PORTRAIT. Emmanuel Macron, l'homme pressé qui a réussi son pari

A 39 ans, Emmanuel Macron a été élu président de la République, dimanche soir. Portrait.

KARINE MICHEL Publié le 07/05/2017 à 20:40, mis à jour le 07/05/2017 à 20:58
Emmanuel Macron Photo Franz Chavaroche

Il est, d’apparence, habité de cette suffisance qui «n’exclut pas le talent, mais le compromet» (1). Mais chez le jeune homme, cette arrogance des puissants masque une part de doute, ce doute qui fait avancer…

Pour Emmanuel Macron, c’est à grand pas.

A moins de 40 ans, le voilà à l’Élysée sans jamais s’être, au paravant, présenté devantles Français. En un an à peine, il a réussi le tour de force de présenter un nouveau visage de la classe politique, et d’être présent au second tour de la Présidentielle.

Ce «Don Juan de la politique» comme le décrit la journaliste Anne Fulda (2), est animé par la soif de plaire… Pour se rassurer.

«À se demander si Emmanuel Macron ne fait pas tout pour retrouver toujours et encore le regard de Manette, sa grand-mère adorée.»

Manette, la littérature et Brigitte

Né à Amiens, dans une famille de médecins, Emmanuel Macron est l’aîné de trois enfants. Enfin… Une «grande sœur», enfant mort-né un peu plus d’un an avant sa naissance. Les parents ont, dit-on, consulté… Mais se remet-on jamais vraiment de la disparition d’un enfant?

«L’aîné» de la fratrie Macron n’a-til pas cherché à faire oublier l’absente? En tout cas, il fait très rapidement preuve d’une aisance naturelle à séduire par le verbe, et partage avec sa grand-mère maternelle Manette, la passion de la littérature, de la philosophie. C’est à elle dit-on, qu’il doit son engagement à gauche.

Manette, devenue au même titre que Brigitte Macron, un «outil de communication» dans la campagne, conférant au candidat une dimension intellectuelle et humaniste bien éloignée de la froide politique libérale que l’on prête à l’ancien banquier d’affaires.

Ce regard, qui «l’a porté, approuvé, émancipé » écrit encore Anne Fulda, l’ancien locataire de Bercy le recherche toujours «chez les puissants qui l’entourent». Dans la «conquête narcissique et perpétuelle» d’un assentiment dont il puise l’énergie etla force d’aller de l’avant. Un parcours jalonné de rencontres Sa passion pour les lettres le rapproche de sa professeur de français et de théâtre, alors qu’il est élève au collège privé La Providence.

Brigitte Auzière née Trogneux est alors mariée, mère de trois enfants dont l’aînée est une camarade de classe d’Emmanuel Macron… La différence d’âge, de milieux, le «quand dira-t-on» dans la petite bourgeoisie amiénoise, n’ont pas eu raison de leur amour.

Lorsqu’il rejoint en première le prestigieux lycée Henri IV à Paris, établissement dont on sort avec une carrière toute tracée, Brigitte ne tarde pas à s’installer elle aussi dans la capitale, où elle enseigne dans un lycée privé.

La «singularité» de leur couple, la force de leur amour, Brigitte et Emmanuel Macron ont choisi de le mettre en scène sous le feu nourri des médias, avant de devenir un outil de campagne dès lors où le jeune ministre de l’Economie s’est lancé dans la course à l’Élysée.

C’est donc avec Brigitte à ses côtés, sa part «non négociable» comme la présente Anne Fulda, qu’Emmanuel Macron franchit une à une les étapes qui l’ont conduit à lancer En marche! en avril 2016. L’ENA d’abord–promotion Senghor –, puis l’inspection générale des finances, la banque Rothschild…

Un parcours jalonnés de rencontres qui le nourrissent autant que lui les séduit: Paul Ricœur le philosophe pour commencer. Michel Rocard… Mais c’est en particulier à deux hommes que Macron doit d’être sorti de l’ombre. Jean-Pierre Jouyet d’abord. Le secrétaire général de l’Élysée de François Hollande a fait la connaissance d’Emmanuel Macron à l’inspection générale des Finances.

«C’est un garçon plein d’élégance, qui conjugue vivacité intellectuelle et sens politique», confie celui qui présenta Macron en 2005 à François Hollande. Hollande dont Macron devient la voix économique et libérale… C’est Jouyet encore qui souffle le nom de Macron à François Hollande pour Bercy.

Jacques Attali est lui aussi qualifié de «découvreur» de Macron. Les deux hommes se rencontrent lors de la mise en place par le président Sarkozy, de la «commission Attali» en 2007. Emmanuel Macron n’est encore qu’un énarque mais «bluffe tout le monde» selon un observateur du capitalisme français…

De rapporteur de la commission, Macron en devient membre. Parmi les mesures préconisées alors: la baisse des cotisations sociales compensée par une hausse de la CSG et de la TVA, la réduction de la fiscalité qui pèse sur la finance mais aussi la réduction de l’administration, la priorité donnée à l’éducation et l’accès aux compé- tences de base par exemple, sans parler d’une meilleure rémunération des chômeurs en formation.

Cela ne vous rappelle rien? A 39 ans, et après un an de terrain à la conquête de la France, Emmanuel Macron n’a, finalement, commis que deux « erreurs» de parcours. La première: avoir laissé croire qu’il était Normalien. Lorsque son nom est prononcé dans les cercles de l’intelligentsia politico économique parisienne, Emmanuel Macron a en effet, le profil du diplômé de l’École «de la rue d’Ulm». Il n’en est rien. C’est d’ailleurs ce qui le différencie de Georges Pompidou, agrégé de lettres et diplômé de Sciences Po…!

Sa deuxième erreur restera Whirlpool, dans la campagne qui s’achève. Comment le candidat at-il pu laisser la situation lui échapper, en tout cas à l’image, lui qui déclarait en novembre 2014 : «Quand on a grandi ici, on sait trop bien que l’Amiénois a beaucoup souffert de la désindustrialisation.» (3)

Il était alors question de la reconversion du site amiénois de Goodyear, pour lequel «Emmanuel Macron était prêt à faire beaucoup» aux dires du maire. Prêtà fairebeaucoup,c’est aussi ce qui semble animer le candidat qui a reçu le soutien vidéo de Barack Obama. Il est devenu, ce dimanche soir, le plus jeune président de la Ve République.

1.Louis de Bonald « Pensées ».
2. Dans « Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait ».
3. Le Courrier picard. Sources bibliographiques: «Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait» d’Anne Fulda (Plon). «L’Ambigu monsieur Macron, enquête sur un ministre qui dérange» de Marc Endelwel.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Nice-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.