que celle qui fut la mère de Catherine Deneuve dans Les Demoiselles de Rochefort soit toujours en vie ? Catherine Deneuve qu'elle croisait encore il y a quelques années sur le marché d'une petite ville de l'Eure où elle vit en Normandie, dit d'elle : « Danielle, je l'aime et l'admire comme actrice et comme femme. On doit se ressembler, c'est sûr. Elle est comme moi, très nerveuse, très timide, et en même temps très directe. » Lors du tournage de 8 femmes de François Ozon en 2001, Danielle lui répondait : « Catherine est ma fille. Rendez-vous compte, elle l'a été quatre fois, ce n'est pas rien. »

Le cinéma parisien Grand Action célèbre ce siècle de vie en programmant une rétrospective et un colloque à l'université de Bordeaux, ville où est née celle qui fit ses premiers pas sur un plateau de cinéma à 13 ans et demi. Une carrière qui durera plus de huit décennies, et une vie qui fut, et continue d'être, exceptionnelle.

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Commentaires (16)

  • tanoue

    "si je devais choisir, ce serait la campagne, mais j'ai de la chance, j'ai les deux (la ville et la campagne)... Et aussi : " je suis une femme simple, je tricote !... " et encore à Simone Veil, chez Michel Drucker : " tous les français vous aiment, Madame". Grâce, naturel, quels atouts mais je pense aussi grande lucidité, ses regards, ses attitudes le disent, elle ne devait pas s'en laisser conter... Que de jolis moments elle nous a donnés.

  • Leshan

    C'était un actrice merveilleuse, je crois me souvenir que son dernier film a été "L'année Sainte" avec Jean Gabin et J. C. Brialy, mais je n'en suis pas tout à fait sur ! Rappelons cependant que Danièle Darrieux, n'a pas été très inquiétée par les comités dépurations à la libération, alors que beaucoup d'autres acteurs et actrices l'ont été, surtout Arletty qui a passé 3 mois en prison !.

  • Platon Hic

    @jfhhhh : exact, comme tant d’autres. Sacha Guitry cautionnant aussi Arletty pour les mêmes compromissions de dire à propos des allemands : « si on ne les a pas dehors, on les aura dedans ».