Tabac : lancé le 1er janvier, le paquet neutre fait pschitt

On fume plus au 1er trimestre 2017 qu'il y a un an. Le premier bilan de la mesure entrée en application il y a tout juste quatre mois est décevant.

L'effet des paquets neutres ne se fait pas (encore ?) ressentir. Au 1er trimestre 2017, les livraisons de cigarettes sont supérieures d'1,4% par rapport à 2016.
L'effet des paquets neutres ne se fait pas (encore ?) ressentir. Au 1er trimestre 2017, les livraisons de cigarettes sont supérieures d'1,4% par rapport à 2016. LP/ Guillaume Georges

    Cela devait être une arme décisive contre le tabagisme. Les paquets neutres, rendus obligatoires le 1er janvier, avec leurs images trash et leur couleur vert olive, sans logo de marque, devaient dégoûter les fumeurs et détourner les jeunes de la clope. Pour l'instant en tout cas, c'est raté. Selon les chiffres rendus publics par l'administration des douanes, les livraisons de cigarettes aux buralistes sont supérieures de 1,4 % au 1 er trimestre 2017 à celles des trois premiers mois de 2016.

    Rien qu'en mars, il s'est vendu le nombre stratosphérique de près de 4 milliards de cigarettes en France, en hausse de 4,5 % sur un an. Du côté du ministère de la Santé, en première ligne sur ce sujet, on est un peu gêné aux entournures face à ces mauvais chiffres. La Direction générale de la santé précise que «le paquet neutre vise à changer l'image du tabac, principalement en direction des plus jeunes. Son impact sur la consommation ne se verra qu'à moyen ou long terme. La plupart des consommateurs actuels sont dépendants du tabac et le changement de packaging n'est pas l'élément premier qui les poussera à arrêter de consommer, même s'il peut y contribuer».

    La seule nouvelle positive dans ce tableau est celle des chiffres de vente des traitements d'aide à l'arrêt (patchs, timbres, médicaments), qui sont en hausse de 29 % en février 2017 par rapport à février 2016, selon les données de l'Office français des drogues et des toxicomanies.

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    Selon les buralistes, «les clients s'en fichent complètement»

    Le pneumologue Bertrand Dautzenberg, ardent défenseur de cette réforme, admet que «le paquet neutre n'a pas fait bouger les ventes. Mais c'est parce que le prix n'a pas été augmenté. Il faudrait qu'il passe à 10 € pour que ça marche». Pas question pour lui d'admettre une inefficacité des images chocs. «Il faut surtout que les gens ne s'y habituent pas. D'ailleurs, une nouvelle vague d'images saisissantes va arriver courant mai».

    Le paquet neutre ne semble en fait faire que des déçus. Les buralistes, qui avaient crié au loup lors de son arrivée, en estimant que leur chiffre d'affaires allait en pâtir, ne se réjouissent pas plus aujourd'hui! « Pour nous, c'est un travail de folie. Nos détaillants se perdent dans les références, très difficiles à distinguer dans leurs rayons. Tout ça pour ça, alors que les clients s'en fichent complètement. Au début, ils achetaient parfois des caches, maintenant, c'est complètement banalisé», tempête Pascal Montredon, président de la confédération des débitants de tabac.

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    Quant aux cigarettiers eux-mêmes, qui avaient porté l'affaire devant les tribunaux au motif qu'ils ne pouvaient plus apposer leurs logos, ils reconnaissent maintenant que... presque rien n'a changé. Eric Sensi, directeur des affaires institutionnelles de British American Tobacco France (Pall Mall, Reynolds...) nous explique que «le paquet neutre n'a pratiquement pas eu d'effets sur les ventes... et n'en aura pas». Mais pourquoi l'avoir combattu alors, s'il ne leur porte pas ombrage? «On reste contre, car c'est vrai que c'est plus compliqué pour nous maintenant de nous différencier de nos concurrents», ajoute-t-il. Il faudra donc trouver autre chose pour faire reculer le tabagisme en France, qui reste à un niveau très élevé, avec 28 % de fumeurs à griller au moins une cigarette chaque jour, selon le dernier baromètre santé de l'Inpes, qui date de 2014. Comme en 2005!