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Dans les quartiers Nord de Marseille, le meurtre comme solution Ă  tous les conflits

Le procès d’un jeune homme, cette semaine aux assises des Bouches-du-Rhône, illustre comment, chez les trafiquants, les règlements de comptes armés sont devenus banals.

Par  (Marseille, correspondant)

Publié le 01 mai 2017 à 19h31, modifié le 02 mai 2017 à 09h07

Temps de Lecture 4 min.

A 24 ans, Mohamed Belhacene est soupçonnĂ© de trois meurtres. C’est pour celui de son meilleur ami, son « frère Â» avec lequel il a « tout partagĂ© Â», qu’il est jugĂ©, Ă  compter de mardi 2 mai, par la cour d’assises des Bouches-du-RhĂ´ne. Il est par ailleurs mis en examen pour l’assassinat d’un jeune homme de 20 ans dans les quartiers Nord de Marseille et il vient de l’être, mi-mars, pour avoir poignardĂ© un codĂ©tenu, en aoĂ»t 2016, dans une cour de promenade de la prison d’Aix-en-Provence. Des affaires qui illustrent Ă  quel point, pour certains dĂ©linquants des citĂ©s marseillaises, le meurtre est devenu le mode de règlement ordinaire de tous les conflits, si mineurs soient-ils.

Avec Mohamed Belhacene, « Momo Â», le gamin grandi en foyers et famille d’accueil, on est loin des caĂŻds d’une des quatre ou cinq bandes rivales marseillaises qui, depuis 2008, se livrent des guerres de territoires pour la suprĂ©matie du marchĂ© des drogues. En 2016, 40 % des règlements de comptes perpĂ©trĂ©s en France l’ont Ă©tĂ© Ă  Marseille, faisant trente morts et une vingtaine de blessĂ©s. « Une spĂ©cificitĂ© marseillaise Â», estime la police judiciaire.

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« On m’accuse de meurtre, mais je ne suis pas le Bon Dieu pour enlever des vies. Â» Mohamed Belhacene se dĂ©fend d’avoir tuĂ© son ami Yann Fuentes, retrouvĂ© mort au matin du 1er mai 2014, au volant de la Twingo de sa mère, exĂ©cutĂ© de deux balles en pleine tĂŞte, sur un parking de Septèmes-les-Vallons, commune limitrophe de Marseille. Walid H., un dealer marseillais, a racontĂ© comment Mohamed Belhacene lui aurait avouĂ©, en aoĂ»t 2014, ĂŞtre l’auteur de ces faits.

Une histoire de « carottage Â»

A cette Ă©poque « Momo Â» se cachait, ayant Ă©tĂ© blessĂ© par plusieurs tirs, trois semaines seulement après la mort de Yann Fuentes. TerrĂ© chez Walid H., ce dernier les dĂ©crit en train de regarder une scène de la sĂ©rie Mafiosa dans laquelle un personnage exĂ©cute son meilleur ami. Selon Walid H., le jeune homme se serait confessĂ©, lui racontant comment, après avoir enfilĂ© un gant, il aurait froidement tirĂ© une balle dans la tĂŞte de Yann Fuentes. « Comme il n’était pas mort sur le coup et qu’il agonisait, il lui a mis une deuxième balle dans la tĂŞte Â», prĂ©cise Walid H.

Magistrats et enquĂŞteurs Ă©voquent un mobile Ă  ce meurtre « fratricide Â» : une ancienne histoire de « carottage Â» – vol d’argent ou de drogue au sein d’une Ă©quipe de trafiquants. Selon le rĂ©cit de Walid H. – dont les jurĂ©s auront Ă  mesurer la crĂ©dibilitĂ© –, Mohamed Belhacene aurait assouvi une vengeance. En 2009, alors qu’il Ă©tait censĂ© surveiller la drogue du rĂ©seau de la Gavotte-Peyret, une citĂ© de Septèmes-les-Vallons, dix kilos de rĂ©sine de cannabis auraient disparu de la cave oĂą elle Ă©tait entreposĂ©e. Yann Fuentes et son oncle auraient faussement dĂ©noncĂ© « Momo Â» auprès des patrons du rĂ©seau, provoquant son enlèvement et sa sĂ©questration. Un des patrons du trafic a confirmĂ© cette vieille « embrouille Â» : « On a tous pensĂ© que Mohamed Ă©tait l’auteur du vol. On l’a attrapĂ© et on l’a mis Ă  l’amende. Â»

Yann Fuentes tuĂ© par vengeance ? Dans les rĂ©seaux de drogue, la mort pourrait se donner pour encore moins que cela. Selon l’accusation, le premier meurtre dont est soupçonnĂ© Mohamed Belhacene, commis le 13 janvier 2014 devant un snack du quartier de la Cabucelle, l’aurait Ă©tĂ© pour un mobile d’une grande futilitĂ©. Kader Yilmaz pourrait bien avoir Ă©tĂ© tuĂ© Ă  20 ans pour 75 euros de cannabis barbotĂ© dans une boĂ®te aux lettres, la drogue appartenant Ă  Walid H. Selon le dossier d’instruction, Yann Fuentes et Mohamed Belhacene se seraient chargĂ©s d’aller « lui faire peur Â».

« Banalisation Â»

La possession d’un arsenal par le plus petit rĂ©seau de stupĂ©fiants se traduit par un usage courant des kalachnikovs et autres armes de poing pour rĂ©gler toutes sortes de conflits. « Dans ce monde des stupĂ©fiants, observe un avocat pĂ©naliste, au minimum, on tire dans les jambes au moindre dĂ©rapage. L’assassinat est devenu une sanction exemplaire, destinĂ©e Ă  marquer les esprits. Dans les Ă©quipes de voleurs, il existe encore des modes alternatifs pour rĂ©gler les diffĂ©rends. Â»

L’examen des mobiles probables de rĂ©cents règlements de comptes semble attester d’une « forme de banalisation Â» pointĂ©e par les magistrats chargĂ©s de la lutte contre le narco-banditisme. Au dĂ©but de l’annĂ©e, un jeune revendeur de 21 ans serait mort au seul motif qu’il a refusĂ© de cĂ©der sa sacoche de « charbonneur Â», contenant la drogue et la recette, Ă  un homme venu la lui arracher.

Ce mode très violent de règlement des confits s’élargit Ă  des diffĂ©rends personnels : un mauvais regard, une bagarre dans lequel un protagoniste a eu le dessous, voire des jalousies amoureuses. Le 3 mars, un jeune homme de 21 ans est abattu dans une rue du 3e arrondissement de Marseille, dans le plus pur style du règlement de comptes, avec un acharnement qui a Ă©tonnĂ© les enquĂŞteurs. Alors qu’il tente de fuir sous les tirs, la victime est rattrapĂ©e par son agresseur qui l’achève d’une balle dans la tĂŞte. Des policiers interpellent quelques instants plus tard l’homme qui vient d’incendier le vĂ©hicule ayant servi lors de l’assassinat, un dĂ©linquant dans les radars de la police judiciaire. Les deux hommes Ă©taient amis, ils ont eu successivement la mĂŞme petite amie. L’auteur prĂ©sumĂ© du meurtre se serait vengĂ© : la victime lui avait administrĂ© une raclĂ©e après avoir appris qu’il avait frappĂ© la jeune femme. Commentaire d’un enquĂŞteur : « On a peut-ĂŞtre lĂ  notre premier règlement de comptes passionnel. Â»

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