INTERSEXE - Gaëtan, 65 ans, est né "sans pénis ni vagin". Il ne se sent ni homme ni femme et ne veut être ni l'un ni l'autre, pourtant depuis sa naissance, il a été affilié au genre masculin.
Gaëtan est une personne intersexe et en août 2015, il obtenait du tribunal de grande instance de Tours l'autorisation d'indiquer la mention "sexe neutre" sur son état civil. Mais en mars 2016, la cour d'appel d'Orléans, craignant que "sous couvert d'une simple rectification d'état civil" soit reconnue "l'existence d'une autre catégorie sexuelle", a rejeté cette décision.
L'avocat général, Philippe Ingall-Montagner, a demandé le rejet du pourvoi et ce jeudi 4 mai, c'est la Cour de cassation qui rend son arrêt. Cette décision pourrait faire jurisprudence.
Naître intersexe
Environ un bébé sur 2000 naît intersexe. Mais qu'est-ce que l'intersexualité? "La meilleure manière de l'expliquer est quelqu'un qui est né avec une anatomie sexuelle atypique", explique au HuffPost américain Elizabeth Reis, professeure en études de genre. "Leurs appareils génitaux peuvent avoir l'air différent, ou pas -parfois ils ressemblent à ceux de n'importe quel garçon ou fille. Ils peuvent ne pas découvrir qu'ils sont intersexes avant la puberté parce que c'est leur anatomie reproductive interne qui est atypique."
Gaëtan, lui, est né sans gonades, testicules ni ovaires. En janvier, la mannequin Hanne Gaby Odiele, qui a posé pour Chanel, Dior ou encore Alexander Wang, révélait être intersexe. Son cas est différent: elle était né "garçon" (avec un chromosome X et un Y) mais son corps était résistant aux androgènes, des hormones mâles. C'est pourquoi elle ressemblait plus à une "fille".
Comme l'explique Elizabeth Reis, il existe de nombreuses formes d'intersexualité, chaque personne intersexe pouvant avoir des caractéristiques différentes.
Souvent confondues avec les "hermaphrodites", les personnes intersexes n'ont pas deux sexes en état de fonctionnement. Elles peuvent également être confondues avec les personnes trans, qui ne se sentent pas en accord avec leur genre de naissance. "Les trans sont en demande d'opération ou de changement de perception sociale de leur genre", explique à L'Obs Vincent Guillot, fondateur de l'Organisation internationale des intersexes (OII). "Nous, on veut juste qu'on laisse nos corps tranquilles: on ne touche à rien tant que la personne n'est pas en capacité de s'autodéterminer", poursuit-il.
Des enfants souvent "mutilés"
En effet, bien souvent, les médecins décident d'orienter le nourrisson vers un genre ou l'autre. Et cette orientation passe par une opération chirurgicale que, bien sûr, l'enfant ne décide pas.
C'est le cas de Hanne Gaby Odiele. A 10 ans, elle a en effet subi plusieurs opérations pour retirer ses testicules. Les médecins auraient dit à ses parents qu'elle pourrait "développer un cancer et que je ne deviendrais pas une fille normale. Plus tard, après l'opération, j'ai su que je ne pourrais pas avoir d'enfants car je n'avais pas mes règles. J'ai su que quelque chose n'allait pas", confiait-elle récemment.
Vincent Guillot, lui, dénonce même des "mutilations". A 52, faute d'avoir pu lire l'intégralité de son dossier médical, il ne sait pas exactement quel type d'opération il a subi enfant. Mais ce dont il est sûr, c'est que ces chirurgies l'ont fait souffrir psychologiquement parlant pendant des années. Il a dû prendre des antidépresseurs. "On n'attente pas à un corps en bonne santé, sans urgence vitale. Sinon, on autorise aussi l'excision", regrette-t-il auprès de l'AFP.
Prise de conscience
La France a été condamnée à trois reprises en 2016 par l'ONU pour ces opérations faites sur des enfants afin de leur attribuer un sexe masculin ou féminin.
Début mars 2017, des sénateurs rendaient public un rapport demandant à ce que soient reconnues et indemnisées les souffrances des personnes intersexes. "Pour certains, les traitements chirurgicaux et/ou hormonaux ont été vécus comme des tortures", soulignait la sénatrice écologiste Corinne Bouchoux, corapporteuse de ce rapport intitulé "Variations du développement sexuel: lever un tabou, lutter contre la stigmatisation et les exclusions".
Quelques jours plus tard, lors d'une cérémonie à l'Elysée, François Hollande estimait que "l'interdiction des opérations chirurgicales subies par des enfants intersexes, de plus en plus largement considérées comme des mutilations", était un "combat à mener".
La décision de la Cour de cassation permettra-t-elle une avancée rapide sur le sujet? Elle ne changera peut-être pas la réalité des chirurgies sur les enfants intersexes, mais elle permettrait en tout cas à ces personnes d'avoir des papiers qui leur ressemblent. Comme l'affirme l'avocat de Gaëtan, "la nature n'est pas binaire. Je ne vois pas pourquoi, là où la nature n'est pas binaire, le droit le serait".
À voir également sur Le HuffPost: