Alep : Ibrahim Alsabagh, un curé au milieu des ruines

Curé de la paroisse Saint-François à Alep, le franciscain multiplie les initiatives pour faire vivre l'espérance dans la ville syrienne.

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Le frère Ibrahim Alsabagh est le dernier curé d’Alep, et le témoin d’une plongée en abîme.
Le frère Ibrahim Alsabagh est le dernier curé d’Alep, et le témoin d’une plongée en abîme. © ALLAE

Temps de lecture : 3 min

Le monde autour de lui a beau s'effondrer, il restera jusqu'au bout, malgré tout. À écouter sa voix lente, à voir son sourire doux, on peine à imaginer que le frère Ibrahim Alsabagh* vit au milieu de l'enfer. Ce franciscain quadragénaire à l'allure bonhomme est le dernier curé d'Alep, et le témoin d'une plongée en abîme dont il tient la chronique, au jour le jour, à travers des lettres envoyées à ses amis et aujourd'hui rassemblées dans un livre saisissant, Juste avant l'aube (Éd. du Cerf). « Les missiles ne tombent plus sur nos têtes, mais, tout autour de nous, ce n'est que ruines, témoigne le prêtre, de passage à Paris, au Point.fr. Il n'y a plus d'électricité, nous avons été privés d'eau pendant 70 jours, et 95 % des familles vivent sous la ligne rouge de la pauvreté. Plus que l'écroulement des édifices, nous assistons à la destruction de l'être humain. Nous essayons de motiver le peuple, de transmettre un espoir pour qu'il continue à vivre à Alep. Mais aucun avenir ne se dessine. Il y a beaucoup d'anciens, beaucoup de femmes, de jeunes filles, d'enfants, mais la plupart des hommes, et surtout des jeunes hommes ne sont plus là. »

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Né à Damas, où il a suivi des études de médecine, puis étudiant en théologie au Liban, Ibrahim Alsabagh est entré dans l'ordre franciscain et a rejoint la Custodie de Terre sainte, qu'administrent les frères mineurs depuis huit siècles partout au Moyen-Orient. L'homme trace son sillon de pauvreté et d'humilité dans le sillage de François d'Assise, en étant tour à tour, comme il l'écrit, pompier, infirmier, surveillant, enseignant au milieu d'une cité qui s'effondre. Combien de fois a-t-il pensé aux lépreux qu'embrassait le « Poverello », fondateur de son ordre ? « Nous, Alépins, nous sommes les lépreux du XXIe siècle, lance frère Ibrahim, à cause de cette guerre absurde, des intérêts avides qui prolifèrent autour de nous en oubliant les seuls intérêts qui devraient avoir valeur, à savoir la dignité de l'homme, la défense de la famille, le respect de la vie. »

« Signes prophétiques »

Au milieu de cette désolation, le prêtre s'échine à « œuvrer pour la réconciliation et pour la paix » et, « au-delà des paroles, à adresser des signes prophétiques ». Des signes qui prennent la forme d'actes tout à fait concrets. À partir du couvent du quartier Azizieh, où ils sont encore quatre franciscains à être présents, le frère Ibrahim Alsabagh et ses fidèles ont ainsi lancé près de 33 projets humanitaires : des programmes d'urgence, pour l'assistance sanitaire, l'acheminement de paquets alimentaires – à destination de 3 000 familles… –, la distribution, et même l'enterrement des morts. Les autres initiatives consistent en des chantiers à plus long terme, pour la reconstruction de maisons notamment – 140 à ce jour ont été rebâties. Les frères s'occupent des familles, accompagnent de jeunes couples (740 mariages depuis 2012), adoptent des nouveau-nés – dont 400 musulmans, pour lesquels ils distribuent couches, lait et matériel hygiénique –, prennent en charge l'éducation des plus grands à travers 13 écoles privées.

Livre « Juste avant l’aube » (Éd. du Cerf).  ©  DR
Livre « Juste avant l’aube » (Éd. du Cerf).  © DR

Ils soutiennent aussi ce que frère Ibrahim appelle de « petits projets possibles ». Objectif : « donner un coup de pouce économique afin que les gens puissent retravailler, passer d'une dépendance totale à une vie active, productive ». 140 micro-entrepreneurs ont ainsi bénéficié de cette aide depuis janvier 2017. « Grâce à l'accueil, l'écoute, la disponibilité, nous accomplissons des pas gigantesques, souligne le frère syrien, dans un sourire. À Alep, nous voyons beaucoup de Bien aussi. Nous essayons d'intégrer ces initiatives dans un plan plus vaste qui permette d'agir pour le Bien, et empêche de répondre au Mal par le Mal. » Et le disciple de saint François d'Assise, dans un accès joyeux de s'exclamer : « Et ainsi, frère, la vie devient belle à Alep ! Non parce qu'elle l'est, mais parce que nous la voulons telle. » Une petite lumière d'espérance au milieu des ténèbres.

Pour aider le frère Ibrahim Alsabagh :

facebook.com/latinparish.aleppo/" target="_blank" title="" data-gtm="click:capsule" data-capsule="Lien"> Facebook : Latin Parish Children in prayer for peace ou sur Twitter.

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Commentaires (3)

  • Illitch

    Le témoignage de ce curé franciscain est effrayant par sa crudité. Et ceux, comme moi, qui ont connu la belle et grande Syrie d'avant la guerre se disent "pourquoi ? " Pourquoi cette coalition occidento-saoudienne et leurs mercenaires islamistes contre un peuple qui était heureux et qui avançait sûrement vers l'avenir ? Pourquoi cette guerre décidée à Washington, à Londres, à Paris, à Ankara, à Ryad, à Doha, contre un pays arabe qui se développait harmonieusement ? Pourquoi ?

  • chouette33

    Superbe article !
    Merci
    Cela nous change du microcosme français

  • 2017 àsuivre

    Enfonçons les clous ! C'est parce que Alep-est a été libérée des islamo-terroristes qu'un peu d'espoir renaît...
    Comme disait Lénine, les faits sont têtus !