Présidentielle: «L'élection française passionne le monde entier»

TOUR DU MONDE Les résultats du second tour Macron-Le Pen de la présidentielle française sont attendus dans le monde entier, la preuve en six témoignages de journalistes étrangers…

Laure Cometti
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Le second tour de la présidentielle française à la
Le second tour de la présidentielle française à la — Montage 20 Minutes

S’il fallait une preuve de plus que notre élection présidentielle passionne le monde entier, elle est tombée ce jeudi à 14h37 très précisément. Il s’agit d’une vidéo dans laquelle l’ancien président des Etats-Unis Barack Obama déclare son soutien à Emmanuel Macron qui affronte Marine le Pen au second tour dimanche. Après le référendum sur le Brexit en juin 2016, l’élection présidentielle américaine en novembre dernier, c’est désormais le scrutin hexagonal qui est décortiqué par les médias internationaux, en particulier chez nos voisins européens. 20 Minutes donne la parole à des journalistes étrangers. Unanimes sur l’intérêt suscité par « notre » élection dans leur pays respectif, leurs témoignages dessinent les différents enjeux géopolitiques et économiques de ce scrutin.

VU DES ETATS-UNIS : « Obama et Trump continuent leur guerre d’idées à travers cette campagne »

Melissa Bell, correspondante à Paris de CNN.

« J’ai été frappée, partout où je suis allée pendant cette campagne, par le nombre de journalistes étrangers. L’élection passionne le monde entier qui attend de voir ce que choisira la France dimanche. Les Américains sont sans doute plus préoccupés par leur propre actualité politique, mais ils s’intéressent à ce qui se passe en France, surtout depuis le premier tour. Comme les Britanniques, ils se demandent ce que va donner cette vague populiste arrivée en France.

L’ancien et l’actuel président des Etats-Unis continuent leur guerre d’idées à travers la campagne française. D’un côté, Barack Obama a apporté son soutien à Emmanuel Macron. De l’autre, à travers ses tweets, on sent l’intérêt de Donald Trump pour les fortunes électorales de Marine Le Pen, même s’il ne la nomme pas. Dans leur grande majorité les Américains découvrent les deux candidats, même si Le Pen est plus connue, notamment car elle a été identifiée, après la victoire de Trump et après le Brexit, comme la possible suite de cette vague populiste.


Il y a deux Amériques qui regarderont de très près ce qui va se passer dimanche, tout comme il y a deux Grande-Bretagne et sans doute deux France. Il ne s’agit pas de petits changements politiques mais de deux visions qui s’opposent, de pays qui se redéfinissent. C’est ce fil commun entre les trois scrutins [référendum sur le Brexit, élections américaine et française] qui fait que dès le départ cette élection française a été suivie par tout le monde. Ce sont les Français qui votent mais les conséquences du scrutin iront au-delà des frontières françaises ».

VU DE RUSSIE : « Les médias d’Etat marquent leur soutien à Marine Le Pen »

Ekaterina Anisimova, journaliste russe à Moscou à l’AFP.

« Globalement, les Russes ne s’intéressent pas beaucoup à ce scrutin. En revanche, dès le début de la campagne française, les médias russes ont marqué leur fort soutien à Marine Le Pen et François Fillon. D’après un sondage de VTsIOM (Centre Panrusse d’étude de l’opinion publique), 57 % des Russes pensent que l’issue de l’élection présidentielle française sera importante pour leur pays. Ils sont 61 % à pencher plutôt pour Marine Le Pen contre seulement 8 % pour Emmanuel Macron.

Il est beaucoup moins connu des Russes, contrairement à Marine Le Pen. Les hommes politiques russes la présentent comme une nouvelle Jeanne d’Arc. Les médias d’Etat la présentent comme la partisane des valeurs traditionnelles, qui combat l’immigration, ce qui plaît aux Russes. Seuls les quelques médias libéraux la qualifient de candidate d’extrême droite.

Dans la presse russe, Macron est présenté comme pro-Américain et n’aimant pas la Russie. Il y avait aussi beaucoup de rumeurs sur son homosexualité. Si Marine Le Pen est élue, Poutine sera le premier à la féliciter et tout le monde parlera ici de la clairvoyance du président russe qui l’a reçue à Moscou ».


VU D’ALLEMAGNE : « Pour les Allemands, un Frexit signerait la fin de l’Europe »

Stefan Simons, correspondant à Paris pour le Spiegel online.

« L’élection française intéresse beaucoup les Allemands.Le Penelopegate a été très commenté. Cet intérêt est aussi stimulé par la montée du FN, qui pourrait influencer nos élections en septembre, oùl’AfD [le mouvement anti-migrants et anti-islam Alternative pour l’Allemagne] pourrait passer la barre des 10 %.

>> Notre reportage : A Kehl, les Allemands sont au taquet et attendent les résultats avec impatience​

Le duel Macron-Le Pen a été suivi en Allemagne par le prisme de l’Europe. Macron, perçu comme proeuropéen, a reçu le soutien de plusieurs personnalités politiques, dont Angela Merkel, Martin Schulz et Wolfgang Schauble. En revanche, les positions de Marine Le Pen font craindre un Frexit et pour les Allemands, ça signerait la fin de l’Europe. D’où le grand soulagement après le premier tour, car il n’y a pas eu de duel Le Pen-Mélenchon.

Le vote FN est perçu comme une réaction de ras-le-bol par rapport au système établi, d’où l’élimination des deux grands partis traditionnels dès le premier tour. Les Français veulent tout changer, c’est historique ! »

VU DE SUISSE : « La montée du FN prouve que la Suisse n’est pas une anomalie »

Richard Wély, correspondant à Paris du journal suisse francophone Le Temps.

« L’élection intéresse beaucoup nos lecteurs suisses francophones mais je reçois autant de mails d’eux que des lecteurs français vivant en France qui nous lisent pour avoir un regard différent sur le scrutin. Les Suisses la suivent avec intérêt car elle offre un spectacle totalement inédit par rapport au régime parlementaire helvète et aussi pour la montée du FN. Beaucoup de gens y voient la preuve que la Suisse n’est pas une anomalie car l’UDC, un mouvement europhobe et anti-islam, s’est installé dans le paysage politique dès les années 1990.

Pour les opérateurs financiers suisses, l’inquiétude est moindre car ils partent du principe que Macron va remporter l’élection. En revanche, les Suisses, notamment les francophones qui se rendent régulièrement dans l’Hexagone, voient monter cette colère française avec inquiétude.

Si le second tour Macron-Le Pen n’a pas surpris, car il avait été pronostiqué par les sondages, les Suisses sont un peu étonnés de voir que la France est sur le point de donner les clés du pays à un homme de moins de 40 ans qui n’a été ministre que deux ans. Il y a un petit peu d’admiration devant cette audace française. L’autre surprise, c’est le score de Mélenchon. Pour les Suisses, c’est la preuve que les Français restent d’indécrottables révolutionnaires ! Ça fascine et ça inquiète, il y a un peu de peur et d’admiration face à cette capacité à s’indigner et cette nostalgie de la révolution et la lutte des classes ».

VU D’ESPAGNE : « Les Espagnols voient avec une certaine perplexité que le FN est devenu un parti comme les autres »

Aurora Minguez, correspondante à Paris de la RTVE.

« Il y a un grand intérêt en Espagne pour cette élection, surtout pour Marine Le Pen et la montée de l’extrême-droite, mais aussi pour le personnage émergent d’Emmanuel Macron, car chez nous, le leader du nouveau parti Ciudadanos est un homme, jeune, avocat, sans expérience de gouvernement, qui incarne le renouveau politique.

Les idées de Marine Le Pen inquiètent les Espagnols mais son discours anti-européen et antilibéral trouve en partie un écho. Quand elle critique les réformes impulsées par Emmanuel Macron, ici on sourit car ce sont de mini-réformes par rapport à ce qu’on nous a imposé en Espagne, mais aussi au Portugal, et Grèce. Miraculeusement, il n’y a pas de Marine Le Pen chez nous, mais beaucoup de gens pourraient lui donner leur voix car comme en France, il y a une forte frustration du peuple envers la classe politique.

Ce week-end ne sera pas comme les autres. L’élection française sera l’info principale, elle fera la Une. Pour les Espagnols, la France a toujours été le pays de la liberté, des droits de l’homme, et ils voient avec une certaine perplexité que le FN est devenu un parti comme les autres ».

VU D’ITALIE : « La France sera-t-elle encore pro-européenne après cette élection ? »

Alberto Toscano, journaliste et écrivain italien à Paris depuis 31 ans.

« Il y a un très grand intérêt pour cette élection. Pour trouver une présidentielle française qui a autant passionné l’Italie, il faut remonter à 1981. C’est le débat sur l’Europe qui motive cet intérêt. La France est le partenaire européen le plus important pour l’Italie, avec l’Allemagne. Rome espère faire front commun avec Paris pour peser face à Berlin. Donc les Italiens veulent voir comment les Français se positionnent sur la question. Est-ce que la France sera encore pro-européenne après cette élection ?

L’Italie et la France souffrent de la même contradiction. La somme des forces eurosceptiques arrive presque à 50 % aux élections mais environ deux tiers de la population ne veut pas quitter l’Union européenne selon les sondages.

L’issue du second tour ne fait pas trop de doute pour les Italiens, mais ils scruteront le score de Le Pen. La Ligue du Nord la soutient tandis que Matteo Renzi [le Premier ministre] a échangé des tweets avec Macron. On les compare souvent, pour leur jeunesse et leur ligne politique : ce sont deux réformateurs de centre-gauche, pragmatiques. Renzi lui-même a revendiqué cette similitude pendant la campagne de la primaire de son parti ».