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Le Vietnam, champion du commerce illégal de bois

Selon un nouveau rapport de l'Environmental Investigation Agency (EIA), publié ce lundi, le pays accentue la déforestation, non plus du Laos, mais désormais du Cambodge.
par Estelle Pattée
publié le 7 mai 2017 à 23h15

En 2015, l'Environmental Investigation Agency (EIA), ONG installée à Londres, révélait dans un rapport le rôle de l'armée vietnamienne dans la contrebande de bois en provenance des forêts du Laos. Dans un nouveau rapport intitulé «Récidiviste : le commerce de bois illégal persistant du Vietnam», elle dénonce un trafic similaire, cette fois-ci avec un autre pays frontalier du Vietnam, le Cambodge. Et ce alors que l'UE et Hanoï doivent conclure dans les prochains jours un accord visant à garantir que seul du bois légal est exporté du Vietnam.

Jusqu'en 2015, le Laos était le plus important fournisseur de bois au Vietnam. Mais en raison d'une volonté politique accrue du Laos pour freiner l'exploitation forestière illégale, le Vietnam s'est tourné vers le Cambodge. Phnom Penh avait pourtant pris, dès 2016, d'importantes mesures pour lutter contre ce trafic. Parmi elles, un gel de toutes les exportations de bois vers le Vietnam ainsi que la création «d'un comité de coalition pour la prévention du crime forestier», supervisé par le commandant de la police militaire nationale, Sao Sokha. Presque immédiatement, relève le rapport, le gouvernement a affirmé avoir éradiqué toute exploitation forestière illégale dans le pays. «Il n'y a pas de transport de bois du Cambodge au Vietnam et à l'intérieur du pays», déclarait Sao Sokha en janvier 2016.

300 000 m3 de bois illégal

Une affirmation démontée en bloc par l'ONG. De novembre 2016 à mars 2017, les enquêteurs de l'EIA auraient découvert une exploitation forestière illégale «à une échelle sans précédent», au sein des «Community Protected Areas» (CPA), des zones protégées, dont certaines sont financées par l'UE, présentes dans les parcs nationaux de Virachey et de Ou Ya Dev, ainsi qu'au sein de la réserve naturelle de Lumphat, dans la province de Ratanakiri (nord-est du Cambodge). De décembre 2016 à février 2017, environ 300 000 m3 de bois illégal auraient ainsi transité du Cambodge jusqu'au Vietnam.

A l'image de la CPA d'O'Tabok, dans le parc national de Virachey, où a débuté, fin 2016, une exploitation forestière illégale. Selon le leader de la communauté, interrogé par l'ONG, les villageois auraient été approchés en novembre 2016 par «des représentants d'un négociant en bois vietnamien», connu uniquement sous le nom de «Yang» et accompagné d'un policier militaire cambodgien. Ils voulaient obtenir le soutien de la communauté pour exploiter les forêts d'O'Tabok, affirmant que les autorités nationales et provinciales avaient déjà convenu de l'exploitation forestière. Une enveloppe de 3 000 dollars leur a été proposée. L'offre a été refusée. Peu importe : une centaine de bûcherons cambodgiens seraient aussitôt arrivés dans la région, accompagnés de militaires, pour lancer l'exploitation. Même scénario dans les forêts qui surplombent le fleuve O'Tang. Là encore, les villageois témoignent avoir été payés par «un homme d'affaires vietnamien» avant le lancement de l'exploitation illégale.

L'EIA n'est pas la seule ONG à alerter sur ce phénomène de déforestation qui touche l'ensemble des pays du Mékong (Vietnam, Cambodge, Laos, Birmanie et Thaïlande). En 2015, le Global Forest Watch révélait, à l'appui de données satellites de l'université du Maryland et de Google, que la planète avait perdu en 2014, plus de 18 millions d'hectares de couverture arborée, soit deux fois la superficie du Portugal. Avec 1,4 million d'hectares de forêt éradiqués depuis 2001, le Cambodge détenait, lui, le record du pays qui a connu la plus rapide accélération de la perte de sa couverture arborée depuis 2001, au rythme de 14,4% par an. Pour le World Resources Institute (WRI), cela est dû en grande partie à la conversion des forêts naturelles en plantations de caoutchouc.

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