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Présidentielle 2017

Débat Macron- Marine Le Pen : un fiasco télévisuel, un triomphe pour Jean-Marie Le Pen

On attendait face à Emmanuel Macron, une Marine Le Pen en majesté présidentielle, et on a vu le fantôme de Jean-Marie Le Pen. Pour le Front national, les conséquences politiques de ce fiasco télévisuel seront lourdes.

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Le tribunal de Nanterre a rendu jeudi 17 novembre son jugement dans le procès qui opposait Jean-Marie Le Pen à la direction du FN. Le fondateur du parti réclamait sa réintégration et surtout son rétablissement dans ses fonctions de président d’honneur et dans ses prérogatives. S’il a perdu sur le premier point, il a en revanche gagné sur le second.

Marine Le Pen a été la digne héritière de son père mercredi soir.

AFP

S’étonner des étonnements. Tiens donc? Marine Le Pen se conduit comme une Le Pen, parle comme une Le Pen, pense comme une Le Pen, éructe comme une Le Pen… Tiens donc? Marine Le Pen se conduit extrême droite, parle extrême droite, pense extrême droite, éructe extrême droite… La belle affaire comme dirait l’autre.

Un habitus est un habitus, et l’on ne s’en défait pas selon son bon plaisir pour les besoins d’un débat présidentiel. Le surmoi présidentiel de Marine a été plus fort que le « Moi présidente » qu’elle aurait dû se contraindre à incarner. Impossible de le dépasser ce surmoi lepéniste. C’est au fond l’irrésoluble équation de Marine Le Pen, se venger d’un père qui ne fut pas assez père tout en se montrant digne de lui et de son héritage.

Ce débat de l’entre deux tours de la présidentielle, que personne ne se hasardera à revoir au même titre que les débats Giscard-Mitterrand ou Mitterrand-Chirac, a consacré l’impossibilité Le Pen. Marine à la rose bleue demeure au fond d’elle-même une Le Pen, en mal de reconnaissance paternelle Le Pen. Et si elle s’est sabordée consciencieusement, en appliquant au débat une stratégie de communication politique aussi atterrante qu’aberrante, c’est qu’elle ne s’adressait pas aux Français, mais à son père. Elle était là où lui n’avait pu accéder en 2002, Jacques Chirac s’étant épargné l’épreuve que Macron a eu le courage de s’infliger, sur un plateau de télévision, en majesté, pour y tenir le rôle que les Le Pen se sont assignés depuis un demi-siècle: Belzebuth à la télévision…

Une présidentialité atteinte pour longtemps

Evaluons les dégâts. La présidentialité de Marine Le Pen, hors le cercle de ses électeurs acquis, est atteinte pour longtemps. Comme son père, elle n’a en vérité pour seule ambition que de jouer la méchante à la télévision. Affoler. Inquiéter. Apeurer. Et puis rentrer à la maison, le soir, pour y jouir tranquille des avantages de la rente de situation que confère la position. Un siège de député au Parlement conquis grâce à la proportionnelle. En attendant la prochaine campagne pour sortir à nouveau de la boite et reprendre le rôle de la méchante lofteuse de la politique française qui adore faire peur à la télé… Comme papa avant. Mieux que papa puisqu’elle, au moins, a réussi à décrocher la timbale suprême, le débat de l’entre deux tours. 17 millions de téléspectateurs à effrayer. Quel succès!

On songe à Raymond Aron qui disait qu’hormis la triste période 1940-44, l’extrême droite française, dès lors qu’elle est aux portes du pouvoir, s’ingénie à tout mettre en œuvre pour se saborder. Vu d’extrême droite, l’échec est le stade suprême de la réussite.

C’est une constante dans cette famille politique, on aime échouer. Et plus l’échec est grandiose, plus grande sera la légende qui s’écrira au sein de cette famille politique que bien des médias audiovisuels auront eu la maladresse de banaliser, par manque de culture politique et historique, tout au long de cette campagne présidentielle. Jusqu’au réveil du débat. Tiens donc? Marine Le Pen est une Le Pen. Tiens donc? Marine Le Pen est d’extrême droite.

5 années de falsification politique effacées

Reconnaissons cependant à Marine Le Pen le mérite qui lui revient. En une soirée, elle a effacé cinq ans de falsification politique. Le post-gaullisme. La respectabilité politique. La dédiabolisation. La recherche d’une ouverture, symbolisée par le pacte faustien conclu avec Dupont-Aignan… Tout cela a volé en éclat en deux heures de télévision… Pour le simple plaisir de se faire plaisir en injuriant Emmanuel Macron le temps d’une émission, sous les yeux de deux journalistes qui n’ont jamais apparu aussi dépassés qu’en cette soirée hallucinante…

Marine Le Pen a réparé le plafond de verre que l’on pensait fissuré par cette élection présidentielle annonciatrice de la grande recomposition… Cinq années de reconstruction de l’image du Front national sont passées en pure perte. Désastre politique total.

Il est un autre grand vaincu dans cette affaire. Il s’agit de Florian Philippot. Sa politique de préemption de l’héritage gaulliste est morte. Et enterrée. Le lepénisme télévisuel n’est pas soluble dans le gaullisme. Et le soutien des gaullistes antiques égarés, tels Marie-France Garaud ou Henri Guaino, apparaît aujourd’hui pour ce qu’il est: une falsification dont ils ont été les dupes. Ceux-là sont plus à plaindre qu’à condamner.

Désormais, le Front national a un problème, et ce problème se nomme Marine Le Pen. Comment se présenter avec sérieux devant des électeurs, y compris aux élections législatives, après une telle soirée? Comment présenter des candidats qui seront abimés par la défaite large qui se profile? Comment se poser en leader naturel de l’opposition après s’être à ce point discréditée?

Dès lors, l’alternative est simple.

S’il s’agit de continuer à faire du Le Pen à l’ancienne, la fille ayant succédé au père, de persister à vivre en parasite d’un système qu’il dénonce tout en bénéficiant, alors que Marine Le Pen demeure à la tête du Front. Pourquoi changer une équipe qui gagne puisque l’objectif est de perdre?

Mais s’il s’agit de transformer le FN en parti populaire de droite crédible, alors il faudra bien que Marine Le Pen disparaisse politiquement, car elle est l’obstacle à toute ambition frontiste visant à se poser en force de gouvernement.

Et la question, inévitable: qui pour effacer politiquement Marine Le Pen? Florian Philippot et sa camarilla, le tout en tenant de continuer à imposer une greffe gaullienne qui décidément ne prend pas? Ou Marion Maréchal-Le Pen et les traditionalistes, prêts à tendre la main à la droite classique, sur fond de populisme chrétien et d’abandon d’un programme économique devenu le boulet du FN?

En attendant, en l’état, une leçon s’impose. Pour le FN, le plafond de verre se nomme Marine Le Pen, et tant qu’il demeurera, rien ne sera possible. En vérité, côté FN, le seul et vrai vainqueur du débat, à l'exclusion de tout autre, c'est Jean-Marie Le Pen. Philippot et les opportunistes venus au FN vont devoir méditer: les Le Pen ne sont pas un moyen, ils sont une fin.

 

 

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