TRIBUNE. Monsieur Ruffin, je lis dans Le Monde votre « Lettre ouverte à un futur président » (édition du 5 mai), et, à mesure que j’avance dans sa lecture, la haine qui en transpire, rythmée par un refrain on ne peut plus explicite (« Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï »), antienne que, pour ne pas vous-même l’incarner, vous prêtez à ce « peuple » qui parlerait à travers vous, oui, à mesure que j’en mesure la noirceur, cette haine qui vous habite me donne la nausée.
Le 3 mai au soir, comme quinze millions de Français, j’ai assisté au déferlement de haine qu’a dû subir et supporter notre futur président de la République, m’interrogeant sur ce que j’aurais fait si je m’étais trouvé face à une goule qui, sans relâche, mentait, éructait, insultait un homme qui, courageusement, tentait d’expliquer sa démarche sans avoir recours à des fiches, avec sérieux et lucidité. Et le lendemain après-midi, dans mon journal, ça recommence. Ça repart avec autant de rage et de hideur.
« Avant même qu’aucune expérience de “flexisécurité” n’ait été tentée en France, vous propagez, à son égard, une détestation préventive »
Serait-ce qu’entre vous, monsieur Ruffin, et Marine Le Pen, la différence morale serait infime ? Que vous seriez, comme elle, un vecteur de vulgarité, de haine et de violence ?
Vous prétendez qu’autour de vous, dans tous vos déplacements au sein de ce que certains nomment « la vraie France », M. Macron serait haï car son seul objectif (dissimulé bien sûr) serait, comme le répète à l’envi sa rivale, de priver de leurs droits chèrement acquis ceux qu’avec tendresse un philosophe humaniste malheureusement disparu, mon ami Pierre Sansot, appelait les « gens de peu ».
Mais c’est vous, monsieur Ruffin, et c’est elle, Mme Le Pen, qui, depuis des années, sans égards ni pour la vérité ni pour la difficulté à trouver des solutions durables à la misère sociale, répandez cette haine auprès d’hommes et de femmes qui, aveuglés par la colère et le désespoir, se jettent sur vos « y-a-qu’à » comme des noyés sur une bouée.
Et le pire, monsieur Ruffin, le pire, c’est que vous êtes de bonne foi, sans doute, dans vos imprécations. J’en parle d’expérience, pour avoir été moi-même, dans mon jeune âge, victime du même virus que vous.
Che Guevara, Ho Chi Minh et Mao
Pour ceux – la plupart j’imagine – auxquels mon nom ne dirait rien, je précise en effet que, pendant une décennie, j’ai été un militant révolutionnaire anticapitaliste autrement plus radical et plus déterminé que l’homme qui prétend incarner aujourd’hui « le peuple » et « l’insoumission » puisque, au titre de directeur du journal La Cause du peuple, j’ai passé neuf mois dans la prison de la Santé en 1971.
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