LE SEXE SELON MAÏA
Dans l’ahurissant défilé de coups bas et de vulgarités ayant parsemé cette élection présidentielle, difficile d’ignorer la façon dont le vocabulaire sexuel a été utilisé pour discréditer et humilier ses adversaires.
Ce n’est pas la première fois, mais c’est toujours de trop – dix fois, mille fois de trop… parole de « journalope » appartenant aux « merdias » qu’on « encule ».
Il a été question, dans la bouche pas seulement de militants mais d’artistes, de « petite teupu » et de « trous du cul ». Vous êtes consternés ? Moi aussi. Ces mots nous sont jetés au visage depuis des mois. Depuis des années. La liberté d’expression a bon dos.
Fixation scatologique, sexisme, homophobie : l’insulte est aussi réactionnaire que les comportements qu’elle prétend dénoncer – qu’elle vienne de gauche ou de droite, d’esprits supposément étroits ou prétendument libérés, elle méprise les travailleurs sexuels, les femmes, les passifs.
Indignité des arguments
Tout se passe comme si l’indignation politique donnait la permission de recréer des hiérarchies entre les citoyens, et comme par hasard, cette hiérarchie n’aime pas trop celles et ceux qui sont « en dessous ». Cette sémantique ne marque pas seulement la fin de la pensée : elle rappelle que nos mots sont plombés de significations et que non, ce n’est jamais « qu’une manière de parler ».
En tant que journaliste spécialisée, je suis mortifiée par l’association de positions sexuelles et de positions morales, par l’indignité des arguments. Nulle pruderie là-dedans, seulement la déception qu’on salisse une occupation joyeuse, créative, porteuse de lien, socialement productive (en attendant qu’on fasse pousser les petits citoyens en culture hydroponique). Nos péchés mignons ne sont pas toujours parfaitement sympathiques et égalitaires, certes… mais de là à en faire des insultes ?
Alors d’accord. Explorons les fondements du problème. Il se joue dans cette obsession sexuelle un aspect noir de notre imaginaire : « Tout ce que le corps expulse constitue et engendre un déchet. Si ce déchet retourne d’une façon ou d’une autre au corps qui l’a évacué, parce que ce dernier le lèche ou s’en humecte, ou s’il devient un élément à photographier, en outrant les poses qui mettent en évidence l’acte d’évacuation, alors l’intégrité et l’inviolabilité de ce corps autrefois scellé et protégé sont inévitablement corrompues et compromises à jamais… » (Pornoculture, Claudia Attimonelli et Vincenzo Susca, essai publié aux éditions Liber).
Il vous reste 64.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.