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Analyse

Et pendant ce temps-là, l'économie mondiale repart...

Après cinq ans de ralentissement, l'économie mondiale accélère enfin. Cette reprise est le fruit d'équilibres fragiles. Les problèmes de fond, eux, n'ont toujours pas été réglés. C'est au politique d'agir.

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Par Jean-Marc Vittori

Publié le 4 mai 2017 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Le risque politique devient une obsession. Elections en France, en Allemagne, en Italie, après les succès du Brexit et de Trump. Dissensions internes en Turquie, au Venezuela, en Afrique du Sud. Menaces d'affrontement du côté de la Corée du Nord, inquiétudes sur les intentions de la Russie, guerre civile en Syrie... La montée des tensions n'est pas que dans les têtes. Depuis le creux du début des années 2000, le nombre de victimes de conflits a plus que doublé pour dépasser les 150.000 par an.

Mais, si ce fameux risque politique est trituré à longueur de journée par les investisseurs sur les marchés financiers, il n'empêche pas l'économie mondiale de s'ébrouer enfin. Après le rebond consécutif à la dégringolade de 2009 provoquée par la crise financière la plus violente depuis les années 1930, l'activité mondiale n'avait cessé de ralentir. Sa croissance est passée de 5,4 % en 2010 à 3,1 % en 2016 (chiffres FMI). Les causes de cette mollesse semblent à peu près identifiées : crise de la zone euro, freinage de la Chine, fuite des capitaux des pays émergents à la suite de l'annonce du resserrement de la politique monétaire américaine et, enfin, baisse des prix des matières premières.

Depuis l'été dernier, cette mauvaise passe semble s'éloigner. Toute une batterie d'indicateurs est repassée au vert, en particulier dans les pays avancés. Jusque-là pièce manquante d'une vraie reprise, l'investissement s'est raffermi, engendrant une série d'effets favorables : remontée de la production industrielle, appréciation des matières premières, revitalisation des échanges mondiaux. Le mouvement est tiré par la Chine, propulsée par un nouvel effort de relance au risque de renforcer les déséquilibres, et par l'Amérique, où les entreprises ont désormais à la fois les moyens et la demande pour lancer de nouveaux programmes d'équipement. Redevenus grande puissance pétrolière, les Etats-Unis avaient aussi souffert de la dépréciation de l'or noir, de l'automne 2014 jusqu'à début 2016. De grands pays émergents très dépendants des matières premières, comme le Brésil et la Russie, ont retrouvé de l'air avec le retournement à la hausse des cours. Enfin, la zone euro reste sur une pente de croissance comprise entre 1,5 % et 2 % après ses années noires 2011-2014. Ce n'est pas la gloire, mais le chômage devrait passer cette année sous les 10 % des actifs pour la première fois depuis près d'une décennie. Dernière touche au tableau, ô combien précieuse : avec un petit vent d'inflation, les banques centrales peuvent enfin regarder vers le haut. Depuis décembre dernier, la Réserve fédérale américaine est engagée sur la voie des hausses de taux d'intérêt. A la Banque centrale européenne, Mario Draghi parle d'une reprise qui se « solidifie », laissant augurer le déclin progressif des achats massifs d'obligations par la BCE. Les autorités monétaires marchent sur des oeufs. Mais les investisseurs peuvent désormais tabler sur la fin des taux d'intérêt négatifs, très compliqués à gérer pour les banquiers et les assureurs.

La reprise ne fera pas disparaître les frustrations

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La croissance mondiale pourrait donc accélérer à 3,5 % cette année, estiment les experts du FMI, qui ont revu leurs prévisions à la hausse pour les pays avancés - pas pour les émergents. C'est évidemment une bonne nouvelle. C'est aussi une nouvelle fragile, car les équilibres sont précaires. Le renchérissement des matières premières soulage les producteurs, mais son accélération mordrait sur le pouvoir d'achat des consommateurs, qui a déjà été freiné par la hausse des cours ces derniers mois. La perspective de taux d'intérêt se rapprochant de la norme historique rassure, mais tout emballement risquerait de mettre en péril des Etats surendettés, le redémarrage de l'immobilier, les grandes entreprises des pays émergents, qui ont massivement emprunté ces dernières années. L'Europe respire, mais ses institutions restent bancales et ses banques truffées de créances douteuses. Le président américain, Donald Trump, a réveillé les « esprits animaux » de la Bourse et cela incite à dépenser des consommateurs rassérénés par l'appréciation de leur épargne, mais la prise de conscience que Trump ne changera finalement pas grand-chose pourrait les assoupir.

Derrière ces équilibres fragiles, il y a aussi deux grandes blessures de la crise loin d'être cicatrisées. Le sous-investissement des années passées pèse sur l'efficacité de la production. Des montagnes de dettes publiques ou privées accumulées pour lutter contre la crise menacent de s'écrouler un peu partout - en Chine comme en Europe, en Amérique au nord comme au sud. Et en amont de ces deux blessures, il y a deux tendances majeures d'avant-crise qui entraveront l'épanouissement de toute reprise. La première est le ralentissement de la productivité. La seconde est la répartition de plus en plus inégale des revenus, qui a poussé les classes moyennes à s'endetter et qui pèse sur la demande (le sujet a été jugé assez sérieux par le FMI pour faire l'objet d'un chapitre dans son dernier rapport).

Et c'est là que revient le risque politique. Il paraît raisonnable d'espérer un raffermissement de l'économie mondiale dans les mois, les trimestres à venir. Mais il serait illusoire d'espérer que cette reprise fera disparaître les frustrations engendrées par les mutations des deux dernières décennies. Pour la première fois depuis la Grande Dépression des années 1930, la pérennité d'une reprise économique dépend de décisions politiques. Autant dire que rien n'est gagné.

Les points à retenir

Jusque-là pièce manquante d'une vraie reprise, l'investissement s'est raffermi, engendrant une série d'effets favorables : remontée de la production industrielle, appréciation des matières premières, revitalisation des échanges mondiaux.

La croissance mondiale pourrait donc accélérer à 3,5 % cette année, estiment les experts du FMI.

Mais le sous-investissement passé et l'accumulation des dettes rendent la reprise fragile.

Editorialiste aux « Echos » Jean-Marc Vittori

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