CHRONIQUE. La France file un mauvais coton. Très mauvais même. Le 23 avril, la candidate du Front national a franchi la barre des 20 % de suffrages. A quelques jours du 7 mai, Marine Le Pen est désormais créditée du double ou davantage.
Il y a quinze ans, la qualification de son père au second tour de la présidentielle avait provoqué un immense haut-le-cœur national et déclenché la mobilisation générale contre le candidat d’extrême droite. Rien de tel aujourd’hui. Aussi sidérant que ce soit, l’installation en force du Front national (FN) au cœur du système politique, voire la victoire de sa candidate, apparaissent à beaucoup comme une banalité, presque une fatalité.
Certes, de nombreuses voix se sont élevées pour appeler clairement à faire barrage à Mme Le Pen et, pour cela, à utiliser sans hésiter le seul moyen qui vaille : le vote en faveur de son adversaire, Emmanuel Macron. Cela a été le cas à droite, de François Fillon, au soir de sa défaite, à Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy. Il en a été de même à gauche, de Benoît Hamon, au soir de sa déroute, à François Hollande. Et au centre, avec l’engagement vigoureux de Jean-Louis Borloo.
Sans oublier, dans le champ de la société civile, le choix sans ambiguïté de la CFDT ou l’appel solennel d’une soixantaine d’associations (d’Emmaüs France à SOS-Racisme, de la Fondation Abbé Pierre à la Ligue de l’enseignement, de la Cimade à Greenpeace…) à ne pas rester « spectateurs » et à se mobiliser contre « ceux qui prônent le rejet de l’autre et le repli sur soi ».
Petits calculs et jésuitisme
Mais, à côté de cela, que d’embarras et d’ambiguïtés, que de fausses habiletés et de petits calculs ! C’est le bureau politique des Républicains qui, au terme de laborieuses discussions, récuse, certes, l’abstention et appelle à « voter contre Marine Le Pen pour la faire battre », mais recule devant un appel explicite à voter Macron. Symétriquement, après un silence pesant durant cinq jours, c’est Jean-Luc Mélenchon qui écarte, lui aussi, l’abstention, appelle à combattre l’extrême droite, mais se refuse à donner à ses électeurs une consigne de vote en faveur du candidat d’En marche !
Ce sont les évêques de France qui publient un communiqué d’un tel jésuitisme que chacun peut y trouver la justification d’un choix en faveur de l’un ou l’autre candidat. C’est une CGT tiraillée, qui dénonce le Front national mais ne peut empêcher certaines de ses sections, lors du défilé parisien du 1er-Mai, de scander « Ni Le Pen ni Macron ».
De façon explicite ou implicite, avouée ou inavouée, beaucoup semblent désormais considérer que Le Pen ou Macron c’est « bonnet blanc et blanc bonnet », pour reprendre la célèbre formule de Jacques Duclos en 1969. Sauf que, à l’époque, le candidat communiste à l’élection présidentielle renvoyait ainsi dos à dos deux candidats de droite, le gaulliste Georges Pompidou et le démocrate-chrétien Alain Poher.
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