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Une campagne folle vue depuis Google Trends - Le Poids des Mots

De gauche à droite et de haut en bas : sur le vieux port de Marseille lors du meeting de Jean-Luc Mélenchon le 9 avril; au Trocadéro à Paris lors du meeting de François Fillon le 5 mars; Marine Le Pen au Grau-du-Roi le 27 avril; Emmanuel Macron devant l'usine Whirlpool d'Amiens le 26 avril; tir d'un missile depuis le destroyer «USS Ross» le 7 avril et évacuation de l'aéroport d'Orly le 18 mars.
De gauche à droite et de haut en bas : sur le vieux port de Marseille lors du meeting de Jean-Luc Mélenchon le 9 avril; au Trocadéro à Paris lors du meeting de François Fillon le 5 mars; Marine Le Pen au Grau-du-Roi le 27 avril; Emmanuel Macron devant l'usine Whirlpool d'Amiens le 26 avril; tir d'un missile depuis le destroyer «USS Ross» le 7 avril et évacuation de l'aéroport d'Orly le 18 mars. © Images : Reuters / Montage : Paris Match
Adrien Gaboulaud , Mis à jour le

Quels mots ont marqué la campagne présidentielle? Réponse avec l’analyse des discours des candidats par «Le Poids des mots» et les données de Google Trends sur les requêtes des internautes dans Google.

La campagne présidentielle de 2017 est-elle la pire de l’Histoire de la Ve République? Marquée par les affaires, ponctuée par des attaques terroristes, couronnée par un débat acrimonieux, elle a sans nul doute été beaucoup plus agitée que les campagnes récentes. Notre application «Le Poids des mots», qui permet le comptage précis des mots prononcés par les candidats depuis le 30 janvier (au lendemain du second tour de la primaire socialiste), permet de voir comment les discours des candidats ont été marqués par ce climat délétère.

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Notre partenaire Google Trends apporte un complément inédit à cette analyse des discours. Grâce aux données mises à disposition par le Google News Lab France, nous sommes en mesure de mettre en regard le nombre d’occurrences d’un mot dans les discours politiques avec l’intérêt qu’il a suscité auprès des internautes utilisateurs des services de recherche de Google. Ainsi parfois ce sont les candidats qui s’emparent des événements d’actualité dans leur discours politiques, parfois ce sont eux qui créent l’intérêt pour un mot. Voici quelques-uns de ces résultats. 

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D’où proviennent les données? Les captures d'écran ci-dessous sont issues de l'application web «Le Poids des mots», développée par Paris Match. Le nombre d'occurrences d'un mot dans les discours des candidats est affiché jour par jour. Depuis le 30 janvier, 231 interventions –meetings, émissions de radio et de télévisions, interviews dans la presse écrite- ont été intégrées à notre base de données. Plus de 1,3 million de mots ont ainsi été analysés. Sur la page dédiée, nos lectrices et lecteurs peuvent effectuer eux-mêmes un recherche pour retrouver les occurrences et les sources des mots des cinq principaux candidats.

Google Trends permet de représenter dans le temps l’évolution de l'intérêt pour un mot-clé en quantifiant le volume de requêtes dans les moteurs de recherche de Google, Google News et YouTube. L’indice 100 représente le volume maximal des recherches sur un sujet au cours d’une période et dans une zone géographique. Les données mises à disposition de Paris Match par le Google News Lab France sont calculées à partir d’un échantillon représentatif de l’ensemble des recherches effectuées en France.

Penelope Fillon au cœur de la campagne malgré elle 

L’«affaire Penelope» a éclaté, dans les colonnes du «Canard enchaîné», juste avant le 30 janvier, date qui marque le début de notre période d’analyse. L’impact initial des premiers articles n’est donc pas mesuré par nos données. Néanmoins, ses multiples rebondissements ont fait irruption dans la campagne. Dans les requêtes des utilisateurs de Google pour le mot «Pénélope», le pic est atteint le 2 février 2017. Ce jour-là est diffusé un reportage d’ «Envoyé Spécial» dans lequel l’épouse de François Fillon apparaît sur une vidéo datant de 2007, où elle affirme qu’elle n’a jamais travaillé pour son mari. Les candidats, eux, n’ont pas prononcé le prénom de l’épouse Fillon. Seul François Fillon lui-même l’a fait, notamment lors d’une conférence de presse : «Penelope n'a jamais revendiqué de rôle dans la lumière. Elle a exercé dans la discrétion», assure-t-il le 6 février.

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D’embarrassants costumes

Le dimanche 12 mars, nos confrères du «JDD» révèlent que François Fillon a reçu en cadeau au moins deux costumes de la maison Arnys pour un montant de 13 000 euros. Des versements en liquide, évoqués dans «Le JDD» pour un montant de 35 500 euros, sont contestés par le candidat. La parution de l’article suscite un pic d’intérêt dans les requêtes Google pour le mot «costumes». Le candidat Fillon, lui, aborde la question sur Europe 1 le lendemain, lundi 13 mars. Il prononcera le mot «costumes» cinq fois sur le plateau de «L’Emission politique» sur France 2, le 23 mars, notamment face à l’écrivaine Christine Angot, lors d’un échange extrêmement tendu. Quelques uns de ses adversaires le prononceront aussi, comme Jean-Luc Mélenchon, qui, en réponse à une question de Jean-Jacques Bourdin, indique sur RMC BFMTV l’adresse du magasin où il achète les siens.

 

La traditionnelle course aux parrainages

La course aux parrainages, étape du processus de désignation des candidats à l’élection, a suscité moins de suspense cette année que lors des précédentes présidentielles. Le Front national, d’ordinaire prompt à déplorer les difficultés à réunir les 500 signatures nécessaires pour valider une candidature, ne s’est guère manifesté cette fois. Marine Le Pen a même fait savoir qu’elle accorderait son parrainage à Henri Guaino, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, qui n’a finalement pas pu être candidat. Le souverainiste François Asselineau, en revanche, a créé la surprise en réunissant les parrainages nécessaires. Au premier tour, il n’a réuni que 0,92% des suffrages, soit 332 588 voix. De même pour Jean Lassalle, qui fait un peu mieux, avec 1,21% des voix.

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Attaque à Orly

Le samedi 18 mars, un homme parvient à s’emparer du fusil automatique d’une militaire en patrouille dans l’aéroport d’Orly. Il est abattu. Le pic de recherches dans Google pour le mot «Orly» se produit logiquement le jour-même, alors que le pays découvre les images de l’aérogare évacué. Les candidats à l’élection présidentielle ne rebondissent pas immédiatement, à l’exception de Marine Le Pen, qui, en meeting à Metz le même jour, assure dès les premières minutes de son discours que l’événement valide ses analyses : «La lâcheté de toute la classe politique devant le fondamentalisme islamiste, seule ligne de conduite depuis 15 ans que ce fléau prospère, cette lâcheté a produit les résultats que l’on sait, que l’on voit encore aujourd’hui à Orly.»

Immunité parlementaire contre "immunité ouvrière"

Le mot «immunité» a marqué la campagne présidentielle, d'abord parce que Marine Le Pen a choisi de faire valoir son immunité parlementaire pour ne pas répondre aux convocations des juges dans l'affaire concernant les assistants parlementaires du Front national au Parlement européen. Le 2 mars, cependant, son immunité parlementaire a été levée pour une autre affaire, liée à la diffusion d’images violentes sur son compte Twitter pour soi-disant «dénoncer Daech». Le sujet a connu un net regain d’intérêt le 5 avril, au lendemain du premier débat entre les 11 candidats. C’est ce jour-là que Philippe Poutou, candidat du NPA, a apostrophé la présidente du FN en déplorant l’absence d’une «immunité ouvrière», une formule qui a marqué l’émission dont la vidéo a généré des milliers de vues sur Internet.

 

Daech tente de perturber la campagne

Le groupe terroriste, qui a revendiqué l’attaque meurtrière commise à Londres le 22 mars, a également affirmé être responsable de l’attentat commis le 20 avril sur les Champs-Elysées , à Paris, lorsqu’un policier a été abattu par un tireur aux antécédents ultraviolents. Le même soir, sur France 2, les 11 candidats parlent les uns après les autres dans «Quinze minutes pour convaincre» à quatre jours du premier tour. Le pic des recherches dans Google pour le terme «Daech» intervient le lendemain, le 21 avril. Du côté des candidats, c’est Marine Le Pen qui a le plus cité le nom de l’organisation terroriste. Elle le prononce à huit reprises en quelques minutes lors d’une interview sur LCP, le 2 mars, pour justifier qu’elle a publié des images de propagande diffusées par Daech, fait pour lequel son immunité parlementaire a été levée.

La Guyane s’embrase

Avec une grève générale lancée le 27 mars, le conflit social en Guyane s’est imposé comme un des sujets-clés de la campagne présidentielle. Un accord a finalement été signé le 21 avril. Sur Google, les recherches pour le mot «Guyane» ont été le plus nombreuses au début du déclenchement de la grève générale. Si les candidats citent le département avant le déclenchement du mouvement, notamment lorsqu’ils s’y rendent pendant leurs déplacements de campagne, ce n’est alors pas pour aborder les problématiques qui feront l’objet de revendications précises de la part des grévistes.

La Syrie bombardée

Un pays a été régulièrement cité par tous les candidats à l’élection présidentielle depuis le 30 janvier, c’est la «Syrie». Néanmoins, les internautes ne l’ont recherché massivement dans Google que le 7 avril, date du bombardement décidé par le président américain Donald Trump. Cette attaque est une mesure de rétorsion à l’attaque chimique du 4 avril , qui a fait 87 morts, et pour laquelle les services de renseignements français –entre autres- estiment que le régime de Bachar el-Assad est responsable. Les candidats à la présidentielle en parlent alors pour dénoncer l’horreur de l’attaque chimique, mais aussi pour certains dont Marine Le Pen, pour revoir leur jugement à propos de Donald Trump et de sa politique. Avant cet épisode, ils mentionnent la Syrie essentiellement dans le cadre de la problématique du retour des djihadistes français. «Ceux qui sont partis faire le djihad en Syrie ou en Irak ne devront pas revenir parce qu'ils perdront la nationalité française comme le permet la loi», proposait ainsi François Fillon le 15 février à Compiègne.

Une soirée à la Rotonde 

En choisissant de passer une partie de la soirée du premier tour à la Rotonde, une brasserie située boulevard du Montparnasse à Paris, Emmanuel Macron a créé la polémique. Sans surprise, c’est dès le lendemain, lundi 24 avril, que les requêtes pour le mot «Rotonde» explosent dans Google. Emmanuel Macron, lui, estime n’avoir commis aucune erreur. Dès le 25 avril, sur France 2, il rejette toutes les critiques : «Aucun regret, j'assume totalement et j'assumerai toujours. Ce ne sera pas le diktat d'une bien-pensance triste qui me dira où je dois aller.»

A lire : Notre entretien avec Emmanuel Macron

Marine Le Pen, pourtant, ne manque pas de rappeler sans cesse cet épisode. Elle a prononcé le mot neuf fois entre les deux tours. «La Rotonde, son Fouquet’s à lui», dira-t-elle le 27 avril à Nice dans une référence à la soirée du Fouquet’s après la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007. Emmanuel Macron a «fêté sa victoire à la Rotonde avec la gauche caviar et les anciennes gloires du showbiz moralisateur», insistera-t-elle encore le 1er mai lors de son meeting à Villepinte. Elle y revient encore pendant le débat du 3 mai dernier.

Whirlpool, théâtre du duel Macron-Le Pen 

La journée du 26 avril tourne à la comédie politique. Alors qu’Emmanuel Macron est en déplacement à Amiens, où il rencontre les représentants des salariés de l’usine Whirlpool, en passe d’être délocalisée en Pologne, Marine Le Pen se rend sur le parking du site industriel où elle salue les ouvriers devant quelques caméras. Emmanuel Macron s’y rend ensuite, où il dialogue difficilement avec des salariés en colère. Le duel, suivi minute par minute par les caméras des chaînes d’information en continu, génère un pic de requêtes pour le mot «Whirlpool» dans Google. Le lendemain, dans le Gard puis les Alpes-Maritimes, Marine Le Pen se targue d’avoir abordé un sujet qu’Emmanuel Macron préférait taire. «Whirlpool, il n'en a pas parlé pendant toute sa campagne. Moi J'en ai parlé quasiment à chacun de mes meetings», dit-elle au Grau-du-Roi. De fait, les données du «Poids des mots» montrent que la candidate prononce le mot pour la première fois le 9 février, sur France 2.

A lire : Notre entretien avec Marine Le Pen

Le candidat d’En Marche !, lui, assume son approche. «Madame Le Pen a fait un coup de communication en venant sur un parking», dit-il sur TF1 le 27 avril. «Whirlpool est un groupe qui se porte bien, qui a distribué des dividendes généreux. La responsabilité de l'Etat, c'est de ne pas homologuer (…) un plan social qui ne serait pas à la hauteur des attentes légitimes des salariés», ajoute l'ancien ministre de l'Economie. Durant l’entre-deux-tours, il rejettera à plusieurs reprises la proposition faite par Marine Le Pen de nationaliser l’usine de fabrication de sèche-linges. «C’est à se tenir les côtes», dira-t-il même le 3 mai, lors du débat télévisé. La grève prend fin l’avant-veille du second tour, quand les salariés de Whirlpool signent un accord avec la direction.

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