Karim Mokhtari, l'ancien détenu qui œuvre pour une autre vie en prison

Le comité régional Mosaïc, qui œuvre pour le « mieux vivre ensemble » a organisé un débat citoyen avec Karim Mokhtari, à la salle Leclanché à Clermont-Ferrand. Rencontre avec un ancien détenu qui œuvre pour une autre vie en prison.


Par Véronique Lacoste-Mettey

Publié le 09 mai 2017 à 06h30

Karim Mokhtari était invité du comité Mosaïc, jeudi dernier salle Lechanché à Clermont, où une bonne soixantaine de personnes sont venues discuter avec lui © Jean-Louis GORCE

Son livre, sorti en 2013 s’appelle Rédemption, itinéraire d’un enfant cassé. Karim Mokhtari a passé plus de six ans en prison. Délinquance, violence fut son lot quotidien dont il se dit sorti « grâce à des rencontres d’hommes et de femmes qui ont su lui faire confiance ». Aujourd’hui, directeur de l’association 100 Murs, il est formateur, consultant carcéral à la demande de la pénitentiaire.

  • Enfant cassé

Le sous-titre du livre de Karim Mokhtari s’intitule Itinéraire d’un enfant cassé. Né d’un père d’origine algérienne et d’une mère française qui s’est remariée, il a eu une enfance malheureuse. « J’ai passé ma vie à chercher l’amour de mes parents. Pour essayer de me faire aimer, j’ai ramené de l’argent à la maison en commettant des délits ». Jusqu’à un braquage qui tourne mal et la mort d’un dealer qui lui valent une condamnation à dix ans de prison (il y passera six ans et demi).

  • La prison

« La drogue et la violence sont omniprésentes. La première année, j’étais encore sous addiction, en pleine errance. Puis j’ai rencontré des personnes qui m’ont aidé à m’en sortir : un vieux détenu qui m’a appris à prendre conscience du temps ; un aumônier catholique qui m’a donné le sens des responsabilités et celle qui allait devenir ma femme. Pendant quatre ans et demi, nous nous écrivions 3 à 4 lettres par semaine ».

  • Islam

À la prison d’Amiens, Karim Mokhtari a aussi découvert l’islam. « Il y avait un groupe d’une dizaine de gars en djellaba, avec leur bouteille d’eau. Je les regarde ; ils ont l’air plus heureux que je peux l’être. Il y a parmi eux un imam autoproclamé. Un jour, il vient me voir et me dit :”Tu es musulman ?” Je lui réponds : “Pas encore mais j’aimerais bien”. J’ai tout appris par cœur, en phonétique. Très vite, nous étions 30 à faire la prière. J’arrête les drogues, ça me sécurise d’appartenir à un groupe ».

Les jeunes manquent de passages initiatiques. Je suis pour le service civique. Ils ont besoin qu’on leur dise “Merci, bravo”.
  • Islam radical

Nous sommes en 1995, après les attentats du RER de Saint-Michel à Paris. La pénitentiaire décide de séparer les musulmans, de les disperser dans divers centres. « Avant de partir, l’imam autoproclamé est venu me voir : “Karim, ton devoir de musulman est de défendre l’islam”. Je devais tuer les mécréants où que je les trouve. Il me parle de camps d’entraînement au Pakistan, en Afghanistan… Je me dis que je ne peux pas croire en une religion qui m’oblige à tuer des gens ».

  • Radicalisation

Karim Mokhtari est aujourd’hui formateur pour la pénitentiaire. Il intervient notamment dans les prisons auprès de jeunes radicalisés, à l’instar de cette jeune Parisienne de bonne famille partie se marier en Syrie et, là-bas, devenue esclave sexuelle. Elle est à Fleury-Mérogis. « Les jeunes manquent de passages initiatiques. Je suis pour le service civique. Ils ont besoin qu’on leur dise “Merci, bravo”. Il faut de l’empathie, de l’engagement, de la résilience, de l’utilité des individus ».

  • Déradicalisation

Après les attentats de Bruxelles, ils m’ont avoué : « Si on pensait aux images qu’on voit à la télévision, on ne le ferait pas. Nous devons les aider à repenser. Il faut leur parler de citoyenneté, de laïcité ». Karim sait que ce n’est pas gagné, qu’il n’y a pas le recul, que « tout est relatif » mais il y croit.

  • Réinsertion

« L’enfermement représente la peine. Or, il doit faire partie de la peine. Si on ne traite pas la problématique, on fabrique la récidive ». Karim s’était promis de ne plus jamais faire de prison. Il y retourne. De l’autre côté.

Comité régional Auvergne-Rhône-Alpes. Le siège est au 19 rue des Hautes-de-Chanturgue à Clermont-Ferrand, tél. 09.72.31.84.35. Il est présidé par Samir El Bakkali.

Véronique Lacoste-Mettey

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