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Tribune

Pourquoi le FN peut mourir dimanche soir

LE CERCLE/HUMEUR - Une lourde défaite de Marine Le Pen à la présidentielle pourrait déclencher une guerre des lignes politiques au sein du FN. Cela signerait l'arrêt de mort du parti tel qu'il existe depuis 1972.

Pourquoi le FN peut mourir dimanche soir

Par Vassili Joannidès de Lautour (Directeur Académique, DBA France, à Grenoble École de Management)

Publié le 5 mai 2017 à 16:09Mis à jour le 8 mai 2017 à 05:58

Depuis le tremblement de terre du 21 avril 2002, avec la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, le Front national voit s’envoler ses scores. Seulement, le parti lepéniste n'est jamais parvenu les convertir en succès électoraux : il ne dirige aucune grande ville, aucun département, aucune région. 

Selon les derniers sondages d'opinion, Emmanuel Macron (En marche) est donné vainqueur face à Marine Le Pen (FN) pour le duel de dimanche. Si les Français donnent raison aux instituts de sondage, cette nouvelle défaite pourrait sonner la fin du Front national hérité de Jean-Marie Le Pen.

Une ligne Marion Maréchal

En effet, depuis l’avènement de Florian Philippot à la vice-présidence du Rassemblement Bleu Marine d’abord et du Front national ensuite, deux lignes s’opposent au sein du parti. Deux lignes difficilement conciliables à très moyen terme.

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D’un côté, la ligne conservatrice incarnée par Marion Maréchal-Le Pen apporte bien plus que le seul socle idéologique historique du parti. Cette ligne droitière s’appuie sur une base militante aguerrie aux campagnes électorales et à la joute idéologique.

Lire aussi :Dominique Reynié : "Marine Le Pen a l'opportunité incroyable d'annexer une partie de la droite"

Les soutiens historiques de Jean-Marie Le Pen forment une base militante de convaincus de longue date depuis que l’extrême droite a été unifiée en 1972 avec la création du FN. Ce sont eux qui collent les affiches, procèdent au tractage sur les marchés et médiatisent de manière très sulfureuse les actions d’éclat du parti.

Les nouveaux électeurs de Marine Le Pen, à de rares exceptions près, ne sont pas des convaincus historiques et n’ont pas cette culture militante héritée de la mouvance d’extrême droite.

Une ligne Philippot

De l’autre côté, la ligne plus sociale incarnée par Florian Philippot, si elle parvient intellectuellement et émotionnellement à séduire un nombre croissant d’électeurs, ne parviendra pas à convertir un bulletin glissé une fois dans une urne en porte-voix pour le Front national. Ce ne sont pas ces nouveaux électeurs qui battent le pavé et font campagne.

Le 1er mai 2017 semble marquer une fracture entre ces deux lignes : deux défilés étaient organisés en deux points de Paris, chacun avec ses soutiens. Les militants historiques étaient avec Jean-Marie Le Pen devant la statut de Jeanne d'Arc (place des Pyramides, à Paris), tandis que les nouveaux électeurs  soutenaient Marine Le Pen dans un meeting à Villepinte.

Cette fracture idéologique semble avoir été amplifiée par le débat télévisé du mercredi 3 mai 2017au cours duquel la ligne sociale de la fille était plus importante que la ligne historique dure du père.

La barre des 40 %

À l’issue du second tour de l’élection présidentielle, selon le score réalisé par Marine Le Pen se posera la question de l’avenir du mouvement et d’un choix durable de ligne politique. Si elle obtient un score supérieur à 40 %, elle pourra arguer de l’opportunité de la ligne adoptée.

Au quel cas, elle risquera fort de voir durablement sinon définitivement s’éloigner d’elle ceux qui jadis soutenaient son père et faisaient ses campagnes électorales. L’extrême droite risquerait alors de retomber dans les affres historiques de la division.

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Là où Jean-Marie Le Pen avait réussi à en unifier toutes les mouvances, Marine Le Pen risque fort de la diviser à nouveau. Ce sont alors les 10 à 15% des électeurs historiques de Jean-Marie Le Pen qui risquent de l’abandonner. Elle retomberait alors à des niveaux équivalents à ceux de Jean-Luc Mélenchon et risquerait d’y rester durablement.

Si Marine Le Pen réalise un score inférieur à 40 %, même s’il reste nettement plus élevé que celui du premier tour, il marquera l’échec de la nouvelle ligne politique du Front national, donnant idéologiquement raison à Jean-Marie Le Pen. On peut alors imaginer des règlements de comptes sanglant au sein du parti, dignes de l’épisode de l’exclusion du fondateur en 2015.

Le Front national risquera alors de connaître les mêmes divisions que les grands partis éliminés à l’issue du premier tour. Le spectacle des invectives par médias interposés, des petites phrases assassines à l’adresse des soutiens de telle ou telle mouvance du parti pourrait être donné à nouveau mais de manière plus violente que depuis la prise en main du parti par Marine Le Pen en 2011.

Une bombe à retardement nommée NDA

Jean-Marie Le Pen, puis sa fille Marine, a systématiquement dénoncé la politique politicienne des autres partis, suggérant ainsi que le Front national y échappait. Pour autant, briguant des mandats locaux et nationaux, le parti ne peut s’affranchir de calculs électoraux, sinon électoralistes.

Le ralliement en grande pompe de Nicolas Dupont-Aignan - NDA - s’avère problématique pour le Front national à plusieurs égards. Tout d’abord, dans son orchestration et sa mise en scène, il relève d’une discussion d’appareils. Tout comme les négociées menées par Benoît Hamon avec Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, le Front national se trouve à faire ladite politique politicienne tant décriée.

Lire aussi : Après avoir fait battre Fillon, Dupont-Aignan peut-il faire gagner Marine Le Pen ?

Le deuxième problème que cela pose est la nécessité immédiate, imposée par le rallié à la candidature de Marine Le Pen, d’adoucir ou d’amender le programme. C’est ce qui a d’ailleurs d’ores et déjà été reproché à Marine Le Pen à propos de la sortie de l’euro, qui d’un prérequis à sa politique est devenu une option de moyen terme. Si Marine Le Pen engrangeait d’autres ralliements venant de la droite, le programme devra être encore adouci ça et là.

Outre les problèmes de crédibilité à l’égard du public que cela peut poser, au sein même du parti ces adoucissements de fondamentaux du programme sont propres à générer de la frustration et de la rancœur vis-à-vis d’un parti qui ne fait pas mieux que les autres et se renie tout autant.

Passage de témoin ?

Compte tenu de la coexistence au sein du Front national de deux lignes politiques si peu compatibles et de la banalisation du parti, le 8 mai risque fort d’être la fin du mouvement tel qu’on le connaît depuis 1971.

En revanche, le Front national pourra survivre et se montrer particulièrement menaçant si Marine Le Pen décide de quitter la vie politique et cède la place à Marion Maréchal-Le Pen, plus proche de la ligne historique du Front national et capable de mobiliser à la fois les militants de Jean-Marie Le Pen et de séduire les électeurs.

Si Marine Le Pen, galvanisée par son résultat historique au second tour de la présidentielle, décide de continuer, l’extrême droite risquera alors de se diviser à nouveau. Elle aura alors tué le père une deuxième fois.

Vassili Joannides de Lautour est Professeur à Grenoble École de Management, Queensland University of Technology et à l’université de Parme

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